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Dire la violence, taire ses auteurs : quelle représentation de la violence guerrière dans l’Ab Vrbe condita de Tite-Live ?
Par Marine Miquel
Publication en ligne le 11 avril 2018
Résumé
While the Ab urbe condita has become a canonical narrative of the history of Roman Republic, war violence appears at first as a relatively minor thematic in the Livian narrative. We will show that Livy gives us a representation of war violence proper to the Latin historiography, i.e. both a rhetoric narrative and a magistra vitae in which bellum justum prevents from considering war violence as a Roman process. We will at first offer a study on terminology, then an analysis of the most emblematic scenes of war violence in Livy so that we could understand better its ideological motives and rhetorical issues, which are strictly linked to the Roman conquest and the debates it could raise.
Devenu, dès son écriture, l’histoire canonique de la République romaine – temps de conquêtes et d’extension de l’empire romain – l’Ab Vrbe condita ne semble pas s’arrêter, au premier abord, sur la violence guerrière. Dans le présent article, nous entendons montrer que cette absence apparente s’accompagne néanmoins d’une réflexion à son sujet, réflexion qui s’inscrit dans le cadre spécifique de l’historiographie latine, histoire rhétorique et maîtresse de vie. Nous proposons donc une étude terminologique des différents termes employés dans l’Ab Vrbe condita pour renvoyer à cette violence ainsi qu’une analyse des scènes de combat emblématiques de son déchaînement, afin de mieux déterminer les enjeux rhétoriques et idéologiques de sa représentation, inévitablement liée, chez Tite-Live, à la conquête romaine et aux questionnements qu’elle induit.
Mots-Clés
Table des matières
Texte intégral
Introduction
1Ainsi que Françoise Héritier le souligne, définir la violence apparaît comme problématique :
Appelons violence toute contrainte de nature physique ou psychique susceptible d’entraîner la terreur, le déplacement, le malheur, la souffrance ou la mort d’un être animé ; tout acte d’intrusion qui a pour effet volontaire ou involontaire la dépossession d’autrui, le dommage ou la destruction d’objets inanimés […] L’idée centrale est celle de l’effraction tantôt du corps conçu comme un territoire clos, tantôt du territoire physique ou moral conçu comme un corps dépeçable1.
2À ce flou sémantique s’ajoute le poids mémoriel des violences du xxe siècle, qui a pu paralyser un temps les historiens ou écrivains s’attachant à en faire le récit2. Or, c’est justement par notre incapacité à appréhender pleinement une telle notion qu’un regard sur les textes de la Rome antique peut s’avérer heuristique, du fait même de l’écart chronologique et conceptuel qu’ils nous imposent3. La définition, proposée par Françoise Héritier, de la violence comme effraction du corps et du territoire est-elle la même que celle d’un Romain du ier siècle av. J.-C. et, plus particulièrement, ce Romain jette-t-il le même regard que nous sur la violence guerrière ? Il est difficile de répondre à cette question sans mener une étude terminologique qui nous permette de mieux comprendre les comportements ou les émotions que les Romains de la République attachent à la notion de violence. Nous nous proposons donc de mener ici cette analyse à partir de l’œuvre de Tite-Live, qui devient, dès sa parution, le récit canonique de l’histoire romaine pour les siècles à venir. Nous entendons montrer que Tite-Live propose une représentation de la violence guerrière qui répond aux enjeux spécifiques de l’historiographie latine, le conduisant à évoquer parfois la violence, tout en développant des stratégies d’écriture qui lui permettent de taire ses auteurs4. Nous mènerons en ce sens des études thématiques, lexicales et narratives, en nous efforçant d’embrasser la totalité de l’œuvre, même si cela, compte-tenu de l’ampleur du corpus, nous conduit à renoncer à une étude exhaustive. Nous proposerons d’abord une étude des termes employés renvoyant à la violence guerrière dans l’Ab Vrbe condita et tâcherons de mesurer quelle représentation ils construisent de la violence de l’acte guerrier. Nous poursuivrons cette analyse en nous intéressant à quelques scènes de combat emblématiques d’un déchaînement de la violence guerrière, afin d’en déterminer les enjeux narratifs et idéologiques. Nous mettrons ensuite en évidence les moyens par lesquels l’historien détaille les manifestations de cette violence consécutive à la conquête romaine, tout en développant des stratégies d’écriture qui lui permettent de taire la responsabilité de ses auteurs.
