Le corps du philosophe dans les biographies néoplatoniciennes : représentations du corps et exercices spirituels (iiie-ve siècles)

Par Maël Goarzin
Publication en ligne le 11 avril 2018

Résumé

This article explores two different representations of the body in Neoplatonism and their associated practices (epitêdeumata): escape from and purification of the body conceived as an obstacle to the divinisation of the soul on one hand ; attention and care of the body conceived as an image of and an instrument for the soul on the other hand. Both representations reveal a close link between self care, health of the body and health of the soul. This link is particularly noticeable in the neoplatonist biographies written by Porphyry (The Life of Plotinus), Iamblichus (The Life of Pythagoras), Eunapius (Lives of the Philosophers and Sophists), Marinus (The Life of Proclus or Concerning Happiness) and Damascius (The Philosophical History). This article aims at pointing out the presence of those two apparently contradictory relationships with the body in the philosopher’s way of life, and to indicate the close link between the care of the body and the care of the soul.

Cet article examine les différentes représentations du corps et les différentes pratiques (epitêdeumata) liées au corps dans la tradition philosophique néoplatonicienne (iiie-ve siècles ap. J.-C.). L’objectif est de montrer le lien étroit qui existe entre le soin de l’âme et du corps, deux aspects complémentaires du souci de soi néoplatonicien. Ce lien très fort entre souci de soi, santé de l’âme et du corps est particulièrement visible dans les vies de philosophes de tradition néoplatonicienne écrites par Porphyre (Vie de Plotin), Jamblique (Vie de Pythagore), Eunape de Sardes (Vies de philosophes et de sophistes), Marinus (Proclus ou Sur le bonheur) et Damascius (Histoire philosophique). Deux attitudes divergentes des philosophes néoplatoniciens face au corps y sont examinées : la fuite du corps et la purification de l’âme d’une part ; le corps reflet et instrument de l’âme et donc objet d’attention et de soin d’autre part. Il s’agit de montrer, premièrement, comment les philosophes néoplatoniciens, dans leur vie quotidienne, peuvent réconcilier ces deux aspects apparemment contradictoires du rapport au corps, et de montrer, deuxièmement, comment le rapport au corps est toujours étroitement lié au soin de l’âme.

Mots-Clés

Texte intégral

Introduction

1À la suite des études de Pierre Hadot, les historiens de la philosophie se sont intéressés au mode de vie des philosophes antiques, et non pas seulement à leurs doctrines. Pierre Hadot, en effet, a mis en évidence le rapport étroit entre discours et mode de vie philosophique1, ainsi que l’importance des exercices spirituels dans la transformation de l’âme associée au choix de vie philosophique2. Suivant cette perspective, cet article a pour objectif d’approfondir l’étude de la philosophie néoplatonicienne comme manière de vivre3, à travers un aspect précis de ce choix de vie : le rapport au corps. Quelles sont les différentes attitudes des philosophes néoplatoniciens face au corps ? Comment comprendre la position parfois contradictoire de la tradition (néo)platonicienne vis-à-vis du soin qui lui est apporté ?

2Pour répondre à ces questions sur la place du corps dans le mode de vie néoplatonicien, les textes biographiques s’avèrent particulièrement intéressants. Propice à la présentation d’un mode de vie idéal, leur discours permet, en effet, de présenter un exemple de mise en pratique de ce choix de vie philosophique4. Les éléments pratiques du mode de vie néoplatonicien y sont mis en scène de manière concrète et vivante, permettant de reconstruire au plus près le comportement et les habitudes des philosophes5. Les grands événements de leur vie comme les plus petites anecdotes rapportées par le biographe permettent de se représenter de manière très imagée leur comportement dans telle ou telle situation de la vie quotidienne, dans la fuite comme dans le soin de tout ce qui est corporel. Le discours biographique permet ainsi de « tracer les traits des figures concrètes de sages ou de philosophes »6. Dans cette étude, l’ambivalence du statut accordé au corps par les philosophes néoplatoniciens et le rapport étroit entre soin du corps et soin de l’âme sont présentés à partir des vies de philosophes de tradition néoplatonicienne écrites entre la fin du iiie siècle et la fin du ve siècle ap. J.C. par Porphyre (Vie de Plotin), Jamblique (Vie de Pythagore), Eunape de Sardes (Vies de philosophes et de sophistes), Marinus (Proclus ou Sur le bonheur) et Damascius (Histoire philosophique)7.

L’ambivalence du corps dans la philosophie platonicienne

3Pour comprendre les attitudes parfois contradictoires des philosophes néoplatoniciens face au corps, il convient de rappeler l’arrière-plan doctrinal du mode de vie néoplatonicien, en particulier l’ambivalence présente dans la philosophie platonicienne. Chez Platon, en effet, le rapport au corps est envisagé de deux manières8 : tantôt de manière négative, comme prison, cage ou tombeau de l’âme et obstacle à la contemplation9 ; tantôt de manière positive, comme signe10, image ou reflet de l’âme et du monde intelligible11 et point de départ vers la contemplation12.

4Pour Platon, l’âme est le plus souvent collée ou clouée au corps13. Liée au corps tout au long de sa vie sur terre, seule la mort naturelle peut permettre à l’âme d’être totalement séparée de lui. Néanmoins, l’âme peut s’en détacher, dans une certaine mesure, durant sa vie dans le monde sensible : comme Socrate, dans le Phédon, le rappelle à ses disciples au moment de mourir, l’âme humaine, en se séparant de tout ce qui l’attache au corps14, peut non seulement saisir les vérités immuables par la pensée15, mais aussi se préparer à quitter le corps lorsque la mort viendra la délivrer16. Dans cette perspective, la philosophie consiste à apprendre à mourir et comporte un processus de purification de tout ce qui relie l’âme au corps, en particulier les désirs et les passions de l’âme17. Le corps occupe alors, dans la vie du philosophe, le moins de place possible et le soin du corps devient secondaire. Le danger, pour l’âme, consiste en effet à rester trop attachée au corps et au monde sensible, allant jusqu’à oublier ce qu’elle est et d’où elle vient18.

5Tandis que cette première représentation du corps insiste sur le dualisme âme-corps, la deuxième représentation platonicienne met en valeur la continuité existante entre le monde intelligible et le monde sensible, entre l’âme et le corps19. En tant que reflet ou image du monde intelligible, le corps n’est plus un obstacle à la recherche de la vérité, mais plutôt un signe de la réalité intelligible20. De la même manière que le monde sensible, créé par le Démiurge sur le modèle des Formes intelligibles, est le plus beau et le plus parfait possible21, de même le corps manifeste une certaine forme, et en cela il est pour Platon un point de départ possible pour l’ascension de l’âme vers la contemplation des Idées22.

