De l’intérêt du format XML-EAD pour l’exploitation et l’édition des sources iconographiques

Par Adrien Delahaye
Publication en ligne le 05 avril 2016

Résumé

The XML languages allows the ordering and publishing of literary and archaeologic corpus, which are exploitable using interfaces developed and targeted to various audiences, from the academic excellence till the popularisation. These achievements provide to the general public or to researchers the ability to view, original sources online (texts and scanned images), their metadata, possibly enriched with annotations and dynamic functions facilitating the consultation (search engines, glossaries, index...). The Digital Cluster of the University of Caen and I developed as part of my thesis work one of these tools. This is an iconographic database in XML-EAD language. XML is a digital language which allows to associate to a source (eg. a vase) a whole set of metadata, in other words to describe and contextualize this source. EAD is the grammar of this language. Developed by archivists, it is suitable for realizing iconographic databases. This is a stock of computer tags allowing the encoding of the sources and their metadata, that is to say to describe completely. It especially allows the digital publishing of the database. It is possible to develop an online consultation interface, coupled with an advanced search engine. The benefits of XML over HTML is its flexibility, adaptability and interoperability. It is possible to create custom tools tailored to the needs of researchers, but also to change the tool even though it is already done or in progress. The XML database is an evolving tool. Using this language, with its standardized grammar enables to make the databaseinteracting with other computer tools.

Le XML permet le classement et la mise en ligne de corpus littéraires et patrimoniaux, qui sont exploitables au moyen d’interfaces développées de manière ciblée, pour des publics variés, de l’excellence universitaire à la vulgarisation. Ces réalisations offrent au grand public ou aux de chercheurs la possibilité de consulter, en ligne, des sources originales (textes et images numérisées), leurs métadonnées, éventuellement enrichies d'annotations dynamiques et de fonctions facilitant la consultation (moteurs de recherche, glossaires, index...). Le Pôle Numérique de l’Université de Caen et moi avons développé dans le cadre de mon travail de thèse l’un de ces outils. Il s’agit d’une base de données iconographiques en format XML-EAD. Le XML est un langage informatique qui permet d’associer à une source (par exemple un vase) tout un ensemble de métadonnées, c’est à dire de décrire cette source et de la contextualiser. L’EAD est une grammaire de ce langage. Mise au point par des archivistes, elle se révèle adaptable pour la réalisation de bases de données iconographiques. C’est un stock de balises informatiques permettant l’encodage des sources et de leurs métadonnées, c’est-à-dire de les décrire de façon complète. Ce langage informatique autorise surtout l’édition numérique de la base de données. Il est en effet possible de la doter d’une interface de consultation en ligne, couplée à un moteur de recherches avancé. Les avantages du XML par rapport au HTML sont sa souplesse, son adaptabilité et son interopérabilité. Il est possible de réaliser des outils sur mesure adaptés aux besoins des chercheurs, mais aussi de modifier l’outil alors même qu’il est déjà réalisé, ou en cours de réalisation. La base XML est un outil évolutif. Le fait de la réaliser en utilisant ce langage, dans une grammaire standardisée lui permet d’autre part d’interagir avec d’autres outils informatiques.

Mots-Clés

Texte intégral

1Derrière la barbarie apparente des sigles que sont le XML et l’EAD se cache l’une des pistes les plus prometteuses dans le domaine des humanités numériques. L’objectif de mon travail de thèse est, à travers l’exploitation des sources iconographiques laconiennes, de faire une histoire culturelle des représentations des Spartiates à l’époque archaïque afin de questionner les stéréotypes d’austérité et de militarisme accolés à la cité, qui relèvent de ce que l’on a appelé le « mirage spartiate »vernstm2016-03-02T10:58:00v1. Or l’utilisation de sources iconographiques pose inévitablement la question de leur classement.

