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L’arc, la flèche et le carquois, symboles du pouvoir monarchique dans l’Antiquité
Par Benoît Lefèbvre
Publication en ligne le 19 mai 2017
Résumé
The bow was considered a mighty weapon in ancient Eastern kingdoms, whose kings used it – with arrows and quiver – to strenghten their power on their subjects and their enemies. In this paper, I study the bow and its attributes above all as symbols of monarchic power. In Rome, the bow was the cowards’ and strangers’ weapon. However, from the early Empire, in gods and emperors’ hands, it has increasingly become one of symbols of Roman imperial power.
Dans les royaumes orientaux de l’Antiquité, l’arc était considéré comme une arme puissante, dont les rois se servaient, avec les flèches et le carquois, pour renforcer leur pouvoir sur leurs sujets et leurs ennemis. Dans cet article, j’étudie l’arc et ses attributs avant tout comme des symboles du pouvoir monarchique. Au contraire, à Rome, l’arc était l’arme des lâches et des étrangers. Mais progressivement, dès le début de l’Empire, dans les mains des empereurs et des dieux, il est devenu un des symboles du pouvoir impérial romain.
Mots-Clés
Table des matières
Texte intégral
1L’archer, dans l’Antiquité, était un combattant ambigu. Si les archers jouaient un rôle important à la guerre, les discours sur ces derniers et leur équipement ont changé en fonction des époques et des contextes culturels et politiques. Les représentations de l’armement sont souvent analysées à travers l’opposition entre Orient et Occident1. Cette opposition existait bien dans les mentalités antiques, mais dans les faits elle n’était ni schématique ni figée.
2Pour les rois iraniens, l’arc était une arme formidable, presque magique, symbole de leur souveraineté sur leur royaume et leurs sujets. Ils associaient cette arme à des valeurs dont ils devaient faire preuve : la générosité, la clémence et le courage2. En d’autres termes, l’arc, la flèche et le carquois participaient de la définition du pouvoir monarchique en Iran, comme l’attestent les témoignages iconographiques. Il faut s’interroger sur ce qui faisait la spécificité de l’arc et de ses attributs comme symboles du pouvoir en Iran, où l’archerie était une activité prestigieuse.
3En Grèce et à Rome, en revanche, la valeur de l’arc changeait en fonction du statut de l’utilisateur. Des divinités comme Apollon et Héraclès s’en servaient. Plus tard, des empereurs aussi tiraient à l’arc, pour chasser ou s’entraîner à la guerre. Un auteur comme Hérodien, entre la fin du iie et le début du iiie siècle, nous renseigne sur cette évolution de la place de l’archerie dans la vie des empereurs. La fonction de cette arme comme symbole du pouvoir évoluait également. Comment expliquer cette évolution ? Les transformations des pratiques du pouvoir étaient liées au changement de regard porté sur les symboles et attributs du pouvoir.
4Nous commencerons par l’Orient ancien et conclurons cette étude par Rome, où, en l’espace de deux siècles, la valeur de l’arc en tant que symbole politique évolue. Cette évolution, qui est le reflet de liens politiques et culturels de plus en plus étroits entre Rome et l’Orient, nous invite à nous interroger sur la circulation des idées politiques et leur rôle dans la (re)composition des pratiques du pouvoir dans l’Antiquité. Entre les Achéménides (VIe siècle av. J.-C.) et le Haut-Empire romain, l’arc, la flèche et le carquois, symboles du pouvoir monarchique, sortent progressivement d’un cadre exclusivement oriental pour s’intégrer à l’idéologie romaine du pouvoir. On passe d’une échelle à une autre, de l’Orient à la Méditerranée, dont Rome est le centre.
Le roi-archer en Orient
L’arc chez les Achéménides : un instrument indispensable pour régner
5Tout jeune noble devait apprendre à se servir de l’arc s’il voulait se montrer digne de son rang. Hérodote dit que les jeunes Perses, de cinq à vingt ans, apprenaient trois choses : monter à cheval, tirer à l’arc et dire la vérité3. Apprendre à tirer à l’arc prend des années, c’est une ars qui mêle connaissances théoriques et savoir-faire technique.
6Les Iraniens utilisaient surtout un arc composite, fabriqué à partir de différents matériaux, à double courbure. C’était une arme redoutable et difficile à manier. En archerie, on distingue deux opérations : bander l’arc et tendre l’arc. La première consiste à accrocher la corde à l’arc. C’est un exercice très difficile, et même périlleux, qui suppose à la fois force physique et connaissance technique.