6Comment concilier ces deux perspectives et les deux attitudes du philosophe platonicien qui en découlent, à savoir la fuite du monde sensible et de tout ce qui est corporel d’une part, et l’éducation, le soin et l’amour du corps d’autre part ?

7Contrairement au rejet du corps généralement associé à la représentation du corps-obstacle, le philosophe platonicien appelle davantage à un changement de priorité ou d’orientation. Dans le Phédon comme dans l’Alcibiade, Socrate rappelle à ses disciples que le soin de l’âme est plus important que le soin du corps, et c’est pourquoi l’âme qui est trop attachée au corps et au monde sensible doit s’en détacher23. Mais c’est l’attachement excessif au corps qu’il faut rejeter, et non le corps lui-même, dont le philosophe doit également prendre soin24. D’un point de vue éthique et pratique, la représentation du corps comme obstacle implique un certain détachement, la maîtrise des passions et le contrôle des désirs. Quant à la représentation du corps comme signe, elle implique l’amour des beaux corps décrit dans le Banquet et dans le Phèdre, et elle encourage le philosophe à prendre soin du sien à travers, notamment, une certaine éducation physique25. Étroitement liée à l’éducation de l’âme, l’éducation du corps apporte en effet au philosophe santé physique et vertu morale.

8Mais qu’en est-il dans le néoplatonisme ? Quelles sont les attitudes du philosophe néoplatonicien face au corps ?

Le statut du corps dans le néoplatonisme

9Cette ambivalence du statut du corps platonicien se retrouve dans le néoplatonisme26. Pour décrire le rapport au corps des néoplatoniciens, il faut donc prendre en compte ces différentes perspectives possibles sur le corps et sur son rapport à l’âme, ainsi que les attitudes parfois contradictoires des philosophes.

Fuite du corps et purification de l’âme

10La première attitude des philosophes néoplatoniciens face au corps concerne la purification de l’âme, c’est-à-dire la séparation de tout ce qui l’attache au corps. Elle consiste, notamment, à renoncer à un mode de vie orienté et dominé par le corps, à déplacer son attention vers l’âme et à se tourner vers le monde intelligible27. Ce détachement du corporel implique deux types de pratiques28 : l’exercice des vertus purificatrices29 et les pratiques rituelles de purification30.

11Les pratiques associées à l’acquisition des vertus purificatrices sont nombreuses. Parmi celles-ci, on trouve une alimentation frugale et un temps de sommeil réduit au minimum, comme le précise Porphyre à propos de Plotin, son professeur à l’école de Rome :

Il était donc présent à la fois à lui-même et aux autres, et cette attention à lui-même, il ne la relâchait jamais, ou seulement dans le sommeil, que le peu de nourriture réduisait – souvent en effet il ne touchait pas au pain – de même que sa conversion continue vers son intellect31.

12Le régime alimentaire de Plotin favorise l’activité contemplative continue du philosophe. La pratique des vertus purificatrices permet ainsi au philosophe néoplatonicien de se détourner du corps et de tourner son attention vers l’intellect. Cette description correspond au double mouvement de détournement du monde sensible et de conversion vers le monde intelligible décrit par Plotin dans les Énnéades et qui caractérise la purification de l’âme nécessaire à la vie intellective32. Le refus de Plotin des soins excessifs accordés au corps, y compris en cas de maladie, ou face à la mort, est également à remettre dans ce contexte33 : face à la maladie, Plotin refuse en effet de se soigner si les remèdes appropriés sont trop contraignants, s’ils sont contraires à ses principes alimentaires (végétarisme) ou à ses principes moraux34. Enfin, il se contente du nécessaire pour vivre, ne laissant jamais le souci du corps prendre le dessus sur le soin de l’âme et l’activité intellective : « Sur le point de mourir […], il dit : “je t’attendais”, et il dit essayer de faire remonter le divin en nous vers le divin dans le tout »35. Par opposition au corps, dont la valeur est moindre, les derniers mots de Plotin rappellent ce qui importe vraiment, à savoir l’intellect, cette partie divine en nous qu’il s’agit, par la pratique de la philosophie, de ramener vers le divin dans le Tout. Ainsi, les deux premiers chapitres de la Vie de Plotin rappellent d’entrée ce qui compte par-dessus tout dans le mode de vie philosophique : non pas le corps, qu’il est possible de négliger, mais l’effort philosophique permettant de s’approcher du divin, effort qu’il faut entreprendre jusqu’aux derniers instants de la vie.

13De même Pythagore, dont le mode de vie est présenté par Jamblique comme modèle aux philosophes néoplatoniciens de l’école d’Apamée, propose de nombreuses pratiques de purification de l’âme par l’ascèse et la maîtrise du corps36. Parmi ces pratiques, on retrouve l’abstinence de viande et de vin, la frugalité du régime alimentaire et la veille, le mépris du corps et des biens extérieurs, mais aussi la musique, le silence, l’examen soutenu de connaissances difficiles et l’amitié envers tous. Toutes ces activités ont pour objectif de purifier l’âme de ses passions, étape préparatoire indispensable à la bonne réception de l’enseignement philosophique pythagoricien37. La purification passe notamment par la maîtrise de soi et le contrôle des désirs, en particulier ceux liés au corps et aux biens extérieurs38. Maladies et passions de l’âme viennent, en effet, de l’intempérance et de la cupidité, tandis que la maîtrise de soi engendrée par l’ascèse permet de s’en défaire39.

14La pratique régulière des exercices de purification de l’âme fait ainsi partie intégrante du mode de vie pythagoricien. Matin et soir, par exemple, la musique, à travers l’harmonie des chants et des mélodies, permet aux pythagoriciens de calmer les passions de l’âme et de rétablir l’harmonie de ses différentes parties40. Parmi les exercices proposés par Pythagore à ses élèves pour exercer la maîtrise de soi, on trouve également celui-ci :

Au même chapitre41 appartient l’abstinence de tous les êtres animés, et, en outre, de certains aliments qui provoquent l’incontinence, et aussi l’habitude, lors des banquets, de faire servir des plats doux et variés, et de les envoyer aux esclaves, pour châtier nos désirs en nous contentant de les montrer […] 42.