Outils de classement et de structuration d’un corpus

2La constitution d’un corpus de sources éparses s’accompagne souvent d’un relevé empirique de références et de leurs métadonnées2. L’intégration de ces informations dans un tableur permet notamment de dresser un premier catalogue et de mener une ébauche de traitement statistique. Il est possible, dans des fichiers séparés, de recueillir des photographies et dessins numérisés des images puis, dans un fichier texte, de faire le commentaire iconographique de ces objets. Pour une étude d’histoire économique, faisant appel à des méthodes quantitatives, ce système est utile. Il permet d’établir des moyennes, sommes, courbes et graphiques qui rendent immédiatement intelligibles les circuits de distribution, donnent des indications - toute relatives - sur le volume des flux de circulation, la répartition par thèmes iconographiques, les débouchés commerciaux par peintre.

3Mais ce type de systèmes de classement des données est éclaté et peu pratique. Il est même globalement inefficace en tant que système d’analyse de ces données, car il rend toute approche comparative des images fastidieuse et peu ergonomique. Il impose la consultation séparée des fichiers images et textes dès lors que l’on souhaite les étudier plus finement et les confronter. Or, pour qui a comme objectif d’utiliser ces images afin de faire une histoire culturelle des représentations, il importe de tisser des systèmes de relations entre les objets et les informations relatives à ceux-ci. Il existe pour cela des logiciels de gestion de bases de données (SGBD) classiques3, qui permettent de lier un objet à une référence, des métadonnées, des images, des documents textes et d’exploiter ces informations. Mais pour répondre à ces besoins, outre ces logiciels, l’encodage des données en format XML-EAD constitue une autre possibilité.

Le XML

4Le XML ou eXtensible Markup Language est un langage informatique de balisage générique4. Il existe plusieurs centaines de langages de ce type, destinés à des utilisations très diverses et que l’on peut regrouper en trois grandes catégories : les langages de programmation, les langages de requête, les langages de description - le XML fait partie de ces derniers. Ces langages de description permettent de structurer un ensemble de données selon un jeu de règles définies, grâce à des éléments descripteurs nommés « balises ».

5Les problèmes d’incompatibilité chronique des échanges de données sur internet ont amené le W3C5, à travers le XML, à faciliter les échanges de données entre les machines, mais aussi de décrire les données de manière aussi bien compréhensible par les hommes qui écrivent les documents XML que par les machines qui les exploitent, afin d’automatiser au maximum les échanges6.

6Développé, diffusé, le XML s’est depuis imposé comme l’un des socles de la convergence numérique, qui consiste en le regroupement d’outils et services numériques auparavant indépendants. En effet, grâce à la numérisation des documents et la dématérialisation des contenus, il est aujourd’hui possible de transmettre des informations grâce aux systèmes et réseaux de communication communs. Le processus s’applique aux réseaux - internet, téléphonie, radio, télévision -, aux applications - bouquets de services, réseaux sociaux - et aux terminaux - un seul terminal pour tous ces réseaux et applications. Au sein de ce bouleversement qui entraîne la disparition, ou au moins l’atténuation, des parois entre les technologies, le XML se veut compatible entre tous les réseaux, entre toutes les machines, afin que les échanges de données puissent se faire facilement à travers Internet. Il apparaît donc comme un vecteur stratégique dans cette quête de convergence et d’interopérabilité.

XML et Humanités Numériques

7Les atouts évidents du XML peuvent être mobilisés par les sciences humaines. Pour les chercheurs, son atout majeur réside dans son adaptabilité et sa capacité à produire des instruments de recherche sur mesure. En effet, l’usage du XML repose sur la standardisation et la simplicité, mais aussi et surtout sur sa dimension extensible et configurable afin de décrire n’importe quel type de données. Le langage peut être ajusté en fonction du type d’informations que l’on souhaite ajouter afin de décrire l’objet. Il devient donc possible d’adapter l’outil de recherche aux besoins spécifiques du chercheur.

8En raison de cet horizon infini de possibilités d’évolution, le XML comporte une limite : la définition du degré de finesse. Il est effectivement tentant de mettre au point un outil le plus complet possible, répondant parfaitement à l’éventail des besoins de son utilisateur. Cependant, la quête du niveau de description le plus fin possible engendre une perte de temps considérable dans la création du modèle d’organisation des connaissances, ainsi que dans la saisie des données. Mais le plus fâcheux réside dans la corrélation entre lisibilité des sources et précision du niveau de description, la première déclinant proportionnellement à l’élévation de la seconde. Le chercheur se doit donc de mener une réflexion préalable sur ses attentes et sur les objectifs de son travail, afin de définir le degré de granularité du système descriptif des objets et de ne pas tomber dans la description stérile.