La violence en contexte guerrier : étude terminologique
3Le terme uis renvoie communément à la force en action, en particulier la « force exercée contre quelqu’un, uim afferre alicui, […], d’où “violence” (sens ancien) »5. Le terme donne naissance à de nombreux dérivés – uiolatus, uilenter, uiolens, uiolentia, uiolare – qui sont omniprésents dans le texte livien et inscrivent, dès le récit des origines de Rome, la mise à distance de la violence. Ainsi, l’épisode fondateur que constitue l’enlèvement des Sabines et des femmes des autres peuples voisins de Rome, afin d’assurer à la population mâle de Rome une descendance – événement violent qui ne manque pas de choquer nos regards contemporains –, est présenté comme une opération militaire parfaitement encadrée et maîtrisée. La violence est effacée, dans l’écriture même, par la mise en place d'une scénographie contrôlée et par l’insistance sur la stricte régulation du processus de répartition des femmes : « et comme tout le monde demandait à qui ils la conduisaient, ils ne cessaient de crier, pour prévenir toute violence : “À Thalassius” » (multisque sciscitantibus cuinam eam ferrent, identidem ne quis uiolaret, « Thalassio » ferri clamitatum)6.
4L’étiologie du cri qui accompagne le mariage romain permet de souligner le refus de la violence aussi bien que l’instauration d’une hiérarchie sociale7. Dans l’histoire de la Rome archaïque, qui pose les bases de la future Rome, il n’y a pas de place pour les manifestations de la violence guerrière8.
5L’établissement de la société romaine est d’ailleurs caractérisé par le passage de l’usage de la violence à l’instauration de la paix intérieure et extérieure9. Fidèle au principe du bellum iustum, Tite-Live n’envisage pas que Rome puisse, dans un conflit, être l’agresseur qui use de la force, au mépris des accords passés10. Ainsi, les nombreuses guerres qui jalonnent l’histoire de Rome sont toujours présentées, par la suite, comme résultant de la volonté des peuples adverses, et non de celle de l’Vrbs elle-même. Dans ce cadre, les soldats romains et leurs généraux peuvent faire usage de la force, mais ils en usent avec stratégie, à l’exemple du légat envoyé en Illyrie qui commande à ses troupes de prendre la place-forte de Cérémia, mais en leur enjoignant d’éviter toute violence, pour mieux montrer aux cités voisines la clémence dont Rome peut faire preuve11. En cela, Tite-Live est bien représentatif des écrivains de l’âge augustéen pour qui la complémentarité de la uirtus dont fait preuve le général sur le champ de bataille et de la clementia qu’il offre aux peuples ennemis rend plus rapide la soumission des adversaires12.
6Dans l’Ab Vrbe condita, les manifestations de la violence accompagnent souvent le récit de pillages ou de dévastation d’un territoire. Elles sont ainsi exprimées par les verbes uastare, « dévaster », populare, « ravager », diripere, « piller » et sont en général associés au massacre des habitants, caedes. Il s’agit d’opérations qui sont perçues comme des temps nécessaires précédant ou rythmant une guerre. Elles répondent à des buts principalement tactiques et sont pratiquées avec maîtrise et discernement13. Ainsi, les légionnaires menés par Scipion procèdent à des assauts contrôlés contre les villes ennemies et s’abstiennent de piller et de massacrer les habitants d’Orongis, « à l’exception de ceux qui se défendaient les armes à la main » (direptione et caede obuiorum, nisi qui armis se tuebantur, abstinuerunt)14. C’est seulement lorsqu’ils s’exercent contre des peuples avec qui Rome a conclu des traités que ces pillages sont remis en cause, puisqu’ils rompent avec la fides attachée aux serments. L’expédition du consul C. Cassius à travers l’Illyrie, en 169 av. J.-C., est par exemple dépeinte, par les ambassadeurs des peuples alpins puis illyriens, comme un itinéraire ouvert à la violence gratuite15.