15L’exercice décrit ici consiste à faire servir un banquet appétissant et à le donner à ses esclaves au lieu de se servir. La privation répétée de nourriture, véritable exercice spirituel, apporte à l’âme contrôle et maîtrise de soi43. La pratique du silence – exercice difficile de maîtrise de soi auquel les futurs élèves de Pythagore sont soumis systématiquement en début de cursus44 – permet également de purifier l’âme, poursuivant ainsi le même objectif que l’examen soutenu et incessant des connaissances les plus difficiles45 et la privation de nourriture ou de sommeil. Tous ces exercices, par leur répétition, concourent au progrès de l’âme en vue de la contemplation des réalités véritables. Certains d’entre eux, dans ce cadre, sont corporels, comme le régime alimentaire ou la pratique du silence, mais tous ne le sont pas. L’examen soutenu des connaissances difficiles, par exemple, est un exercice de type intellectuel. Ce dernier concourt néanmoins, par la maîtrise de soi à laquelle il conduit, au détachement du corps et des biens extérieurs. Le corps, dans ce cadre, n’est pas seulement un obstacle mais un outil pour l’âme souhaitant acquérir la vertu et se purifier de ses attaches corporelles. Instrument de l’âme (τὸ ὄργανον αὐτῆς)46, il n’est pas méprisé, mais l’attention du philosophe doit être détournée de celui-ci pour se tourner vers ce qui importe vraiment.

16Le détachement vis-à-vis du corps associé à la purification de l’âme se manifeste également par la chasteté. Un grand nombre de philosophes néoplatoniciens refusent, en effet, tout acte sexuel, considéré comme impur. C’est le cas de la philosophe Hypathie47, mais aussi de Marinus48 et de Sarapio, dont la vie ascétique et solitaire exprime de manière assez radicale la première attitude des philosophes face au corps :

Son mépris pour les biens matériels était si grand qu’il ne possédait rien, si ce n’est deux ou trois livres, parmi lesquels les poèmes d’Orphée. Et son mépris pour les plaisirs corporels était tel que dès sa jeunesse, il n’accorda à son corps que le strict nécessaire et resta toute sa vie à l’abri des plaisirs charnels 49.

17Contrairement à Sarapio, dont l’ascétisme très strict lui interdit tout contact charnel, certains philosophes néoplatoniciens présentés par Damascius se marient et ont des enfants50. Dans le cadre du mariage, l’acte sexuel est donc autorisé, à condition d’être pratiqué en vue de la procréation, ce que confirme la réaction de Théosébius face à l’infertilité de son union51. Dès lors que sa femme ne lui donne pas d’enfants, il lui propose de vivre dans la chasteté et de préserver ainsi la pureté associée au mode de vie philosophique.

18La purification des plaisirs corporels, que ce soit à travers une ascèse rigoureuse, comme dans le cas de Sarapio ou, de manière plus modérée, par la maîtrise de soi et le contrôle des désirs, permet ainsi aux philosophes néoplatoniciens de se libérer de l’emprise trop forte du corps sur l’âme, et de se tourner vers l’intelligible et le divin. Dans la biographie de Proclus, Marinus rappelle également le rôle des vertus purificatrices qui « séparent et délivrent entièrement des poids de la génération lourds comme du plomb, et procurent une fuite d’ici-bas que rien ne peut arrêter »52. Mais aux pratiques ascétiques déjà mentionnées s’ajoutent, chez Proclus, un certain nombre de pratiques rituelles53 : « nuit et jour, il se livrait à des rites apotropaïques, à des ablutions et à d’autres pratiques de purification, soit Orphiques, soit Chaldaïques, et chaque mois il entrait sans hésiter dans la mer, quelquefois même deux ou trois fois le même mois »54. On retrouve ainsi, chez Proclus, deux modes de purification : une purification philosophique et une purification rituelle. Cette dernière est liée aux pratiques religieuses intégrées au néoplatonisme à partir de Jamblique55. Dans les deux cas, le but de la purification de l’âme est le même : la contemplation de l’âme purifiée et l’assimilation au divin56.

19La purification de l’âme qui accompagne le choix de vie philosophique proposé par le néoplatonisme n’est qu’une étape à dépasser. Ce choix comporte, de ce fait, un double mouvement – fuite du corps et tension vers l’intelligible – visible dans les pratiques de purification et qui explique l’ambivalence du rapport au corps dans le mode de vie néoplatonicien. Perçu comme un obstacle lorsque l’âme s’y attache excessivement, il appelle un processus de purification qui passe par la fuite du corps et des biens extérieurs. Mais ce détachement du corps et, plus particulièrement, des plaisirs corporels n’est que très rarement une négation du corps. Au contraire, il s’agit plutôt d’une déprise du corps ou d’un changement d’orientation, un exercice spirituel permettant à l’âme de se détourner des réalités corporelles et sensibles pour se tourner vers les réalités véritables57. La fuite du monde et du corps va en effet de pair avec l’ascension de l’âme vers le monde intelligible. En ce sens, le rapport au corps des philosophes néoplatoniciens n’est pas détaché du soin accordé à l’âme et à son devenir, et il ne contredit pas non plus le soin accordé par ailleurs au corps.

Le corps, reflet et instrument de l’âme

20La deuxième attitude des philosophes néoplatoniciens face au corps considère le corps comme un reflet de l’âme et du monde intelligible58. Issu de l’intelligible, le corps ne peut pas être mauvais59. C’est l’orientation de l’âme vers la matière qui est mauvaise et qui doit être modifiée par le double mouvement de purification décrit plus haut. Cette deuxième manière d’envisager le corps se manifeste, dans le mode de vie néoplatonicien, par une attention accrue et un certain soin accordé au corps60.

21Premièrement, le corps est souvent décrit de manière positive comme reflet de l’âme61. L’apparence physique, et en particulier la beauté du corps, reflète en effet la beauté de l’âme, montrant la continuité qui existe dans le néoplatonisme entre l’âme et le corps. Ainsi, le visage de Plotin manifeste-t-il son activité intellective :

Quand il parlait se manifestait l’intellect, qui faisait briller sa lumière jusque sur son visage ; lui qui était agréable à voir, il apparaissait particulièrement beau surtout dans ces moments-là ; une légère sueur couvrait son visage, sa douceur rayonnait, et face aux questions se montrait sa bienveillance, ainsi que sa vigueur62.