9Une autre potentialité offerte par la souplesse du XML est de modifier le schéma initial d’organisation des données en cours de saisie, voire a posteriori. Au contraire d’un SGBD classique, l’utilisation du XML ne requiert nullement de prévoir toute l’ontologie, c’est-à-dire toute la structure de la base de données, en amont. L’utilisation du XML permet donc la création de bases de données évolutives et adaptables. Nul besoin de se perdre en conjectures quant aux cases, tables, champs, ou rubriques avant de saisir les données brutes. Cet outil est par conséquent totalement adapté à la logique événementielle de la recherche.

10Enfin, grâce à l’interopérabilité du langage, il est possible de passer de la base de données XML native à la publication en ligne avec facilité. L’encodage des informations autorise en effet l’édition double-support, papier et numérique, sans aucune manipulation supplémentaire7. La publication entièrement en ligne des corpus assemblés et organisés par le chercheur devient réalisable sans aucune manipulation supplémentaire. À l’aide d’une interface logicielle de visualisation et de consultation, les données deviennent accessibles aux autres chercheurs et au plus grand nombre. La base créée et publiée peut même interagir avec d’autres outils informatiques et être intégrée dans des corpus de taille supérieure, ou indexée dans des portails scientifiques, liée à des catalogues en ligne, et donc gagner en visibilité et en accessibilité. Ainsi, l’équipement d’excellence Biblissima permet d’intégrer des entreprises de numérisation de corpus épars au sein d’un portail commun et sera lui-même une plateforme interconnectée au projet de bibliothèque européenne, avec l’ambition de créer des synergies et de permettre une meilleure diffusion de la culture scientifique8.

11Concrètement, le XML permet de basculer aisément de la base de données usuelle de travail à une interface de consultation en ligne et offre donc la possibilité de publier aisément son corpus. La facilité et la lisibilité de la chaîne éditoriale de l’outil du chercheur à la mise en ligne peuvent permettre de résoudre la question du coût de reproduction papier des images qui est prégnante pour toute étude iconographique.

XML, TEI et sources manuscrites

12Le XML décrit les données à l’aide de balises, qui sont en fait les éléments de base, les mots pour s’exprimer dans ce langage. Des grammaires existent, qui définissent ces balises et leurs règles d’usage en fonction des besoins des utilisateurs. Elles permettent d’établir des règles communes et de structurer de manière hiérarchisée et organisée les données.

13Pour adapter le XML aux besoins des philologues, littéraires et linguistes, une grammaire spécifique, la TEI (la Text Encoding Initiative), a été créée9. Elle est par exemple utilisée dans le cadre du projet e-cartae qui a pour objectif de concevoir les outils nécessaires pour la publication sur double support, au sein d’une chaîne éditoriale unique, de corpus d’actes diplomatiques médiévaux, avec tous les éléments de l’apparat critique et toutes les normes de l'édition diplomatique10. Au-delà de sa mise en ligne, le corpus sera également doté d’un moteur de recherche avancée pour interroger le texte. Les potentialités de la TEI se révèlent à travers ce projet qui permet de dépasser les limites de l’édition papier. Alors que l’ensemble des commentaires et des notes sont placées en bas de page ou rejetées en fin de volume dans l’édition papier, il devient possible avec l’édition numérique en XML-TEI de consulter le texte de façon novatrice, grâce à des annotations dynamiques qui permettent de passer des actes aux index, en passant par les images numériques des chartes et sceaux originaux. Il devient ainsi possible de mettre un terme en surbrillance pour inciter l’utilisateur à chercher plus loin : en passant son curseur sur ce terme, il peut faire apparaître une fenêtre dynamique qui remplace la note de bas de page, détaillant l’apparat critique et permettant de préciser l’information, comme une biographie succincte d’un personnage. Le gain en termes d’espace est énorme, sans compter le bénéfice en termes pédagogiques et ergonomiques.