7Toutefois, la violence n’est pas uniquement décrite de façon factuelle. En effet, le récit s’arrête souvent sur la description de sa manifestation émotionnelle, adjoignant aux protagonistes les qualificatifs furiosus, impotens, saeuus, crudelis. Ce déchaînement d’une férocité irrépressible est souvent la prérogative du jeune guerrier, mais aussi du mauvais magistrat, qui rejoint en cela le portrait classique du tyran ou du roi, qui sont caractérisés par l’impotentia16. Parce qu’elle marque le surgissement de passions individuelles ou d’un pouvoir personnel, la cruauté qui s’empare des guerriers apparaît alors comme une menace pour la survie de la cité. Cette violence émotionnelle est souvent associée à d’autres termes et expressions à valeur péjorative tels que perfidia, « perfidie », inhumana superbia, « orgueil barbare », auarus, « cupide ». Comme la violence plus proprement physique, elle est présentée comme une manifestation inédite ou témoignant d’une anomalie, puisqu’elle est identifiée à une caractéristique propre au non-Romain, le barbarus17. Par l’emploi de ces termes, il ne s’agit pas seulement de disqualifier des adversaires dans un contexte polémique, mais aussi d’évacuer l’accusation de violence qui pourrait être portée contre Rome et contre ses préteurs.
8Il existe un cas, toutefois, où le déchaînement de violence est présenté comme le résultat d’un froid constat : lorsque l’ennemi en armes représente une menace et doit donc être exterminé. L’historien commente, dans ces cas, la réaction nécessaire et contrôlée qui amène des généraux comme Hannibal lui-même, lors de la prise de Sagonte, à déchaîner la violence de leurs troupes : « Ordre cruel, mais presque inévitable, comme la suite le montra bien » (Quod imperium crudele, ceterum prope necessarium cognitum ipso euentu est)18.
9Or, comme le souligne Paul Jal, dans un passage situé plus loin (XXIV, 42, 10), où sont évoqués les habitants qui ont échappé au massacre, il semblerait en fin de compte que tous les Sagontins n’aient pas été tués lors de l’assaut19. Il ne s’agit sans doute pas là d’une incohérence de Tite-Live ; l’évocation d’une cruelle tuerie est pour lui l’occasion de mettre en avant les lois qui prévalent au combat. En perpétrant un massacre, les soldats, qu’ils soient puniques ou romains, ne font en effet que se plier aux lois de la guerre, le ius belli. Si, bien sûr, le citoyen romain doit rechercher la clémence, son opposé, la cruauté, crudelitas, n’est pas non plus à bannir en toutes circonstances20.
10La violence se lit aussi dans les réactions de ceux contre qui elle est exercée. Elle est en général rattachée à la dernière phase du déroulement d’une bataille victorieuse, lorsque l’ennemi vaincu renonce à l’affrontement et prend la fuite dans un désordre sans nom. Cette violence exercée contre les rangs ennemis apparaît positivement et fait l’objet de peu de développements narratifs. Elle ne se teinte d’une connotation négative que lorsqu’elle est déportée hors du champ de bataille, dans les villes assiégées. Ainsi, Tite-Live ne dissimule pas le malaise que lui cause la prise de la cité sicilienne d’Henna par le préfet de garnison Pisarius, en 213 av. J.-C., lorsqu’il décrit les corps qui s’écroulent les uns sur la tête des autres, ceux qui étaient indemnes tombant sur les blessés, les vivants sur les morts : « C’est ainsi qu’Henna, à la suite d’un acte soit criminel, soit nécessaire, fut conservée »21. Ce n’est pas seulement ici le caractère sacré de la ville d’Henna, où est abrité un sanctuaire de Déméter, qui pose problème, mais le procédé de massacre systématique d’une population civile, alors que les récits présentent en général seulement les destructions de bâtiments22.