22Tout au long du récit de Porphyre, l’activité intellective continue de Plotin est rendue visible par son attitude physique, les traits de son visage, ou encore sa manière de parler63. Qualités morales et apparence physique vont de pair et justifient notamment la pratique de la physiognomonie. L’étude des traits de caractère d’une personne à partir de ses traits physiques était, en effet, pratiquée par Plotin pour connaître l’état d’âme de ses élèves64 et par Pythagore au moment de l’examen d’entrée à son école :

Il observait en outre leur aspect, leur façon de marcher et en général leur façon de mouvoir leur corps, et, en utilisant les indices que lui fournissait la nature pour mener une enquête physiognomonique, il interprétait les mouvements de leur corps comme des signes des traits de caractère qui restent invisibles dans l’âme65.

23Dans les Vies de philosophes et de sophistes écrites par Eunape de Sardes, la vigueur morale d’Eustathe se reflète dans ses yeux66, l’âme de Maxime se manifeste à travers sa barbe grise, ses yeux, ses pupilles ou encore sa voix67 ; de même, l’activité intellectuelle de Chrysanthe est rendue visible par ses cheveux et ses yeux68.

24Pour Marinus également, le corps de Proclus, son maître à l’école d’Athènes, est le reflet de son âme. Mais la beauté du corps ne saurait être exprimée de manière adéquate par le langage, ni représentée parfaitement par un portraitiste, capable seulement de présenter une image amoindrie, une imitation (μίμησιν) de la beauté corporelle de Proclus69 :

Or, il était très agréable à regarder : car non seulement ce qui relevait en lui de la proportion était idéal, mais encore ce qui, à partir de son âme, s’épanouissait sur son corps comme une sorte de lumière de vie, resplendissait d’une manière merveilleuse et telle que le langage ne saurait absolument pas l’exprimer. Il était si beau à voir que nul des peintres n’est parvenu à la rendre avec ressemblance, et que tous les portraits de lui, qui sont en circulation, bien que parfaitement beaux eux aussi, sont néanmoins encore bien loin du compte eu égard à l’imitation de sa vraie figure70.

25Cette deuxième attitude face au corps est très présente dans le texte de Jamblique sur le mode de vie pythagoricien. On y retrouve l’importance de l’harmonie âme-corps71, mais aussi le lien étroit entre santé de l’âme et santé du corps72. De ce fait, une grande importance est accordée à l’éducation et au soin du corps, conjointement à l’éducation et au soin de l’âme73.

26Les différentes pratiques liées au soin du corps dénotent très souvent cette interdépendance avec les soins de l’âme. Parmi ces pratiques, on trouve : la musique, utilisée de manière thérapeutique pour procurer la santé physique et redresser l’âme74 ; la marche, qui permet de mettre de l’ordre dans son esprit et se remémorer ce qu’on a appris75 ; les activités sportives (course, lancer du poids, boxe), adaptées à chacun et qui occupent, dans l’emploi du temps pythagoricien, une bonne partie de la matinée76.

27Dans le cadre des vertus purificatrices, nous avons vu comment le corps peut être utilisé comme instrument de l’âme. Ainsi, l’ascèse corporelle et les exercices physiques peuvent-ils être considérés comme des exercices spirituels, apportant leur propre contribution à l’harmonie de l’âme et du corps et à l’acquisition de certaines vertus (en particulier le courage et la tempérance)77.

28La médecine occupe également une place importante dans le mode de vie pythagoricien, et montre l’intérêt des philosophes pour la santé du corps et de l’âme78. Le régime alimentaire ou la diététique, qui est une partie de la médecine79, apporte non seulement la maîtrise de soi nécessaire, comme on l’a vu, à la purification de l’âme, mais aussi une bonne santé physique :

Ayant donc appris de Thalès en particulier à économiser son temps, et par suite, ayant renoncé à boire du vin, à manger de la viande et plus encore à manger richement, se limitant, au contraire, à se nourrir de choses légères et facilement digestes, il avait acquis grâce à ce régime peu de besoin en sommeil, l’habitude de veiller, la pureté de l’âme et une très exacte et immuable santé du corps80.

29Ainsi, le mode de vie philosophique permet non seulement de tendre vers l’intelligible et de s’approcher du divin, mais également de vivre en bonne santé physique, comme le montrent les nombreux exemples de philosophes ayant vécu jusqu’à un âge avancé et en excellente santé81. Certes, ce n’est pas le cas de tous les philosophes étudiés et le corps n’est pas toujours de la même qualité que l’âme82, en particulier en fin de vie. Mais même dans ce cas, le philosophe continue d’exercer son corps pour entraîner sa force, confirmant le soin qui lui est accordé malgré son infériorité par rapport à l’âme83.

30Le plan de la biographie de Proclus, construit suivant l’ordre des différents degrés de l’échelle néoplatonicienne des vertus (vertus naturelles, morales, politiques, purificatrices, contemplatives et théurgiques, vertus généralement associées à des qualités de l’âme) 84, considère les qualités corporelles du philosophe comme de véritables vertus. Il est vrai que ces qualités corporelles font partie des vertus naturelles de Proclus, situées tout en bas de l’échelle, et qu’elles ne sont pas directement liées au choix de vie philosophique, puisqu’innées, mais elles manifestent très bien, me semble-t-il, la valeur positive accordée au corps par le philosophe néoplatonicien :

Les vertus naturelles appartiennent d’une manière connaturelle et de naissance à ceux qui les possèdent, et, chez le bienheureux que nous célébrons, toutes étaient innées dès le premier instant de sa naissance ; et même dans son ultime vêtement ostréeux, on en voyait encore transparaître les traces d’une manière évidente. Premièrement, lui appartenait une intégrité éminente des facultés sensibles (que l’on nomme « prudence du corps »), et surtout les sens les plus nobles, la vue et l’ouïe, sens qui ont été donnés par les dieux aux hommes pour la philosophie et pour le bien-être, et qui, durant toute sa vie, sont demeurés en lui intacts. Deuxièmement, lui appartenait une force corporelle qui n’était ni atteinte par les froids hivernaux ou les chaleurs torrides, ni entamée par le mauvais régime, le manque de soins et ces labeurs qu’il accomplissait nuit et jour, qu’il priât ou expliquât ses doctrines et les mît par écrit, ou s’entretînt avec ses disciples, s’adonnant à chacune de ces tâches avec autant d’intensité que s’il n’avait été occupé que d’elle seule : une telle puissance, on peut à bon droit la nommer « courage du corps ». Il lui appartenait encore une troisième vertu corporelle, celle qui répond à la tempérance, et que l’on fait correspondre à la beauté du corps, et ce à juste titre […]. Quatrièmement, lui appartenait la santé, dont on veut qu’elle corresponde à la justice dans l’âme et soit, elle aussi, une sorte de « justice dans le corps », comme l’autre l’est dans l’âme85.