7Réussir à bander un arc est parfois une preuve suffisante de la légitimité de l’archer dans la compétition vers le pouvoir royal. Le roi de Perse Cambyse, qui régna entre 529 et 522 av. J.-C., fit exécuter son frère au motif qu’il avait réussi à bander l’arc des Ictyophages avec seulement deux doigts4. Sa prouesse faisait de lui un rival dangereux. Le roi perse se définit en grande partie comme étant un archer expert. Ainsi, capacités martiales et politiques sont liées.
8Les Perses n’étaient pas les seuls à faire le lien entre savoir technique et savoir politique. Dans la mythologie, Héraclès, armé de la massue et de l’arc composite, est présenté comme le père du peuple scythe. Or, les Scythes dans l’Antiquité étaient des archers de renom. Selon la tradition, rapportée par Hérodote, le héros, une fois ses trois fils nés, leur donne un arc et dit que celui qui arrivera à le bander serait légitime pour régner5. Pour Hérodote, la parenté qui unit Héraclès aux Scythes explique leur excellence dans le tir à l’arc. Il considère aussi que les Scythes sont invincibles, en partie parce qu’ils sont des archers montés insaisissables : à l’image du héros dont ils ont hérité l’arc, les Scythes ne peuvent être vaincus6.
9Les flèches que tire le roi de Perse lui assurent également sa domination sur l’espace et le temps. Après la prise de Sardes en 494 av. J.-C., Darius jure de se venger des Athéniens et tire une flèche en direction du ciel pendant qu’il prononce son serment7. La flèche disparaît de la vue du roi, mais à ce moment précis, « la flèche atteint un ailleurs dans le temps et dans l’espace »8. Par les mots qu’il prononce le roi réussit à toucher sa cible et s’affranchit des contraintes de la distance.
La symbolique de l’arc, de la flèche et du carquois à travers la numismatique
10En Orient, dans la plupart des témoignages iconographiques, le roi, avec d’autres personnalités, apparaît équipé de l’arc et de ses attributs. Les monnaies sont une source très intéressante car elles représentent ces symboles du pouvoir. Elles sont notamment notre source principale pour connaître l’empire parthe, qui s’imposa en Orient et rivalisa avec Rome de la fin du Ier siècle av. J.-C. au début du iiie siècle ap. J.-C.9. Les archéologues en ont retrouvé des centaines lors des fouilles de plusieurs villes. La collection des monnaies parthes est remarquable, car elle nous permet de connaître l’histoire politique de cet empire, mais aussi de mesurer l’importance de certains symboles.
11Sur les monnaies parthes, le motif que l’on trouve le plus souvent est celui du roi assis sur son trône et tenant dans ses mains l’arc composite, qu’il examine à la manière d’un archer expert10. Ce motif apparaît dès Arsace Ier (238-211 av. J.-C.) (fig. 1), fondateur de l’empire, et se distingue par son exceptionnelle longévité. La position du roi est très intéressante : il ne menace pas ses ennemis avec son arc, mais entretient une relation particulière avec lui, une relation que seul peut connaître l’archer spécialiste et maître d’un savoir à la fois théorique et pratique11. L’archerie est un véritable art martial12. Compte tenu de l’importance symbolique de l’arc dans l’Iran ancien, c’est ce savoir qui permet aux rois parthes de régner sur leurs sujets. Le Parthe était réputé s’entraîner à l’arc depuis sa tendre enfance, au point d’être doctus (savant) dans son art13.
Fig. 1 : Drachme d’Arsace Ier (238-211 av. J.-C.). Le roi est dit autocrator, c’est-à-dire qu’il ne doit son pouvoir qu’à lui-même © F. Duyrat, « Le monnayage parthe », Dossiers d’archéologie, 271, 2002, p. 37 (voir l’image au format original)
12Le carquois est souvent représenté sur les monnaies. Les Parthes utilisaient le gorytos, qui est d’origine scythe et se compose d’un carquois et d’un étui pour ranger l’arc. Le motif du gorytos apparaît dans des circonstances bien particulières. Il est fréquent sur les monnaies d’Arsace Ier (fig. 2) jusqu’à Orode II (57-38 av. J.-C.). Sous le règne de ce dernier, l’empire parthe est à son apogée : les troubles internes ont été réprimés, l’autorité du roi est reconnue et la victoire de Carrhes (53 av. J.-C.) met fin à l’invasion romaine. Le gorytos serait donc l’illustration des succès militaires remportés par le roi contre ses rivaux, et le symbole dynastique de la victoire et de la paix14.