11Tout aussi inhabituelle s’avère, dans le récit livien, l’évocation du sang. Elle peut relever parfois de la figure rhétorique de l’hypotypose, lorsqu’elle est employée par un général dans le discours d’exhortation qu’il adresse à ses troupes avant la bataille – comme c’est le cas lorsque le proconsul Fulvius Flaccus, menant ses troupes contre les Celtibères, leur promet d’emporter à Rome des « glaives tout sanglants du récent massacre et des dépouilles ruisselantes de sang » (cruentos ex recenti caede hostium gladios et manantia sanguine spolia)23. Elle est également insérée dans une narration qui semble guidée par une curiosité ethnographique, lorsque Tite-Live rapporte le combat opposant Romains et Celtibères, à l’issue d’une longue digression consacrée à l’histoire de l’installation de ces peuples en Asie Mineure24. Il s’agit d’une description peu commune chez Tite-Live. En effet, l’historien s’attarde rarement sur le détail des corps éventrés ou sur la couleur du sang répandu, comme il le fait ici. La description n’est dès lors que plus frappante – mais aussi intrigante, parce qu’inhabituelle – pour son auditoire ou son lectorat. Pareillement, lorsqu’il relate les suicides de masse des habitants de Sagonte, d’Iliturgi ou d’Astapa, Tite-Live rapporte avec fascination le comportement effroyable des Celtibères qui, pris au piège, s’entretuent comme des bêtes féroces25.
12Dans le récit livien, la violence en contexte guerrier fait donc l’objet d’un riche champ lexical qui permet de renvoyer à tous les aspects de l’effraction des corps et des territoires – pour reprendre la définition formulée par Françoise Héritier – dans ses dimensions factuelles ou émotionnelles. Ses manifestations sont rapportées comme autant de pauses ou d’aboutissements au sein des rythmes de la conquête et si des fois elles semblent même faire l’objet d’un blâme, elles sont toujours considérées comme des processus nécessaires, inhérents à la conduite des guerres. Il reste cependant que le texte livien leur confère parfois un statut particulier, s’interrogeant sur un déchaînement de force ou de cruauté qui n’est pas réductible à une explication tactique ni politique et qu’il convient d’étudier plus en détail26.
Quelques scènes de combat emblématiques d’un déchaînement de la violence guerrière : enjeux narratifs et idéologiques
13Les manifestations de la violence qui peuvent sembler problématiques dans le récit livien sont, à notre avis, de deux types : la scène de certaines fuites des ennemis à l’issue des batailles remportées par les Romains, et les épisodes de combats singuliers.
14Les premières répondent à un impératif stratégique majeur. En effet, ainsi que le souligne Xavier Lapray, la plupart des affrontements sont constitués de longues phases d’attente durant lesquelles s’opposent seulement quelques combattants ; le corps-à-corps ne devient général que lorsque l’un des camps l’emporte27. Comment Tite-Live évoque-t-il ce moment de massacre ? À la lueur d’une étude de ces scènes, nous souhaiterions montrer que sa description de la fuga puis de la caedes ne répond pas qu’à la présentation d’une stratégie militaire, mais aussi à des critères d’écriture propres au genre historiographique. Histoire rhétorique, l’Ab Vrbe condita représente la violence suivant des topoi et une exigence de mise en scène ; magistra uitae, maîtresse de vie, l’histoire livienne inscrit la violence individuelle dans le cadre collectif et semble effacer la violence exercée par l’armée romaine, censée agir dans le cadre du bellum iustum28.
15Les scènes de caedes sont rarement développées dans l’Ab Vrbe condita. Elles sont évoquées rapidement, sans faire l’objet d’une représentation détaillée, puis sont conclues par la mention du nombre de morts. Certains passages, cependant, tranchent avec ce schéma narratif habituel. Ainsi, la représentation de la bataille du Métaure, en 207 av. J.-C., qui symbolise dans le récit livien la revanche de la bataille de Cannes, est emblématique d’une telle écriture :
outre qu’une grande partie d’entre eux, en effet, avait quitté les enseignes, s’étant échappés de nuit et couchés ça et là dans la campagne pour dormir, ceux qui étaient présents, épuisés par les marches et les veilles, physiquement incapables de tout effort, pouvaient à peine porter leurs armes sur leurs épaules ; en outre, l’on était déjà à la mi-journée, et soif et chaleur suffisaient à les offrir en masse, bouche ouverte, au massacre et à la capture.