XML, EAD et sources iconographiques

14Une autre grammaire, l’EAD, a quant à elle été développée dans les années 1990 à l’initiative de la bibliothèque de l’Université de Berkeley11. Elle permet la description hiérarchisée de fonds d’archives ou de collections muséales, jusqu’à un niveau assez fin de caractérisation des objets, tout en permettant de les enrichir d’éléments d'informations complémentaires - documents en relation, références bibliographiques - et d’éléments d’indexation.

15Aujourd’hui, les catalogues et index de sources anciennes ont été largement convertis, mais sont de qualité inégale. Surtout, ils se contentent souvent de présenter des informations brutes, mais sans structure, sans une description fine du contenu, ce qui rend fastidieuse leur exploitation par requêtes. L'EAD permet justement de décrire précisément le contenu des sources, ce qui guide efficacement l’usager dans sa recherche. De plus, elle facilite elle l'intégration des données dans les portails et catalogues collectifs en ligne. C’est là son intérêt majeur par rapport à une base de données classique. Aujourd’hui, l’EAD est devenue un format de catalogage courant, aussi bien dans les services d’archives que dans les bibliothèques. Mais il est possible de l’utiliser au-delà de sa destination initiale de description et de classement d’un fonds archivistique, pour structurer un corpus de données iconographiques, l’interroger et le publier.

16Le Pôle du document numérique de l’Université de Caen et moi-même avons développé un outil utilisant cette technologie dans le cadre de mon travail de thèse à partir du programme NUMMUS. Il s’agit d’une base de données comprenant plus de 12 000 références de monnaies de l’Antiquité à l’époque moderne, provenant de plusieurs dizaines de sites archéologiques de Normandie, mise en ligne en accès libre. Ce système de classification et d’exploitation des sources iconographiques permet de lier les références à leurs métadonnées, notamment le contexte archéologique, mais aussi d’y associer des fichiers images afin de permettre une analyse comparative, ainsi que les analyses iconographiques.

Constitution d’une base de données iconographiques

17Un document XML n'est en réalité qu’un simple document texte. C'est pourquoi il est tout à fait possible d’utiliser un éditeur de texte pour sa rédaction. Mais il faut alors maîtriser les règles de base de l’encodage dans ce langage, ainsi que celles de la grammaire que l’on veut utiliser. Le plus simple est alors d’utiliser un éditeur de texte XML tel que XML-Mind XML Editor12. Plutôt que de saisir les informations en les encodant directement en langage informatique à l’aide de balises, il est possible de créer un formulaire semi-automatisé. L’utilisateur se contente alors de remplir des champs préétablis, comme pour un formulaire en ligne, et les informations renseignées sont encodées automatiquement.

18L’interface se divise en trois parties (fig. 1). La colonne centrale, la principale, est celle qui contient le formulaire et les champs à remplir. Le chercheur se contente d’y renseigner les informations relatives à son objet et d’y télécharger une image dans le cas de sources iconographiques. Celle de gauche lui est directement reliée et exprime automatiquement en langage XML les informations saisies dans la colonne centrale ; l’encodage devient ainsi accessible. À mesure de l’appropriation de l’outil par l’utilisateur, celui-ci peut intervenir directement dans cette colonne et encoder en XML assez facilement, par le biais de copiés-collés notamment. Enfin, la colonne de droite recense les problèmes techniques à résoudre.