Fig. 2 : Monnaie de bronze d’Arsace Ier (238-211 av. J.-C.). Sur l’avers, le buste du roi coiffé du bachlik et du diadème. Au revers un arc dans son étui muni d’une sangle. Généralement le goryte est représenté sur les monnaies de bronze et l’archer assis sur les monnaies d’argent © J. Gaslain, « Réflexions sur la signification des armes des premières monnaies arsacides », dans M. Mode, J. Tubach (dir.), Arms and Armour as Indicators of Cultural Transfer, Wiesbaden, Dr. Ludwig Reichert Verlag, 2006, fig. 2 (voir l’image au format original)
13Deux monnaies de la fin du ier siècle av. J.-C. montrent une reprise de thèmes iconographiques iraniens par les Romains. Il s’agit d’un denier d’argent et d’un aureus (fig. 3). Tous deux datent de 40 av. J.-C. et ont pour légende Q(uintus) LABIENVS PARTHICVS IMP(erator). Quintus Labienus était l’adversaire d’Antoine et d’Octave et a envahi la Syrie à l’aide de renforts parthes. Sur l’avers figure la tête de Quintus Labienus, et sur le revers un cheval parthe, à la selle duquel est accroché un gorytos15. Il faisait frapper des monnaies pour les forces républicaines ralliées à lui après ses premiers succès. Le titre Parthicus signifie ici « le Parthique »16. Le carquois, symbole de pouvoir chez les Iraniens, est approprié par les Romains : Labienus affiche sa puissance militaire en mettant en valeur ses alliés orientaux. Les Romains devaient avoir conscience de la valeur symbolique du carquois chez leurs voisins d’Orient.
Fig. 3 : Denier d’argent de Quintus Labienus, daté de 40 av. J.-C. Sur l’avers, tête de Q. Labienus, avec la légende Q(VINTVS) LABIENVS PARTHICVS IMP(ERATOR) (Quintus Labienus le Parthique, imperator). Au revers, un cheval parthe avec une bride et une selle ; à celle-ci est accroché un gorytos © M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, n° 524 (voir l’image au format original)
14Plus souvent, les monnaies romaines, surtout à l’époque d’Auguste, représentent le Parthe soumis et sans armes (fig. 4). Citons ce vers d’Ovide, qui résume parfaitement ce que l’on voit sur les monnaies : « À quoi te servent maintenant, Parthe, les flèches que tu avais coutume de lancer par derrière, à quoi la nature des lieux, à quoi la maîtrise des chevaux rapides ? Tu restitues les aigles, tu offres aussi tes arcs, après ta défaite : désormais tu ne possèdes plus aucun gage de notre honte »17. Sans ses armes, le Parthe ne peut peser dans les relations politiques avec Rome. Ces frappes sont antérieures à la restitution des enseignes perdues de Crassus et d’Antoine en 20 av J.-C. À partir de cette date les relations entre Romains et Parthes s’apaisent et ces derniers sont représentés différemment, avec leurs armes : ils sont tenus en respect plutôt que véritablement soumis18.
Fig. 4 : Denier d’argent frappé à Rome en 18 av. J.-C. Sur le revers, un Parthe à genoux, tête nue, sans armure et sans armes, remet les enseignes perdues de Crassus et d’Antoine. Légende : CAESAR AVGVSTVS SIGN(IS) RECE(PTIS) (César Auguste, aux enseignes retrouvées) © Anne S. ROBERTSON, Roman Imperial Coins, vol. I, Londres, Oxford University Press, 1962, n° 4, pl. I (voir l’image au format original)
15Les sources littéraires font peu allusion à l’arc comme symbole du pouvoir politique. Citons un extrait des Annales de l’historien romain Tacite : au début du ier siècle ap. J.-C., Romains et Parthes s’affrontaient régulièrement pour contrôler l’Arménie. Profitant de troubles internes à l’empire parthe, l’empereur Tibère (14-37) imposa sur le trône des Parthes Tiridate III à la place du souverain Artaban III. Celui-ci se réfugia en Hyrcanie, sur les bords de la mer Caspienne, où il mena une existence misérable, n’ayant que son arc pour trouver de quoi se nourrir19. L’arc apparaît cette fois comme l’arme du chasseur, d’une vie ensauvagée20. Le texte de Tacite rappelle les monnaies parthes où apparaît, de manière constante et récurrente, la figure du roi-archer. Le côté quelque peu romanesque du récit ne doit pas faire oublier que, sur le plan symbolique, Artaban reste roi et finira par retrouver son trône.
Influence(s) de l’Orient et transformation(s) du pouvoir à Rome
L’arc, une arme dépréciée et assimilée à l’Orient
16Dans la culture romaine, l’arc souffre d’une mauvaise réputation : on le voit comme l’arme de l’étranger, et surtout de l’Oriental. Le fait que les Romains intègrent de plus en plus d’archers dans leurs armées n’entre pas du tout en contradiction avec cette idée. Une société peut très bien donner à des combattants un rôle militaire important et tenir à leur égard un discours dévalorisant21.