(nam et pars magna ab signis aberant nocte dilapsi stratique somno passim per agros, et qui aderant itinere ac uigiliis fessi, intolerantissima laboris corpora, uix arma umeris gerebant ; et iam diei medium erat, sitisque et calor hiantes caedendos capiendosque adfatim praebebat)29.
16Le massacre des vaincus, qualifié d’horrible, atrox, apparaît comme proportionnel à l’ampleur du combat qui s’est engagé. Tout l’espace est saturé par la tuerie, et le carnage semble se déplacer à travers la bataille, pour trouver son paroxysme dans une scène particulièrement frappante, préparée par une description pathétique de l’épuisement des Gaulois : l’attente de la mort, la bouche ouverte. De même, au livre XXXI, alors qu’un nouveau pan de l’histoire romaine commence – les guerres de la Macédoine – le récit propose une véritable ekphrasis de cadavres, à travers le regard jeté par les Macédoniens sur les soldats tués par les Romains au cours d’une escarmouche « ces cadavres mis en pièces par l’épée espagnole, ces bras coupés avec leur épaule, ces têtes séparées du corps le cou complètement tranché, ces entrailles à nu, et l’aspect horrible d’autres blessures encore » (detruncata corpora bracchiis cum humero abscisis aut tota ceruice desecta diuisa a corpore capita patentiaque uiscera et foeditatem aliam uolnerum)30. Au lieu de leur insuffler de la colère, le spectacle des corps meurtris provoque de la peur chez les soldats de Philippe. En revanche, il est fort possible que le public livien retire une certaine fierté face à cette représentation des spolia, « dépouilles », sous forme d’hypotypose. Il ne semble pas y avoir ici une quelconque connotation de cruauté, puisque le passage suivant permet – avec la présentation du camp romain, qui suscite par son ordonnancement rigoureux l’admiration de Pyrrhus – de placer Rome du côté de la non-barbarie31. Les Romains y apparaissent comme le peuple de la guerre, qui en maîtrise à ce titre les armes et les techniques32.
17La violence en contexte guerrier est également représentée dans les scènes de combat singulier ; elle y prend alors, à chaque fois, toute sa place. L’interprétation de ces duels a fait l'objet de débats importants : si certains critiques les ont interprétés comme des résurgences de pratiques archaïques mettant en avant le rôle de la jeunesse dans la sauvegarde de la cité, la continuité de ce phénomène durant toute l’histoire de la conquête romaine a été soulignée et il a été montré combien leur récit met en jeu tant la compétition aristocratique structurant la société romaine que le rôle joué par les dieux33. Or, chacune de ces scènes apparaît, chez Tite-Live, comme un épisode proposé au regard du public romain – dans le récit mais aussi parmi l’auditoire – afin d’ancrer dans sa mémoire le rôle que chacun doit jouer pour la sauvegarde de la cité34. Dans ces passages, la violence y fait donc moins figure de survivance archaïque ou mythique que d’élément structurant d’un spectacle. La dimension visuelle est en effet, à chaque fois, omniprésente35. La violence guerrière est dès lors médiatisée, pour proposer une vision épique propre à galvaniser les troupes et à illustrer d’une manière frappante la grandeur de Rome. Elle est également très encadrée et contrôlée : le jeune Romain laisse intact le corps du Gaulois ; il agit sous le commandement de son supérieur, le dictateur36. L’histoire est bien ici magistra uitae, puisqu’elle enseigne aux Romains comment inscrire la violence individuelle de l’épopée dans le cadre collectif. Ainsi, le récit historique propose-t-il une vision complexe de la violence guerrière, l’insérant dans la vie civique.