31Dans ce passage les quatre vertus cardinales (prudence, courage, tempérance et justice) sont associées par Marinus aux qualités corporelles de Proclus, redonnant ainsi au corps la place que la première attitude (fuite du corps et purification de l’âme) semblait lui avoir dérobée. Or, la mention des qualités corporelles du défunt est un lieu commun de l’éloge funèbre. Cependant leur association avec les vertus cardinales met en évidence la place du corps comme reflet des qualités de l’âme de Proclus et la valorisation du corps par les philosophes néoplatoniciens.

Conclusion

32Pour conclure, l’étude des pratiques liées au corps dans les vies de philosophes néoplatoniciens confirme l’ambivalence du rapport au corps présente déjà chez Platon. Considéré d’une part comme ce qui retient l’âme dans le monde sensible, le corps et le soin du corps sont remis à leur place, en deuxième position. Les philosophes néoplatoniciens ne doivent donc ni aimer ni s’attacher au corps, mais au contraire, se détacher de tout lien avec lui, notamment par la purification de l’âme et, en particulier, par les exercices de maîtrise de soi et les pratiques ascétiques associées à celle-ci. Dans cette perspective, le corps, obstacle pour l’âme, peut être objet de mépris ou de honte pour les philosophes néoplatoniciens. D’autre part, considéré comme image et reflet de l’âme et des réalités intelligibles, le corps est perçu de manière positive. Loin d’être méprisé, le soin du corps prend de l’importance. Lié à la santé de l’âme, il devient même nécessaire car la santé du corps reflète les qualités de l’âme, tandis que les exercices physiques sont utiles à l’acquisition des vertus.

33Ces deux attitudes des philosophes néoplatoniciens face au corps s’expliquent par la différence de perspective adoptée dans l’un ou l’autre cas et par le contexte dans lequel les pratiques liées au corps apparaissent. Dans les deux cas, la fuite et le soin du corps sont étroitement liés au devenir et au soin de l’âme : la fuite du corps permet la purification de l’âme et la conversion vers les réalités intelligibles ; le soin du corps permet de préserver l’harmonie de l’âme et du corps et rend possible une vie intellective épanouie. C’est pourquoi, suivant la définition de Pierre Hadot, on peut considérer les pratiques liées au corps comme de véritables exercices spirituels, c’est-à-dire comme des outils de transformation de l’âme86. Un bon usage du corps devient alors un moyen pour l’âme de se détourner du monde sensible et de diriger son attention vers le divin, lui permettant d’atteindre le but de la philosophie néoplatonicienne : l’assimilation au divin durant cette vie.

Bibliographie

Textes sources

34Damascius, Histoire philosophique, éd. Clemens Zintzen, dans Damascii Vitae Isidori reliquiae, Hildesheim, G. Olms, 1967.

35Damascius, Histoire philosophique, éd. et trad. anglaise Polymnia Athanassiadi, dans The Philosophical History, Athènes, Apamea Cultural Association, 1999.

36Eunape de Sardes, Vies de philosophes et de sophistes, éd. Richard Goulet, Paris, Les Belles Lettres, 2014.

37Jamblique, Vie de Pythagore, trad. Luc Brisson et Alain-Philippe Segonds, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

38Marinus, Proclus ou Sur le bonheur, éd. Henri Dominique Saffrey et Alain-Philippe Segonds, Paris, Les Belles Lettres, 2001.

39PlatonŒuvres complètes, dir. Luc Brisson, Paris, Flammarion, 2011.

40PlotinTraités, trad. sous la dir. de Luc Brisson et Jean-François Pradeau, Paris, GF Flammarion, 2002-2010.

41Porphyre, La vie de Plotin, éd. Luc Brisson, et al., Paris, Vrin, 1992.

42PorphyreSentences, trad. sous la dir. de Luc Brisson, Paris, Vrin, 2005.

Littérature secondaire

43Yvan Bubloz, « Ascèse et acquisition de pouvoir : la réalisation de l’idéal de l’homme divin chez le philosophe néoplatonicien Proclus », Dialogues d’Histoire Ancienne 29/2, 2003, p. 134-142.

44Montserrat Camps-Gaset et Sergi Grau, « Philosophy for the Body, Food for the Mind », Coolabah, 5, 2011, p. 83-101.

45Pierre Courcelle, « Connais-toi toi-même », de Socrate à Saint Bernard, vol. II, Paris, Études Augustiniennes, 1975, p. 325-393.

46John Dillon, « Shadows on the Soul: Plotinian Approaches to a Solution of the Mind-Body Problem », dans Plato revived: Essays in Honour of Dominic O’Meara, dir. F. Karfik et E. Song, Berlin/Boston, de Gruyter, 2013, p. 73-84.

47Frédéric Fauquier, « La matière comme miroir : pertinence et limites d’une image selon Plotin et Proclus », Revue de métaphysique et de morale, 37, 2003, p. 65-87.

48Frédéric Fauquier, « Ascèse et lectures néoplatoniciennes du Phédon », dans Les Dialectiques de l’ascèse, dir. B. Perez-Jean, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 57-65.

49Frédéric Fauquier, « Le corps platonicien, preuve et épreuve de la transcendance », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, 14, 2015, en ligne <http://cerri.revues.org/1470> [consulté le 09 mars 2017].

50Maël Goarzin, « Presenting a Practical Way of Life through Biographical Discourse: the Examples of Gregory of Nyssa and Marinus », dans Tradition and Transformation: Dissent and Consent in the Mediterranean. Proceedings of the 3rd Biennial CEMS International Graduate Conference, dir. M. Mitrea, Kiel, Solivagus-Verlag, 2016, p. 115-129.

51Maël Goarzin, « The Importance of the Practical Life for Pagan and Christian Philosophers », dans Pagans and Christians in the Late Roman Empire: New Evidence, New Approaches (4th-6th centuries), dir. M. Sághy, E. M. Schoolman et Z. Visy, Medievalia series, Budapest, Central European University Press, 2017, p. 11-26.

52Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, Paris, Gallimard, 1995.

53Pierre Hadot, Plotin ou la simplicité du regard, Paris, Gallimard, 1997.

54Pierre Hadot, « Exercices spirituels », dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Albin Michel, 2002, p. 19-74.

55Pierre Hadot, « La philosophie comme manière de vivre », dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Albin Michel, 2002, p. 289-304.