17L’Orient sert souvent de repoussoir, d’antithèse de Rome. Pour discréditer un peuple ennemi, et même un adversaire politique, les auteurs lui associent des symboles qu’ils rattachent à l’Orient, dont l’arc et ses attributs. Après la mort de César, Antoine devient le maître de Rome. Cicéron dénonce dans ses Philippiques un comportement jugé tyrannique. Il attache une importance particulière aux Ityréens qui composent sa garde armée22. Les Ityréens, originaires du Liban, sont connus dès la fin de la République pour être d’excellents archers. Deux choses sont à retenir : Cicéron les voit comme des archers, mais aussi comme « les plus barbares de tous les hommes ». Nous comprenons ainsi mieux la relation qui unit entre eux l’arme, l’origine ethnique et le comportement politique : Antoine s’entoure d’Orientaux armés d’arcs pour dominer la République, il est donc assimilé à un despote oriental.
18En revanche, quand il est entre les mains de dieux gréco-romains, l’arc devient le symbole d’un pouvoir légitime. Octave, dans sa lutte contre Antoine, installé en Égypte, a bâti sa propagande politique autour de l’affrontement entre l’Occident et l’Orient. Après la bataille d’Actium, il prend le dieu-archer Apollon comme protecteur. Virgile l’affirme, ce sont les flèches du dieu qui ont mis en déroute les alliés orientaux d’Antoine23. Apollon apparaît d’abord comme un dieu guerrier, puis comme le symbole de la domination d’un homme sur un monde unifié et réconcilié après la guerre civile. Il est l’union complexe entre deux images, d’un côté l’archer qui ne dépose jamais son arc, de l’autre un dieu « devenu solaire et presque royal »24. Octave, protégé d’Apollon, ne pouvait que triompher des armées orientalisées d’Antoine. L’opposition entre Orient et Occident dans l’art et la littérature se maintient sous le règne d’Octave-Auguste. Les historiens et poètes ont tendance à voir les Parthes comme les héritiers des Achéménides et l’incarnation de l’ennemi oriental. Les Romains, quant à eux, se voient comme les héritiers des Grecs qui, il y a plusieurs siècles, menés par Alexandre, ont vaincu et dominé l’Orient25. Les Romains reprennent des traditions grecques pour mieux s’opposer à l’Orient.
19Déjà les mentalités romaines commencent à évoluer, comme le montrent les liens entre Octave et l’archer Apollon. Cette évolution se poursuit quand des empereurs, plus tard, utilisent l’arc, la flèche et le carquois, et que ces armes s’intègrent dans une recomposition de l’idéologie du pouvoir à Rome. Les empereurs romains se rapprochent alors, dans une certaine mesure, de leurs homologues orientaux.
L’empereur-archer : vers une orientalisation du pouvoir ?
20Dès le IIe siècle, l’opposition entre Occident et Orient n’est plus aussi marquée que sous Auguste, et peu à peu le pouvoir impérial connaît une redéfinition partielle. La chasse, activité royale par excellence, est pratiquée par les rois depuis des millénaires, surtout en Orient. À Rome, en tant que loisir des souverains, elle connaît son apogée sous les Antonins, au iie siècle26. Ce regain d’intérêt correspond à la diffusion à Rome d’idées et de pratiques politiques venues d’Orient : pendant des siècles, les rois orientaux chassaient les animaux dans des parcs privés appelés paradis (fig. 5).
Fig. 5 : Bas-relief de Taq-i Bustan (Iran), datation ve siècle ap. J.-C. Chasse royale au sanglier, le roi abat les bêtes de ses flèches © R. Ghirshman, Parthes et Sassanides, Paris, Gallimard, 1962, fig. 236 (voir l’image au format original)
21L’empereur Commode (180-192) lui aussi, comme plusieurs de ses prédécesseurs, chassait les animaux. Cependant, il le faisait au cours de parties de chasse (uenationes)27, déguisé en Héraclès, dans l’amphithéâtre. Sur plusieurs monnaies l’empereur est représenté portant la peau de lion du héros, tandis que sur l’avers figurent les armes emblématiques, comme la massue, l’arc et le carquois rempli de flèches (fig. 6). S’il était méprisé pour ses combats avec les gladiateurs, il était en revanche estimé en tant que chasseur. Durant ces uenationes, Commode abattait de ses flèches des centaines d’animaux. Son exemple rappelle celui du roi d’Arménie Tiridate, invité à Rome en 66 et tirant à l’arc, depuis une position élevée, sur des bêtes sauvages dans l’arène : son adresse était telle qu’il transperçait deux taureaux d’un seul trait28. Pour Commode comme pour Tiridate, c’est moins le courage que l’excellence technique que les auteurs retiennent. Commode mêle habilement tradition romaine et références à l’Orient, iranien et hellénistique29 : il inscrit dans un cadre romain (l’amphithéâtre) un sport royal pratiqué, entre autres, par les rois orientaux depuis longtemps (la chasse), en s’associant à une figure du panthéon gréco-romain, également estimée chez les Orientaux (l’archer-Héraclès).