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19Comme évoqué plus haut, l’utilisation du XML-EAD permet à l’utilisateur de créer un outil parfaitement adapté à ses besoins. À partir de l’architecture du programme NUMMUS, nous avons pris le parti de recréer un système d’organisation des données autour des images. Le souci premier du projet NUMMUS était d’organiser les monnaies en fonction de leur lieu de trouvaille et de leur contexte archéologique. Si mon étude s’attache également à replacer les objets laconiens dans leur contexte, le souci premier est iconographique. Les entrées principales de la base sont donc centrées sur les images et leur contenu. Des « sphères culturelles » ont tout d’abord été distinguées, comme par exemple la commensalité et le monde dionysiaque, le monde de la guerre et du combat, ou encore celui de la sauvagerie et des marges. Elles correspondent aux grands domaines de l’imagerie et, au-delà, du système de représentations culturelles des Spartiates. Les thèmes iconographiques ensuite, qui en sont une sous-catégorie, beaucoup plus formelle, correspondent aux grands sujets et modèles de composition iconographiques facilement identifiables par les anciens Grecs. Ils peuvent être panhelléniques - comme Héraklès et l’Hydre de Lerne -, ou propres à Sparte. Tout le système d’organisation des données est donc basé sur l’iconographie. Les autres informations sont secondaires et viennent compléter la compréhension des images ; la nature des objets, le contexte archéologique, le peintre ou la date, permettent ainsi de contextualiser un thème. La seconde exigence était de pouvoir lier efficacement des images de qualité à toutes les notices, afin de pouvoir travailler véritablement sur l’iconographie. Les photographies de qualité en .jpg sont aisément supportées par l’application et il est possible de multiplier à l’envi les clichés pour chaque notice.

20Les rubriques du formulaire descriptif pour le classement des objets laconiens reflètent cette volonté de lier images, métadonnées et commentaire :

  • Image

  • Métadonnées externes

    • Numéro d’inventaire dans la base

    • Référence et Musée

    • Type de vase

    • Date

  • Métadonnées internes

    • Matériau

    • Sphère culturelle et thèmes iconographiques : c’est là que se situe le cœur de l’ontologie, c’est-à-dire du système organisationnel de la base de données :

      • Sphère culturelle

      • Thème iconographique

    • Figures représentées : liste des figures et éléments de décor

    • Modèle de composition picturale

    • Description fine de la scène : analyse iconographique en texte libre

  • Contexte archéologique

    • Contexte de découverte

    • Lieu de la découverte (région, localité, bâtiment)

    • Atelier

  • Références bibliographiques

21La question de l’encodage des dates antérieures à l’ère chrétienne reste cependant à résoudre. Il existe une balise date, formalisée dans la grammaire XML-EAD, mais ce langage ayant été développé pour l’archivistique, rien n’a été prévu pour indexer des dates en format inversé. Néanmoins, la souplesse du XML offre la possibilité d’une solution à trouver avec les développeurs.

Exploiter la base de données

22Grâce à l’interopérabilité, le fichier peut être lu à travers une multitude d’applications logicielles en fonction des besoins. Ainsi, pour des opérations statistiques, le logiciel libre BaseX permet de visualiser aisément les données grâce à des instruments de projection graphique. La base de données XML est organisée selon un système d’arborescence, avec emboîtement en composants et sous-composants, tel un système de poupées russes. BaseX permet de visualiser cette arborescence et d’opérer des recherches, de l’explorer et de l’analyser de manière interactive, simple, mais limitée. Plusieurs projections visuelles permettent de dresser une « carte » de la base, afin de visualiser l’emplacement d’une donnée dans la structure d’ensemble, une autre propose un « arbre » (fig. 2) de la structure afin de retrouver le chemin d’une donnée à travers un schéma de l’arborescence, une « table » recense toutes les balises et les composants utilisés et une fonction « explorer » permet la recherche par mot-clef.

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Fig. 2 : Capture d’écran d’une visualisation de la structure de la base de données à l’aide de l’outil « arbre » de BaseX Editor © Adrien Delahaye (voir l’image au format original)

23Dans le cadre d’une étude iconographique, l’important est de pouvoir consulter aisément et rapidement l’ensemble des images des objets, afin de les comparer. On peut pour cela utiliser une autre application, comme Pleade, qui met en forme les données du fichier XML pour produire une interface de consultation et de publication numérique (fig. 3). Cela permet de naviguer dans l’inventaire des fiches-objets, de fournir un champ de formulation de requêtes croisées, comme pour la consultation de n’importe quel catalogue, portail ou base de données en ligne, ainsi que d’utiliser des index, à condition d’avoir pris la peine de créer des éléments d’indexation lors de l’encodage. Grâce à l’encodage et à ces index, la recherche des objets relevant d’un thème iconographique précis est facilitée, en particulier le travail de quantification. Enfin, l’existence d’une visionneuse avec un système de zoom permet de travailler sur le détail, mais aussi de faire défiler les clichés des différents objets et donc de travailler dans une démarche comparative.