56Catherine Joubaud, Le corps humain dans la philosophie platonicienne, Paris, Vrin, 1991.

57Monique Labrune, « États d’âme. Le corps dans la philosophie de Platon », dans Le corps, dir. J.-C. Goddard et M. Labrune, Paris, Vrin, 1992, p. 27-47.

58Xavier Pavie, Exercices spirituels. Leçons de la philosophie antique, Paris, Les Belles Lettres, 2012.

59Xavier Pavie, Exercices spirituels. Leçons de la philosophie contemporaine, Paris, Les Belles Lettres, 2013.

60Jean Pépin, « L’initié et le philosophe », dans La pureté : quête d’absolu au péril de l’humain, dir. S. Matton, Paris, Autrement, 1993, p. 105-130.

61Sylvain Roux, « Le statut du corps dans la philosophie platonicienne », dans Le corps, dir. J.-C. Goddard, Paris, Vrin, 2005, p. 11-42.

62Sylvain Roux, « Rendre raison du corps : Plotin et le problème de la corporéité », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 100, 2016, p. 9-25.

63Henri Dominique Saffrey, « La théurgie comme phénomène culturel chez les néoplatoniciens (ive-ve siècles) », dans Recherches sur le Néoplatonisme après Plotin, Paris, Vrin, 1990, p. 51-61.

64Andrew Smith, Porphyry’s Place in the Neoplatonic Tradition, The Hague, Martinus Nijhoff, 1974.

65Robbert Maarten van den Berg, « Proclus and Iamblichus on Moral Education », Phronesis, 59, 2014, p. 272-296.

66Thomas Vidart, « “Il faut s’enfuir d’ici” : la relation de l’homme au monde », Études platoniciennes, 3, 2006, en ligne <http://etudesplatoniciennes.revues.org/988> [consulté le 21 novembre 2016].

Documents annexes

Notes

1 Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, Paris, Gallimard, 1995, p. 265-352 ; id., « La philosophie comme manière de vivre », dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Albin Michel, 2002, p. 289-304.

2 Pierre Hadot, « Exercices spirituels », dans Exercices spirituels et philosophie antique (op. cit. n. ), p. 19-74.

3 Sur la mise en évidence du néoplatonisme comme choix de vie philosophique, voir P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ? (op. cit. n. ), p. 243-264.

4 Le caractère exemplaire du mode de vie présenté par le biographe sous les traits du philosophe permet de délimiter de manière fine et nuancée le mode de vie idéal proposé au lecteur. Le texte biographique permet, en effet, à l’auteur de présenter un exemple de mise en pratique du mode de vie idéal qui sert alors de modèle pour la mise en pratique de ce mode par le lecteur lui-même. Sur ce point, voir Maël Goarzin, « Presenting a Practical Way of Life through Biographical Discourse: the Examples of Gregory of Nyssa and Marinus », dans Tradition and Transformation: Dissent and Consent in the Mediterranean. Proceedings of the 3rd Biennial CEMS International Graduate Conference, dir. M. Mitrea, Kiel, Solivagus-Verlag, 2016, p. 115-129.

5 Le discours biographique permet de prendre en compte les différents aspects de la vie du philosophe. On peut donc voir comment vie contemplative et vie pratique vont de pair, au quotidien, à partir de l’exemple concret de la vie quotidienne d’une figure exemplaire. Sur ce point, voir Maël Goarzin, « The Importance of the Practical Life for Pagan and Christian Philosophers », dans Pagans and Christians in the Late Roman Empire: New Evidence, New Approaches (4th-6th centuries), dir. M. Sághy, E. M. Schoolman et Z. Visy, Medievalia series, Budapest, Central European University Press, 2017, p. 11-26.

6 P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ? (op. cit. n. ), p. 340.

7 Les biographies étudiées sont écrites par des philosophes néoplatoniciens pour présenter aux lecteurs un mode de vie philosophique idéal à partir du récit d’une vie exemplaire (celles de Plotin, Pythagore et Proclus) ou à partir d’une série de portraits contrastés (par Eunape et Damascius). À l’exception de Pythagore, dont plusieurs siècles le séparent de Jamblique, les biographes racontent la vie de philosophes contemporains ou éloignés seulement de quelques générations (pour Eunape et Damascius).

8 Sur l’ambivalence du corps dans la philosophie platonicienne, voir Frédéric Fauquier, « Le corps platonicien, preuve et épreuve de la transcendance », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, 14, 2015, en ligne <http://cerri.revues.org/1470> [consulté le 09 mars 2017] ; Sylvain Roux, « Le statut du corps dans la philosophie platonicienne », dans Le corps, dir. J.-C. Goddard, Paris, Vrin, 2005, p. 11-42 ; Monique Labrune, « États d’âme. Le corps dans la philosophie de Platon », dans Le corps, dir. J.-C. Goddard et M. Labrune, Paris, Vrin, 1992, p. 27-47.

9 Platon, Œuvres complètes, dir. Luc Brisson, Paris, Flammarion, 2011, en particulier : Phédon, 62b, 81e, 82c-e, 83 b-c ; Cratyle, 400c ; Gorgias, 493a-b ; Timée, 44a-b. Sur l’utilisation de ces métaphores par Platon et leur reprise par les philosophes platoniciens ultérieurs, voir Pierre Courcelle, « Connais-toi toi-même », de Socrate à Saint Bernard, vol. II, Paris, Études Augustiniennes, 1975, p. 325-393.

10 Ibid., Cratyle, 400c.

11 Ibid., Timée, 87e-89d.

12 Ibid., Banquet, 210a-b et 211c ; Phèdre, 249b-252a.

13  Ibid., Phédon, 82e et 83d.

14 Ibid., Phédon, 64e-65a.

15 Ibid., Phédon, 65b-67b.

16 Ibid., Phédon, 63e-64a, 67d-e, 80e-81a.

17 Ibid., Phédon, 65a-d, 83b-d et 84a-b. Sur l’idéal ascétique comme moyen de se libérer du monde sensible, voir Ibid., Gorgias, 492c.

18 Ibid., Phèdre, 248c et 250a.

19 F. Fauquier, « Le corps platonicien » (art. cit. n. ), en particulier §3 et §15.

20 Platon, Œuvres complètes (éd. cit. n. 9) : Cratyle, 400c.

21 Ibid., Timée, 30a-c.

22 Ibid., Banquet, 209d-212a ; Phèdre, 253c-257a. Dans ces deux dialogues, la contemplation et l’amour de la beauté physique conduisent l’âme humaine vers l’amour et la contemplation de la beauté véritable. Sur la continuité entre le corps et le monde intelligible, voir F. Fauquier, « Le corps platonicien » (art. cit. n. ), §25-30.