Fig. 6 : Denier d’argent frappé à Rome, daté de 191-192. Sur l’avers, tête de Commode portant la léontè (peau de lion d’Héraclès). Sur le revers (ci-dessus), les armes du héros : l’arc, la massue et le carquois. Légende en commun sur le revers : HERCVLI ROMANO AVG(VSTO) (À l’Hercule romain auguste) © H. Mattingly, Roman Imperial Coinage, vol. III, Londres, Spink and Son, 1930, n° 253 (pl. XV, 310) (voir l’image au format original)
22La figure de Commode-Héraclès, loin d’être un simple cas de folie, s’inscrirait dans un projet politique dont la portée idéologique concerne les fondements même du pouvoir monarchique. Ces exploits spectaculaires permettent à l’empereur d’afficher sa virtus, qui se manifeste par la recherche de la gloire et des périls. En combattant les bêtes sauvages dans l’arène, Commode se comporte comme Héraclès purifiant à l’aide de ses flèches infaillibles la terre des monstres qui la peuplaient, en somme comme le protecteur, le garant de l’ordre et le souverain du monde civilisé30.
23Cependant, l’identification à Héraclès ne saurait masquer les actions qui ont valu à Commode sa réputation de tyran sanguinaire. Hérodien rapporte qu’à l’entrée du sénat se trouvait une statue représentant l’empereur menaçant et tenant un arc prêt à tirer31. Il est probable que ce soit une invention de la part de l’historien, destinée à accabler l’empereur, mais cette anecdote nous renseigne sur les représentations politiques des Romains : ce passage est à comparer avec un propos de Sénèque sur le roi des Parthes, qui maintenait, selon le philosophe, les peuples de son empire sous sa domination en tenant constamment son arc armé32. Comme nous l’avons dit plus haut, dans l’imaginaire grec et romain, la monarchie orientale est synonyme de despotisme. Or, les fondements de la tyrannie sont fragiles, car le pouvoir du tyran est constamment menacé. D’une manière générale, plus le pouvoir d’un homme est grand, moins il sera assuré de le conserver33. C’est pourquoi Commode et le roi des Parthes doivent maintenir la corde de leur arc tendue, ne pouvant trouver le repos.
24L’exemple ambivalent de Commode montre que l’arc, s’il trouve sa place dans la constitution et la définition du pouvoir politique à Rome dès le iie siècle, reste une arme étrangère et essentiellement orientale, dont les Romains traditionnels se méfient. Entre Cicéron, ennemi d’Antoine, et Hérodien, hostile à Commode, certaines représentations de l’Orient, associé à des symboles comme l’arc, restent stables dans le temps.
25L’exemple de Titus, qui, lors du siège de Jérusalem en 70, se distingua par son héroïsme et sa bravoure, nous apprend beaucoup sur l’évolution à Rome de la symbolique de l’arc dans la pratique du pouvoir. Les historiens rapportent qu’il abattit de ses flèches de nombreux ennemis34. Là encore, la tradition romaine rencontre la tradition grecque. Suétone précise que Titus abattit douze défenseurs en tirant douze flèches. Comment ne pas voir, avec le chiffre douze, une allusion à Ulysse, qui récupéra le trône d’Ithaque après avoir fait passer une flèche dans les trous de douze haches, et à Héraclès, qui accomplit douze travaux avant de rejoindre l’Olympe ? Chaque exploit vise un objectif précis : Ulysse doit redevenir roi, Héraclès doit expier son crime – prélude à sa divinisation –, et Titus doit devenir empereur.
26Ces comparaisons prennent tout leur sens quand on sait que ces exploits ont la forme de rites de passage. Des études anthropologiques ont montré le rôle joué par certaines armes dans plusieurs sociétés dans la formation des guerriers. Nous avons vu plus haut l’importance de l’arc dans l’éducation de la noblesse orientale, mais en Grèce et à Rome l’arc était aussi l’arme du jeune homme, en d’autres termes de celui qui n’était ni totalement un homme, ni entièrement un guerrier. Il devait alors prouver qu’il pouvait le devenir en accomplissant un exploit. L’arc est une arme de transition d’un état à un autre : Titus, fils d’empereur, deviendra à son tour empereur, et son exploit à Jérusalem en tant qu’archer montre qu’il est digne de cette fonction35.
