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Index de immersionfr0Le jeu vidéo et les enfants : un loisir contemplatif au cœur des pratiques contemporaines
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Parmi les premiers théoriciens du jeu, bien avant l’avènement des jeux vidéo, on compte notamment Johan Huizinga, qui expliquait dans son ouvrage Homo Ludens l’indissociabilité du jeu et de la culture (Huizinga, 1938) ; idée que reprendra Sicart en parlant justement de produits digitaux (Sicart, 2023). Plus tard, Roger Caillois, explique que le jeu, même perçu au travers de son insouciance, est un moment de divertissement et d’épanouissement fort. Il rappelle également que la psychologie décrit le jeu comme « un des ressorts principaux […] pour l’individu, de son éducation morale et de son progrès intellectuel » (Caillois, 1958). Justement, Piaget et Inhelder expliquent que le jeu est primordial au développement de l’enfant, à tous les stades du développement (Piaget, 1945 ; Piaget & Inhelder, 1966).Depuis la sortie de la Magnavox Odyssey en 1972, la première console de salon, le jeu vidéo a envahi les maisons et les pratiques culturelles quotidiennes. Avec la prolifération à la fin des années 2000 des smartphones et de la multitude de jeux que l’on trouve sur ces appareils mobiles, le jeu vidéo est devenu une pratique complètement anodine (Juul, 2010). Ter Minassian & al. précisent que « chez les moins de 18 ans, la pratique des jeux vidéo est hégémonique » (Ter Minassian & al., 2021). Une enquête menée pour ma thèse en 2023 auprès de 297 parents montre des résultats similaires : 96,3% de leurs enfants jouent à des jeux vidéo. Aujourd’hui, le jeu vidéo a, en plus d’une fonction ludique, une fonction de socialisation (Berry, 2012), car comme en témoignent plusieurs des répondants à mon enquête, les enfants et adolescents jouent ensemble à des jeux vidéo, en parlent ensemble en dehors des moments de jeu, et un jeune qui ne ferait rien de tout cela courrait le risque d’être ostracisé du groupe.Mais qu’est-ce qui rend cette pratique si hégémonique ? Les enfants jouent, c’est un comportement naturel. Mais pourquoi jouent-ils à des jeux vidéo ? Je propose d’examiner le jeu vidéo non seulement comme un loisir du quotidien des enfants, mais surtout comme un objet multimodal combinant images, sons, mouvements et interactions qui ouvre à un monde immersif aux possibilités semblant illimitées (Murray, 1997). Aarseth décrit le jeu vidéo comme ergodique, c’est-à-dire qu’il faut exercer un effort non-trivial pour le traverser (Aarseth, 1997). En d’autres termes, pour être immergé dans un jeu vidéo, son univers et son histoire, il faut y croire, rappelant le concept de Coleridge de « suspension consentie de la crédulité » (Coleridge, 1817), repris justement par Murray et traduit par Dupont et Guesse comme « création active de crédulité » (Murray, 1997 ; Dupont & Guesse, 2019). Cette sensation d’immersion renvoie au concept de « flow » développé par Csikszentmihalyi, qui décrit un état optimal pour vivre un événement (Csikszentmihalyi, 1990). Ces différents éléments permettent d’envisager le jeu vidéo comme un objet contemplatif, et pourraient expliquer leur succès auprès du jeune public. Among the first scholars of game theory, way before video games came into being, Johan Huizinga explained in Homo Ludens the inextricable link between games/play and culture (Huizinga, 1938). Later, Roger Caillois would explain that playing is an important time for fun and self-discovery. He reminds us of the work of psychologists who described game/play as “one of the main means […] for the moral education and intellectual progress of the individual” (Caillois, 1958). Rightly so, psychologists Piaget and Inhelder explained that playing is at the core of the child’s development at every stage of said development.After the release of the Magnavox Odyssey in 1972, the first home console, video games have invaded homes and daily cultural practices. At the end of the 2000s, with the advent of smartphones and the multitude of mobile games, gaming has become an exceptionally common practice (Juul, 2010). Ter Minassian & al. add that « among people below the age of 18, everyone plays video games”. A survey directed towards parents I created in 2023 that had 297 respondents has shown similar results: 96,3% of their children play video games. Video games also have a social function (Berry, 2012), and as several testimonies from my survey show, children and teenagers play video games together, talk about it with one another, and a youngster not playing video games might end up ostracized from their social groups.Why is it so? Playing, for children is a natural behavior. But why do they play video games? I suggest dealing with video games not only as a daily leisure activity for children, but also as a multimodal product combining visuals, sounds, movements and interactions opening itself to an immersive world full of seemingly endless possibilities (Murray, 1997). Aarseth described video games as ergodic, meaning they can’t be played through without non-trivial effort (Aarseth, 1997). In other words, to be immersed in a video game, its universe and narrative, one needs to believe in it, drawing back from Colerdige’s “suspension of disbelief” (Coleridge, 1817), that was reused and transformed by Murray as “active creation of belief” (Murray, 1997). This sense of immersion is related to the concept of “flow” developed by Czikszentmihalyi, who described the term as the optimal experience (Csikszentmihalyi, 1990). These many elements allow us to think of video games as a contemplative form of art, which may explain its success among the youth. mer., 16 juil. 2025 08:55:38 +0200mer., 16 juil. 2025 11:13:30 +0200https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=3839