Violence guerrière, (ir)responsabilité romaine et vision de l’autre
18La violence guerrière est donc une thématique centrale dans l’historiographie de la conquête romaine, tant du point de vue référentiel que symbolique, et paraît globalement chargée de connotations positives. Toutefois, il convient de remarquer que les scènes qui détaillent la caedes ne désignent jamais véritablement les Romains comme les responsables directs de ses manifestations. Le plus souvent, ce sont les ennemis eux-mêmes qui se donnent la mort ou se retrouvent enfermés dans un paysage devenu soudainement piège. Dans le texte qui canonise la tradition républicaine sur l’histoire de Rome, la plus grande force des Romains est de procéder au massacre des peuples adverses sans leur donner en personne le coup de grâce. Ainsi, la plupart de ces scènes ne représentent pas la caedes en elle-même, mais plutôt une fuite éperdue des ennemis qui les mène à la mort. Dès le livre IV, la guerre contre Véies et Fidènes en est un exemple frappant : pris à revers par le légat Quinctius, pressés par l’armée menée par le dictateur Mamercus Aemilius, les soldats véiens se font engloutir par les flots du Tibre ; d’autres succombent à la peur37. Nous avons déjà souligné comment, à la fin de la bataille du Métaure, au livre XXVII, la soif et la fatigue semblaient offrir les soldats puniques au glaive romain, telles des victimes expiatoires. La même conception de massacres perpétrés par la nature ou par les circonstances, davantage que par les Romains eux-mêmes, se trouve également à l’occasion de la bataille contre les Galates, au livre XXXVIII38. Ici encore, la nature prend une place prépondérante, expliquant la déroute des ennemis que la peur précipite du haut des reliefs, tandis que les forêts cachent d’autres cadavres. La responsabilité romaine y est escamotée au profit de la mise en avant d’une fatalité qui pousse les adversaires de Rome à perdre la raison sous l’effet de la peur et à tomber, victimes de la nature. Les Macédoniens qui périssent en masse lors de la bataille de Pydna sont de même, pour une part, piétinés par leurs propres éléphants39. Se mêlent sans doute ici autant la volonté de montrer l’inéluctabilité de la victoire du peuple romain – qui bénéficie d’une nature complice et dont les dieux, en particulier la déesse Fortune, garantissent la victoire – qu’un procédé de mise à distance de la responsabilité du massacre40. Le regard de l’historien ne nous présente pas les soldats romains occupés à massacrer un à un leurs adversaires, mais préfère s’arrêter sur les morts indirectes, dues au manque de maîtrise que les vaincus auraient sur eux-mêmes, voire à la folie furieuse qui s’empare d’eux et les conduit à s’entretuer comme des bêtes sauvages. Précisons qu’il s’agit à chaque fois de récits de batailles jouant un rôle-clé dans l’histoire romaine ; si la loi du combat veut parfois que les ennemis soient exterminés, la gêne de Tite-Live mentionnée plus haut témoigne à nos yeux d’un souci de préserver la renommée de Rome. Or, cette dernière repose, en grande partie, sur la clémence. Ainsi, dans ces passages, l’historien nous semble proposer une échappatoire, évitant de mettre directement en avant la responsabilité de Rome dans les massacres qui achèvent des combats majeurs et marquent la fin de guerres.
19L’historien use également d’un autre procédé : celui de l’anecdote à caractère étiologique ou ethnographique. Il nous livre ainsi, lors de la bataille du Métaure, le procédé par lequel les cornacs carthaginois achèvent leurs propres éléphants, en une description qui a impressionné la postérité41. L’histoire romaine emprunte ici brièvement la forme du récit de vie des grands capitaines. Il semble que, jusque dans l’écriture, la formule philosophique « rien de trop » impose sa loi. De même que, lors du combat, la retenue finit par l’emporter, les soldats romains étant arrêtés par la satiété procurée par le massacre, l’historien préfère ne pas détailler la tuerie et propose à son public, au cœur du récit de scènes de bataille, des variations de nature encyclopédique ou axiologique propres à aiguiser sa curiosité ou son admiration. Le seul moment où il s’arrête sur le détail des corps et des chairs sanglantes relève d’ailleurs de l’écriture ethnographique : l’historien y étudie avec curiosité le comportement des Galates42. La violence guerrière est alors bien sûr présente en contrepoint, mais l’écriture historiographique préfère offrir de tout autre développement, suivant l’objectif d’un récit qui entend rapporter la conquête du monde et en proposer la maîtrise à ses lecteurs.