Conclusion
27Dans l’Antiquité, les armes pouvaient s’intégrer dans toute une réflexion sur la définition et la pratique du pouvoir politique. Dans les anciennes monarchies orientales, l’arc, la flèche et le carquois étaient des symboles de la puissance, politique et militaire, du roi. Celui-ci assurait au moyen de ces armes sa domination sur les peuples, l’espace et le temps. L’exemple de Rome montre que cette symbolique n’était pas limitée à l’Orient. En effet, sous l’Empire, l’image de l’arc a évolué, alors qu’en parallèle le pouvoir politique devenait monarchique, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de plus en plus personnel. Le pouvoir ne changeait pas seulement en pratique, mais aussi sur le plan idéologique, et de nouveaux symboles lui étaient associés. Influencés en partie par un Orient aussi bien iranien que hellénistique, certains empereurs ont repris l’arc, la flèche et le carquois pour en faire des symboles de leur domination sur le monde méditerranéen. Alors que, dans certains milieux traditionnels, l’Orient était perçu comme une menace pour l’identité romaine, des empereurs pouvaient y trouver l’inspiration pour donner à leur pouvoir une définition et une dynamique nouvelles36.
Sources littéraires
28Ciceron, Philippiques, éd. Pierre Wuilleumier, Paris, Les Belles Lettres, 1959-1960.
29Dion Cassius, Histoire romaine, éd. Earnest Cary, Oxford, Loeb Classical Library, 1929.
30Eutrope, Abrégé d’histoire romaine, éd. Joseph Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, 1999.
31Flavius Josephe, Guerre des Juifs, éd. André Pelletier, Paris, Les Belles Lettres, 2003.
32Herodien, Histoire des empereurs romains, éd. Denis Roques, Paris, Les Belles Lettres, 1990.
33Herodote, Histoires, livres I à IV, éd. Philippe-Ernest Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1985-1995.
34Histoire Auguste, Vie de Commode, éd. Jean-Pierre Callu et al., Paris, Les Belles Lettres, 1992.
35Horace, Odes et Epodes, éd. François Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 2002.
36Ovide, Fastes, Tome II, éd. Robert Schilling, Paris, Les Belles Lettres, 1993.
37Plutarque, Vie d’Agésilas, éd. Robert Flacelière, Émile Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1973.
38Plutarque, Vie d’Artaxerxès, éd. Robert Flacelière, Émile Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1979.
39Sénèque, Lettres à Lucilius, éd. Henri Noblot, Paris, Les Belles Lettres, 1945.
40Sénèque, De la constance du sage, éd. René Waltz, Paris, Les Belles Lettres, 1927.
41Sénèque , Thyeste, éd. François-Régis Chaumartin, Paris, Les Belles Lettres, 2011.
42Suétone, Titus, éd. Henri Ailloud, Paris, Les Belles Lettres, 2011.
43Tacite, Annales, tome II, éd. Pierre Wuilleumier, Paris, Les Belles Lettres, 1990.
44Virgile, Enéide, éd. Jacques Perret, Paris, Les Belles Lettres, 1978.
Ouvrages modernes
45Jacques Aymard, Essai sur les chasses romaines (des origines à la fin du siècle des Antonins), Paris, De Boccard, 1951.
46Michael H. Crawford, Roman Republican Coinage, Cambridge, Cambridge University Press, 1974.
47Frédérique Duyrat, « Le monnayage parthe », Dossiers d’archéologie, 271, 2002, p. 34-41.
48Jérôme Gaslain, « Réflexions sur la signification des armes des premières monnaies arsacides », dans M. Mode, J. Tubach (dir.), Arms and Armour as Indicators of Cultural Transfer, Wiesbaden, Dr. Ludwig Reichert Verlag, 2006, p. 233-258.
49Roman Ghirshman, Parthes et Sassanides, Paris, Gallimard, 1962.
50Niels Hannestad, Roman art and imperial policy, Aarhus, Aarhus University Press, 1988.
51Mahmoud M. Khorasani, « El arma sagrada : el combate con arco y flecha en Iran », Revista de Artes Marciales Asiaticas, 5.1, 2010, p. 53-76.
52Christine Lerouge, « Comment se construit une image des Parthes à Rome », dans M. Simon (dir.), Identités romaines, conscience de soi et représentations de l’autre dans la Rome antique, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 2011.
53Annic Loupiac, Virgile, Auguste et Apollon, Mythes et Politique à Rome (l’arc et la lyre), Paris, l’Harmattan, 1999.
54Harold Mattingly, Roman Imperial Coinage, vol. I, Londres, Spink and Son, 1923.