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Fig. 3 : Capture d’écran de l’affichage d’une fiche-objet sous Pleade Editor © Adrien Delahaye (voir l’image au format original)

Exemple d’exploitation : le thème du kômos

24Pour nombre d’auteurs, le kômos est lié au symposion13 : ce serait un cortège qui le précède ou le suit14, un événement durant lequel on danse et festoie, un « joyeux cortège ». Mais le terme est polysémique, aussi une acception plus large du terme prévaut aujourd’hui. Au-delà du banquet, ce seraient toutes les manifestations joyeuses de la vie communautaire15, avec danse, chant et cortège pour célébrer un événement de la vie civique16. En fait, du mot kômos vient le verbe komazein (faire la fête) ; on peut dire que c’est au sens large une figuration, plus ou moins abstraite d’une fête collective qui peut associer vin, musique, danse et burlesque et qui, s’il semble souvent lié au symposion, ne s’y résume pas et le dépasse.

25Ce thème iconographique est présent dans l’iconographie laconienne et son étude est du plus grand intérêt dans le cadre d’une étude de l’austérité spartiate ; il a donc été retenu dans la base de données. Une analyse en termes statistiques, qui est la fonction principale de toute base de données, fournit le chiffre de 54 scènes de kômos sur un corpus de 232 vases laconiens à figures noires retenus ; soit, en termes relatifs, un peu moins du quart de la production, ce qui est considérable.

26Mais ce sont les métadonnées internes, proprement iconographiques qui nous intéressent particulièrement. La sphère culturelle correspondante est celle de la commensalité et du monde du vin, du monde dionysiaque. Le kômos a ensuite été intégré comme thème iconographique à part entière. La rubrique « modèle de composition », qui permet de caractériser des schèmes spécifiques de composition de l’image, associée à l’utilisation de la visionneuse, a permis de prouver qu’il existait un kômos laconien spécifique, toujours représenté à l’intérieur de coupes à boire dans une composition linéaire, associant deux à trois personnages dansant autour d’un musicien ou d’un cratère à vin (fig. 4). Tous ces éléments sont indexés et peuvent faire l’objet de recherches croisées, à la différence de la description fine de la scène, qui permet une meilleure compréhension de la scène, de sa signification et des différentes théories avancées au sein de chaque fiche-objet.

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Fig. 4 : Kylix, 192, Cabinet des Médailles de la BNF. Editor © Adrien Delahaye (voir l’image au format original)

27Les éléments de contextualisation archéologique ont enfin permis de démontrer que ce thème se retrouvait en contexte funéraire, tout autant que dans des sanctuaires. Il n’existe aucun lien clair entre ce thème et un contexte ou un site en particulier, excepté pour le sous-thème des satyres, qui semblent liés - en partie du moins - au culte d’Artemis Orthia à Sparte.

Conclusion

28Le langage XML, avec ses grammaires spécifiques comme l’EAD et la TEI, permet donc la constitution, l’exploitation et la publication de corpus littéraires et archéologiques au moyen d’interfaces développées de manière ciblée, pour des publics et des usages variés allant de l’excellence universitaire à la vulgarisation. Ces outils autorisent la consultation en ligne des sources originales et de leurs métadonnées, éventuellement enrichies de fonctions facilitant leur interrogation - moteurs de recherche, glossaires, index, annotations dynamiques.

29Après le digital turn, des questions se posent quant à l’utilité de l’indexation en XML dans des bases de données lourdes et parfois complexes à penser et concevoir par rapport aux moteurs de recherche classiques ou spécialisés. Il est légitime de s’interroger sur la pertinence de ces systèmes de classement et de traitement de données alors qu’il est possible de trouver une référence, une information, une image en tapant trois mots-clefs dans un moteur de recherche. Mais alors que ces moteurs de recherche se contentent de présenter des données et informations brutes, qui écrasent l’usager sous une masse d’informations disparates et non classées, le XML permet quant à lui de produire des instruments de classement et de recherche qui vont guider le chercheur et lui offrir des informations déjà triées, classées, voire analysées.