23 S. Roux, « Le statut du corps dans la philosophie platonicienne », (art. cit. n. ), p. 41-42. L’ontologie platonicienne définit l’homme comme étant une âme et non un corps ou un composé âme-corps [Platon, Œuvres complètes (éd. cit. n. 9) : Alcibiade, 130c]. Le corps est donc un instrument de l’âme (Ibid., Alcibiade, 129c-131d) dont le soin n’est pas prioritaire.

24 M. Labrune (art. cit. n. ), p. 27-47. Sur le soin du corps par le philosophe platonicien, voir Catherine Joubaud, Le corps humain dans la philosophie platonicienne, Paris, Vrin, 1991, p. 193-243.

25 Platon, Œuvres complètes (éd. cit. n. 9) : Banquet, 209d-212a ; Phèdre, 253c-257a. Sur l’éducation du corps voir, Ibid. : République, III, 403c-412b ; Lois, VII, 788d-796d.

26 Frédéric Fauquier, « Ascèse et lectures néoplatoniciennes du Phédon », dans Les Dialectiques de l’ascèse, dir. B. Pérez-Jean, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 57-65.

27 Thomas Vidart, « ”Il faut s’enfuir d’ici” : la relation de l’homme au monde », Études platoniciennes, 3, 2006, en ligne <http://etudesplatoniciennes.revues.org/988> [consulté le 21 novembre 2016], en particulier §4, 6 et 7 ; Andrew Smith, Porphyry’s Place in the Neoplatonic Tradition, The Hague, Martinus Nijhoff, 1974, p. 32-33 et p. 35 ; John Dillon, « Shadows on the Soul: Plotinian Approaches to a Solution of the Mind-Body Problem », dans Plato revived: Essays in Honour of Dominic O’Meara, dir. F. Karfik et E. Song, Berlin/Boston, de Gruyter, 2013, p. 79-80 et F. Fauquier, « Ascèse et lectures néoplatoniciennes du Phédon » (art. cit. n. ), p. 57-58. Sur le détachement du corps comme partie de l’éducation morale chez Jamblique et Proclus, voir Robbert Maarten van den Berg, « Proclus and Iamblichus on Moral Education », Phronesis, 59, 2014, p. 278-282.

28 Sur la double purification (philosophique et initiatique) dans le néoplatonisme, voir Jean Pépin, « L’initié et le philosophe », dans La pureté : quête d’absolu au péril de l’humain, dir. S. Matton, Paris, Autrement, 1993, p. 105-130.

29 Sur la pratique des vertus purificatrices chez Plotin, Porphyre et Proclus, voir Plotin, Traités, trad. sous la dir. de Luc Brisson et Jean-François Pradeau, Paris, GF Flammarion, 2002-2010 : Énnéades I 2 [19] 3-5 ; Porphyre, Sentences, trad. sous la dir. de Luc Brisson, Paris, Vrin, 2005, 32 ; Marinus, Proclus ou Sur le bonheur, éd. Henri Dominique Saffrey et Alain-Philippe Segonds, Paris, Les Belles Lettres, 2001, 18, 17-20 et 21, 1-15.

30 Il est important de noter que ces pratiques rituelles ne sont pas présentes chez tous les philosophes néoplatoniciens et qu’il y a une évolution importante, dans le courant néoplatonicien, au sujet de l’intégration de ces pratiques rituelles à la pratique des vertus purificatrices. Sur l’apparition de la théurgie et des pratiques rituelles dans le néoplatonisme, voir Henri Dominique Saffrey, « La théurgie comme phénomène culturel chez les néoplatoniciens (ive-ve siècles) », dans Recherches sur le Néoplatonisme après Plotin, Paris, Vrin, 1990, Paris, p. 51-61.

31 Porphyre, La vie de Plotin, éd. Luc Brisson et al., Paris, Vrin, 1992, 8, 19-23.

32 Plotin, Traités (éd. cit. n. 29) : Énnéades I 2 (19), 4, 13-20.

33 Porphyre, La vie de Plotin (éd. cit. n. ), 2, 1-34.

34 Plotin évitait en effet les bains publics, lieu traditionnel de débauche, et préférait se faire masser à la maison (Ibid., 2, 8).

35 Porphyre, La vie de Plotin (éd. cit. n. ), 2, 23-27.

36 Jamblique, Vie de Pythagore, trad. Luc Brisson et Alain-Philippe Segonds, Paris, Les Belles Lettres, 1996, 68-70 et 187-188.

37 Ibid., 75-78.

38 Ibid., 41 et 205.

39 Ibid., 218 et 229.

40 Sur le rôle de la musique dans l’éducation pythagoricienne et son rôle de purification des passions de l’âme en particulier, voir Ibid., 64-65, 110-111 et 114.

41 Celui de la maîtrise de soi.

42 Jamblique (trad. cit. n. 36), 187, 5-9.

43 Ibid., 16.

44 Ibid., 68, 72, 188, 195, 225 et 246.

45 Ibid., 68, 188 et 225.

46 Eunape de Sardes utilise ce terme pour désigner le corps, confirmant la supériorité de l’âme sur le corps : Eunape de Sardes, Vies de philosophes et de sophistes, éd. Richard Goulet, Paris, Les Belles Lettres, 2014, VII, 12.

47 Damascius, Histoire philosophique, éd. et trad. anglaise Polymnia Athanassiadi, dans The Philosophical History, Athènes, Apamea Cultural Association, 1999, 43A et 43C (F102). Je donne la numérotation des fragments de l’édition de P. Athanassiadi, suivie entre parenthèses de la numérotation de l’édition de C. Zintzen (Damascius, Histoire philosophique, éd. Clemens Zintzen, dans Damascii Vitae Isidori reliquiae, Hildesheim, G. Olms, 1967).

48 Ibid., 97B (F238).

49 Damascius (éd. et trad. cit. n. 47), 111 (E167, F33, F34, F 39, F41, F287).

50 Ibid., 46A (E55) et 46E (E59, F110), 95B-D (F230, F232, E137) et 130 (F339).

51 Ibid., 46E (E59, F110).

52 Marinus (éd. cit. n. ), 18, 17-20.

53 Sur l’ascèse de Proclus, en particulier son régime alimentaire, très frugal, la plupart du temps végétarien, et entrecoupé de nombreux jeûnes, voir Ibid., 19, 1-7.