55Philippe Monbrun, Les Voix d’Apollon. L’arc, la lyre et les oracles, Rennes, PUR, 2007.
56Anne S. Robertson, Roman Imperial Coins, vol. I, Londres, Oxford University Press, 1962.
57Charles B. Rose, « The Parthians in Augustan Rome », American Journal of Archaeology, 109, 2005, p. 21-75.
58Bernard Sergent, « Arc », Mêtis, 6, 1991, p. 223-252.
59Pierre Vidal-Nacquet, Le Chasseur noir, formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Paris, Maspero, 1983.
Documents annexes
- Fig. 1 : Drachme d’Arsace Ier (238-211 av. J.-C.). Le roi est dit autocrator, c’est-à-dire qu’il ne doit son pouvoir qu’à lui-même © F. Duyrat, « Le monnayage parthe », Dossiers d’archéologie, 271, 2002, p. 37
- Fig. 2 : Monnaie de bronze d’Arsace Ier (238-211 av. J.-C.). Sur l’avers, le buste du roi coiffé du bachlik et du diadème. Au revers un arc dans son étui muni d’une sangle. Généralement le goryte est représenté sur les monnaies de bronze et l’archer assis sur les monnaies d’argent © J. Gaslain, « Réflexions sur la signification des armes des premières monnaies arsacides », dans M. Mode, J. Tubach (dir.), Arms and Armour as Indicators of Cultural Transfer, Wiesbaden, Dr. Ludwig Reichert Verlag, 2006, fig. 2
- Fig. 3 : Denier d’argent de Quintus Labienus, daté de 40 av. J.-C. Sur l’avers, tête de Q. Labienus, avec la légende Q(VINTVS) LABIENVS PARTHICVS IMP(ERATOR) (Quintus Labienus le Parthique, imperator). Au revers, un cheval parthe avec une bride et une selle ; à celle-ci est accroché un gorytos © M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, n° 524
- Fig. 4 : Denier d’argent frappé à Rome en 18 av. J.-C. Sur le revers, un Parthe à genoux, tête nue, sans armure et sans armes, remet les enseignes perdues de Crassus et d’Antoine. Légende : CAESAR AVGVSTVS SIGN(IS) RECE(PTIS) (César Auguste, aux enseignes retrouvées) © Anne S. Robertson, Roman Imperial Coins, vol. I, Londres, Oxford University Press, 1962, n° 4, pl. I
- Fig. 5 : Bas-relief de Taq-i Bustan (Iran), datation Ve siècle ap. J.-C. Chasse royale au sanglier, le roi abat les bêtes de ses flèches © R. Ghirshman, Parthes et Sassanides, Paris, Gallimard, 1962, fig. 236
- Fig. 6 : Denier d’argent frappé à Rome, daté de 191-192. Sur l’avers, tête de Commode portant la léontè (peau de lion d’Héraclès). Sur le revers (ci-dessus), les armes du héros : l’arc, la massue et le carquois. Légende en commun sur le revers : HERCVLI ROMANO AVG(VSTO) (À l’Hercule romain auguste) © H. Mattingly, Roman Imperial Coinage, vol. III, Londres, Spink and Son, 1930, n° 253 (pl. XV, 310)
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Notes
1 Bernard Sergent, « Arc », Mêtis, 6, 1991, p. 223-252, en part. p. 223 : « Autrement dit, l’arc comme signe change selon les sociétés [...] la variation de signe coupe diamétralement le monde indo-européen ».
2 Mahmoud M. Khorasani, « El arma sagrada : el combate con arco y flecha en Iran », Revista de Artes Marciales Asiaticas, 5.1, 2010, p. 55.
3 Hérodote, Histoires, I, 136, éd. P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1932.
4 Hérodote, Histoires, III, 30, 1, éd. P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1939.
5 Hérodote, Histoires, IV, 9, 5, éd. P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1960.
6 Hérodote, Histoires, IV, 46, 2-3, éd. P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1960.
7 Hérodote, Histoires, V, 108, éd. P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1946.
8 Philippe Monbrun, Les voix d’Apollon. L’arc, la lyre et les oracles, Rennes, PUR, 2007, p. 262.
9 Pour une introduction rapide au monnayage parthe : Frédérique Duyrat, « Le monnayage parthe », Dossiers d’archéologie, 271, 2002, p. 34-41.
10 Le motif de l’archer apparaît aussi sur les monnaies achéménides : Plutarque, Vie d’Agésilas, 15, 8, éd. Robert Flaceliere, Émile Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1973 ; Plutarque, Vie d’Artaxerxès, 20, 6, Robert Flaceliere, Émile Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1979.