30Parce qu’il faut se familiariser avec ces outils, l’enjeu dans les années à venir sera de faciliter son usage. Certes, cet écueil existe aussi dès lors que l’on choisit de recourir à un système de gestion de base de données un tant soit peu élaboré. Mais il est de l’intérêt des sciences humaines de chercher à développer des outils XML clefs en mains pour les chercheurs. La création d’outils standardisés pour la base de travail, mais personnalisables dans le détail autorisera une pratique plus autonome, sans besoin d’une formation poussée en informatique et sans dépendance à l’égard d’un ingénieur de recherche pour chaque phase du travail. La réunion de ces critères permettra un gain de temps précieux dans l’édition des corpus de sources, ainsi qu’une interopérabilité qui en améliorera la diffusion et l’exploitation. Pilier de l’échange de données et de l’interopérabilité, le XML contribue au décloisonnement technologique ; il appartient aux chercheurs en sciences sociales de s’en saisir pour effacer les cloisonnements disciplinaires et ouvrir les fruits de la recherche au plus grand nombre.

Bibliographie

Mirage spartiate

31François Ollier, Le mirage spartiate. Étude sur l’idéalisation de Sparte dans l’antiquité grecque de l’origine jusqu’aux cyniques, 2 vol., Paris, Les Belles Lettres, 1933-1943.

Le kômos

32François Lissarrague, Un flot d’images. Une esthétique du banquet grec, Paris, A. Biro, 1987.

33Pauline Schmitt-Pantel, La cité au banquet : histoire des repas publics dans les cités grecques, Paris, De Boccard, 1992.

XML

34Métadonnées et document numérique : http://www.bnf.fr/fr/professionnels/numerisation_boite_outils/a.metadonnees_doc_numerique.html [consulté le 1er juillet 2015]

35Convergence numérique : http://w3.org [consulté le 1er juillet 2015]

36XMLmind XML Editor : http://www.xmlmind.com/ [consulté le 1er juillet 2015]

TEI

37Pierre-Yves Buard et Carole Dornier, « Éditer un cahier de travail de Montesquieu », Recherches & Travaux, 72, 2008, p. 139-156.

38Site officiel : http://www.tei-c.org/index.xml [consulté le 1er juillet 2015]

39E-Cartae : http://www.unicaen.fr/crahm/spip.php?article845 [consulté le 1er juillet 2015] ; http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/document_numerique/projets/e-cartae [consulté le 1er juillet 2015]

40Biblissima : http://www.biblissima-condorcet.fr [consulté le 1er juillet 2015]

EAD

41La page de la Bibliothèque du Congrès (site officiel de l’EAD) : http://www.loc.gov/ead/ [consulté le 1er juillet 2015]

42Les archives nationales : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/gerer/classement/normes-outils/ead/ [consulté le 1er juillet 2015]

43Le guide des bonnes pratiques de l’EAD : http://www.bonnespratiques-ead.net/sites/default/files/BonnespratiquesEAD.html [consulté le 1er juillet 2015] ; http://bonnespratiques-ead.net/ [consulté le 1er juillet 2015]

44La BNF : http://www.bnf.fr/fr/professionnels/formats_catalogage/a.f_ead.html [consulté le 1er juillet 2015]

45NUMMUS : https://www.unicaen.fr/crahm/Nummus/

Édition numérique de sources anciennes

46Pierre-Yves Buard, Modélisation des sources anciennes et édition numérique, Thèse de doctorat soutenue à l’Université de Caen Basse-Normandie, 2015

47Peter Davidhazi, New publications cultures in the humanities, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2014

48Roger T. Pédauque, La redocumentarisation du monde, Toulouse, Cépaduès, 2007.

49Roger T. Pédauque, Le document à la lumière du numérique, Caen, C&F, 2006

50Michaël E. Sinatra et Marcello Vitali-Rosati (dir.), Pratiques de l’édition numérique, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2014

Notes

1 François Ollier, Le mirage spartiate. Étude sur l’idéalisation de Sparte dans l’antiquité grecque de l’origine jusqu’aux cyniques, Paris, Les Belles Lettres, 1933 ; François Ollier, Le mirage spartiate, II. Étude sur l’idéalisation de Sparte dans l’antiquité grecque du début de l’école cynique jusqu’à la fin de la cité, Paris, Les Belles Lettres, 1943.