54 Ibid., 18, 26-30.

55 À ces pratiques rituelles, on peut ajouter la récitation d’hymnes, qui permet à Proclus de calmer les passions de l’âme telles que la douleur, la colère et la sensualité (rôle identique à la musique chez Pythagore) : Ibid., 19, 31-20, 11 et 20, 17-20.

56 Ibid., 22, 1-9 et 24, 9-11.

57 Notre étude rejoint les conclusions de F. Fauquier, « Ascèse et lectures néoplatoniciennes du Phédon » (art. cit. n. ), p. 60-63.

58 Sylvain Roux, « Rendre raison du corps : Plotin et le problème de la corporéité », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 100, 2016, p. 17-24.

59 Ibid., p. 12-17 ; A. Smith (op. cit. n. ), p. 30-33.

60 Sur la compatibilité entre la vie contemplative du philosophe et la vie incarnée, voir Porphyre, La vie de Plotin (éd. cit. n. ), 23, 27-28 (« Ces vers montrent donc ce qu’accomplissait Plotin et ce à quoi il parvenait quand il était encore revêtu de son corps »). Voir aussi A. Smith (op. cit. n. ), p. 26-35. Sur la douceur avec laquelle il faut traiter le corps pour Plotin, voir P. Hadot, Plotin ou la simplicité du regard, Paris, Gallimard, 1997, p. 127-163.

61 Sur le corps comme reflet de l’âme et le portrait comme reflet d’un reflet, voir Porphyre, La vie de Plotin (éd. cit. n. ), 1, 7-9. Sur le regard comme reflet de l’âme, voir Plotin, Traités (éd. cit. n. 29) : Énnéades II 3 (52) 7, 9.

62 Porphyre, La vie de Plotin (éd. cit. n. ), 13, 5-10.

63 Ibid., 2, 13-14.

64 Ibid., 11.

65 Jamblique (trad. cit. n. ), 71, 11-72, 1.

66 Eunape de Sardes (éd. cit. n. ), VI, 44.

67 Ibid., VII, 1-2.

68 Ibid., XXIII, 28.

69 Ce passage fait écho au refus de Plotin de laisser faire un portrait de lui, c’est-à-dire une image imparfaite du corps, lui-même image ou reflet de l’âme [Porphyre, La vie de Plotin (éd. cit. n. ), 1, 7-9].

70 Marinus (éd. cit. n. ), 3, 34-43.

71 La santé est définie par Pythagore comme harmonie ou amitié entre l’âme et le corps : Jamblique (trad. cit. n. ), 69, 131 et 229. Voir aussi Platon, Œuvres complètes (éd. cit. n. 9) : Timée, 88b-c.

72 Jamblique (trad. cit. n. ), 13 et 41.

73 Le soin du corps et de l’âme dépendent de nous : Ibid., 218.

74 Ibid., 64, 1-9. Pour le contexte platonicien, voir Platon, Œuvres complètes (éd. cit. n. 9) : Timée, 47a-e.

75 Ibid., 97, 11 - 98, 1. Sur les promenades de Chrysanthe, associées à des exercices intellectuels, voir Eunape de Sardes (éd. cit. n. ), XXIII, 31.

76 Jamblique (trad. cit. n. ), 97, 1-6.

77 Xavier Pavie, Exercices spirituels. Leçons de la philosophie antique, Paris, Les Belles Lettres, 2012, p. 123-126 ; id., Exercices spirituels. Leçons de la philosophie contemporaine, Paris, Les Belles Lettres, 2013, p. 165-171 ; Montserrat Camps-Gaset et Sergi Grau, « Philosophy for the Body, Food for the Mind », Coolabah, 5, 2011, p. 87-88. Sur les exercices d’accoutumance comme exercices spirituels profitables au corps et à l’âme, voir P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ? (op. cit. n. ), p. 289-291.

78 Jamblique (trad. cit. n. ), 244, 1-11 et 163-164. Les biographies d’Eunape de Sardes et de Damascius montrent aussi l’importance de la médecine, dont la pratique n’est pas incompatible avec le mode de vie philosophique : Eunape de Sardes (éd. cit. n. ), XXIII, 56 ; Damascius (éd. et trad. cit. n. 47), 84D (E122), 85D-E (E128-129 et F201) et 128 (F334, F335, F335α).

79 Jamblique (trad. cit. n. ), 163, 208, 244 et 264.

80 Ibid., 13, 1-7.

81 Ibid., 266. L’exemple d’Antonin est paradigmatique : Eunape de Sardes (éd. cit. n. ), VI, 118.

82 C’est le cas de Plotin [Porphyre, La vie de Plotin (éd. cit. n. ), 2, 1-23], de Proclus [Marinus (éd. cit. n. ), 26, 29-46 et 30, 12-21] et de Marinus, dont l’infirmité physique ne l’empêche pas de devenir philosophe, malgré les critiques de Damascius [Damascius (éd. et trad. cit. n. ), 97D-E, I, K et 98F (F241, E143, F244, E147 et E152)].

83 Damascius (éd. et trad. cit. n. ), 155 (F63).

84 Marinus (éd. cit. n. ), 3, 1-7.

85 Ibid., 3, 8-60.

86 P. Hadot, « Exercices spirituels » (art. cit. n. ), p. 19-74. Sur les pratiques physiques comme exercices spirituels, voir id., Qu’est-ce que la philosophie antique ? (op. cit. n. ), p. 21-22 et p. 289-291.

Pour citer ce document

Par Maël Goarzin, «Le corps du philosophe dans les biographies néoplatoniciennes : représentations du corps et exercices spirituels (iiie-ve siècles)», Annales de Janua [En ligne], n° 6, Les Annales, Antiquité, mis à jour le : 18/09/2019, URL : https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=1865.

Quelques mots à propos de :  Maël Goarzin

Statut : Doctorant à l’Université de Lausanne (Suisse) et à l’École Pratique des Hautes Études (France). - Laboratoire : Laboratoire d’Études sur les Monothéismes (LEM-CNRS, Villejuif) Directeurs de recherche : Alexandrine Schniewind et Philippe Hoffmann. - Titre de la thèse : Les éléments pratiques du mode de vie néoplatonicien dans les vies de philosophes de l’Antiquité tardive. - Thématiques de recherche : Antiquité tardive, Biographie, Éthique, Néoplatonisme, Plotin, Stoïcisme, Vie quotidien ...