11 P. Monbrun, (op. cit. n. 9), p. 96 : L’arc, après avoir été bandé, est parcouru par des vibrations, ce qui en fait presque un objet animé, pourvu de vie. Seul l’archer spécialiste voit cette tension.
12 M. M. Khorasani, (art. cit. n. 2), p. 64-67.
13 Horace, Odes et Épodes I, 29, 9-10, éd. F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1929 ; Senèque, Lettres à Lucilius, Tome I, 36, 7, éd. H. Noblot, Paris, Les Belles Lettres, 1945.
14 Jérôme Gaslain, « Réflexions sur la signification des armes des premières monnaies arsacides », dans Arms and Armour as Indicators of Cultural Transfer, dir. M. Mode, J. Tubach, Wiesbaden, Dr. Ludwig Reichert Verlag, 2006, p. 233-258, en part. p. 243.
15 Michael H. Crawford, Roman Republican Coinage, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, n° 524.
16 Niels Hannestad, Roman art and imperial policy, Aarhus, Aarhus University Press, 1988, p. 30, n. 119.
17 Ovide, Fastes, Tome II, V, 591-594, éd. R. Schilling, Paris, Les Belles Lettres, 1993 : Quid tibi nunc solitae mitti post terga sagittae, quid loca, quid rapidi profuit usus equi ? Parthe, refers aquilas, uictos quoque porrigis arcus: pignora iam nostri nulla pudoris habes.
18 Charles B. Rose, « The Parthians in Augustan Rome », American Journal of Archaeology, 109, 2005, p. 21-75.
19 Tacite, Annales, Tome II, VI, 43, 2, éd. P. Wuilleumier, Paris, Les Belles Lettres, 1975.
20 B. Sergent, (art. cit. n. 1), p. 236.
21 B. Sergent, (art. cit. n. 1), p. 229.
22 Ciceron, Philippiques, II, 19 ; II, 112 ; III, 9 ; V, 18, éd. P. Wuilleumier, Paris, Les Belles Lettres, 1959-1960.
23 Virgile, Énéide, VIII, 704-706, éd. J. Perret, Paris, Les Belles Lettres, 1978.
24 Annic Loupiac, Virgile, Auguste et Apollon, Mythes et Politique à Rome (l'arc et la lyre), Paris, l’Harmattan, 1999, p. 38, 174.
25 Charlotte Lerouge, « Comment se construit une image des Parthes à Rome », dans Identités romaines, conscience de soi et représentations de l’autre dans la Rome antique, dir. M. Simon, Paris, Rue d'Ulm, Presses de l’École Normale Supérieure, 2011, p. 147-156, en part. p. 156.
26 Jacques Aymard, Essai sur les chasses romaines (des origines à la fin du siècle des Antonins), Paris, De Boccard, 1951, p. 155-196.
27 Dion Cassius, Histoire romaine, LXXII, 20, 2, éd. E. Cary, Oxford, Loeb Classical Library, 1929 ; Histoire Auguste, Vie de Commode, 9, 6, J.-P. Callu et al., Paris, Les Belles Lettres, 1992. Sur l’adresse de Commode au tir à l’arc – il fait appel à des archers parthes pour le former à cette discipline : Herodien, Histoire des empereurs romains, I, 15, 1-2, éd. D. Roques, Paris, Les Belles Lettres, 1990.
28 Dion Cassius, Histoire romaine, LXIII, 3, 2, éd. E. Cary, Oxford, Loeb Classical Library, 1929.
29 J. Aymard, (op. cit. n. 26), p. 539.
30 J. Aymard, (op. cit. n. 26), p. 556.
31 Herodien, Histoire des empereurs romains I, 14, 9, éd. D. Roques, Paris, Les Belles Lettres, 1990.
32 Sénèque, De la constance du sage, II, 13, 4, éd. R. Waltz, Paris, Les Belles Lettres, 1927.
33 Sénèque, Thyeste, 599-606, éd. F.-R. Chaumartin, Paris, Les Belles Lettres, 2011.
34 Flavius Josephe, Guerre des Juifs, V, 340-341, éd. A. Pelletier, Paris, Les Belles Lettres, 1982 ; Suetone, Titus, 5, 3, éd. H. Ailloud, Paris, Les Belles Lettres, 2011 ; Eutrope, Abrégé d’histoire romaine, VII, 21, 2, éd. J. Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, 1999.
35 B. Sergent, (art. cit. n. 1), p. 230-231. Voir aussi Pierre Vidal-Naquet, Le chasseur noir, formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Paris, Maspero, 1983, p. 151-174.
36 Ce travail a bénéficié du soutien du LabEx ARCHIMÈDE au titre du programme 'Investissement d’Avenir' ANR-11-LABX-0032-01.