2 Au sens d’ensemble structuré d’informations qui décrivent une autre donnée et permettent de la préciser - auteur, nature, date, lieu de découverte, contexte archéologique, thème, bibliographie, contextualisation par exemple.

3 Filemaker, entre autres.

4 Voir http://www.w3.org/XML/ [consulté le 1er juillet 2015].

5 World Wild Web Consortium, organisme à but non lucratif chargé de développer la compatibilité des technologies d’Internet. Voir le site officiel : http://www.w3.org [consulté le 1er juillet 2015].

6 http://www.w3.org/XML/ [consulté le 1er juillet 2015].

7 Sur l’édition numérique, voir Pierre-Yves Buard, Modélisation des sources anciennes et édition numérique, Thèse de doctorat soutenue à l’Université de Caen Basse-Normandie, 2015. Pour une étude des fondements théoriques de la notion de document numérique, voir Roger T. Pédauque, Le document à la lumière du numérique, Caen, C&F éditions, 2006.

8 Ce projet de recherche associe plus d’une centaine d’institutions dans le but de créer un observatoire pour la circulation des textes anciens en Europe, à partir de la France, entre le viiie et le xviiie siècle. Il doit permettre le libre accès en ligne aux corpus et à leur commentaire. Voir http://www.biblissima-condorcet.fr [consulté le 1er juillet 2015].

9 Voir le site officiel : http://www.tei-c.org/index.xml [consulté le 1er juillet 2015].

10 Pour des détails sur le projet e-cartae : http://www.unicaen.fr/crahm/spip.php?article845 [consulté le 1er juillet 2015] ; http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/document_numerique/projets/e-cartae [consulté le 1er juillet 2015].

11 Voir La page de la Bibliothèque du Congrès (site officiel de l’EAD) : http://www.loc.gov/ead/ [consulté le 1er juillet 2015] ; les archives nationales : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/gerer/classement/normes-outils/ead/ [consulté le 1er juillet 2015] ; le guide des bonnes pratiques de l’EAD : http://www.bonnespratiques-ead.net/sites/default/files/BonnespratiquesEAD.html [consulté le 1er juillet 2015] ; http://bonnespratiques-ead.net/ [consulté le 1er juillet 2015] ; la BNF : http://www.bnf.fr/fr/professionnels/formats_catalogage/a.f_ead.html [consulté le 1er juillet 2015].

12 Site officiel : http://www.xmlmind.com [consulté le 1er juillet 2015].

13 Le second moment du banquet, celui où les mets du deipnon sont remplacés par des coupes de vin. Sur le rôle des banquets dans les cités grecques, voir Pauline Schmitt-Pantel, La cité au banquet : histoire des repas publics dans les cités grecques, Paris, De Boccard, 1992.

14 François Lissarrague, Un flot d’images. Une esthétique du banquet grec, Paris, A. Biro, 1987, p. 36-37.

15 Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque : histoire des mots, Paris, Klincksieck, 2009, p. 606.

16 Pauline Ghiron-Bistagne, Recherches sur les acteurs dans la Grèce antique, Paris, Les Belles Lettres, 1976, p. 207-297.

Pour citer ce document

Par Adrien Delahaye, «De l’intérêt du format XML-EAD pour l’exploitation et l’édition des sources iconographiques», Annales de Janua [En ligne], n° 4, Les Annales, Antiquité, mis à jour le : 24/09/2019, URL : https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=1201.

Quelques mots à propos de :  Adrien Delahaye

Statut : agrégé d’histoire ; doctorant contractuel en histoire grecque ancienne à l’Université de Caen-Normandie. - Laboratoire : Centre Michel de Boüard - Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales - UMR 6273 (Unicaen/CNRS). - Directeurs de thèse : Pierre Sineux et Françoise Ruzé. - Sujet de thèse : Les Spartiates et leurs images : l'apport de l'iconographie laconienne à l'histoire archaïque de Sparte. - Thématiques de recherche : histoire de la Grèce archaïque, ...