Conclusion
20Parce qu’elle marque la toute-puissance romaine et la terreur insufflée à l’ennemi, la protection divine et la prudence des généraux, parce qu’elle permet de renforcer la cohésion de la société romaine en lui donnant le spectacle de la uirtus des guerriers Romains, la violence guerrière s’impose comme une thématique nécessaire du récit livien et s’y pare de connotations positives43. En cela, l’écriture de l’histoire est bien dissemblable de celle d’un poète comme Virgile qui place cette violence au cœur même de l’action et clôt l’Énéide par une scène frappante où le héros, aveuglé par la colère et l’esprit de vengeance, achève, bouillant de rage, feruidus, son ennemi à terre, renvoyant à l’image d’une fondation qui n’exclut pas la violence44. En revanche, dans l’Ab Vrbe condita, la représentation de la violence guerrière est orientée par les caractéristiques propres à l’historiographie latine et répond à l’intérêt de son public. L’historien fournit des leçons édifiantes à son auditoire, en lui proposant des épisodes exemplaires agencés suivant des schémas narratifs assez immuables. Parfois, il choisit de s’arrêter sur des descriptions ethnographiques ou étiologiques, ou de proposer des ekphraseis frappantes qui sont autant de matière à assouvir la curiosité du public livien, avide de connaître les terres et les peuples conquis. L’historien peut ainsi taire, à des moments narratifs clés, la violence exercée par les Romains, évitant d’écorner la clementia populi Romani, qu’il place par ailleurs, dans la lignée de Cicéron, au centre du maintien d’une domination romaine pacifique sur les autres peuples45. En cela, il apparaît que Tite-Live se refuse à toute représentation de la cruauté et, corrélativement, à nier à l’autre son statut d’humain. Il semble ainsi considérer l’ennemi avec une curiosité non dénuée d’étonnement, lorsqu’il observe l’effet que la peur ou l’encerclement provoquent chez lui, le conduisant à agir, dans sa folie, comme un animal. Le souvenir des guerres civiles dans lesquelles les Romains s’entretuèrent n’est probablement pas loin46.
Bibliographie
Sources
21Ciceron, Discours, Tome I, Pour Roscius d’Amérie, éd. Jules Humbert et trad. Henri de La Ville De Mirmont, Paris, Les Belles Lettres, 1921.
22Orose, Histoires, Tome II, Livres IV-VI, éd. et trad. Marie-Pierre Arnaud-Lindet, Paris, Les Belles Lettres, 1991.
23Tite-Live, Histoire romaine, Tome I, Livre I, éd. Jean Bayet et trad. Gaston Baillet, Paris, Les Belles Lettres, 1940.
24Tite-Live, Histoire romaine, Tome IV, Livre IV, éd. Jean Bayet et trad. Gaston Baillet, Paris, Les Belles Lettres, 1946.
25Tite-Live, Histoire romaine, Tome VII, Livre VII, éd. Jean Bayet et trad. Raymond Bloch, Paris, Les Belles Lettres, 1969.
26Tite-Live, La conquête de l’Italie, Histoire romaine, Livres VI à X, trad. Annette Flobert, Paris, Flammarion, 1996.
27Tite-Live, Histoire romaine, Tome XI, Livre XXI, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1988.
28Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXII, éd. Georges Vallet, Paris, Érasme, 1966.
29Tite-Live, Histoire romaine, Tome XIV, Livre XXIV, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 2005.
30Tite-Live, Histoire romaine, Tome XVI, Livre XXVI, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1983.
31Tite-Live, Histoire romaine, Tome XVII, Livre XXVII, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1998.
32Tite-Live, Histoire romaine, Tome XVIII, Livre XXVIII, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1995.
33Tite-Live, Histoire romaine, Tome XXI, Livre XXXI, éd. et trad. Alain Hus, Paris, Les Belles Lettres, 1977.
34Tite-Live, Histoire romaine, Tome XXVIII, Livre XXXVIII, éd. et trad. Richard Adam, Paris, Les Belles Lettres, 1982.
35Tite-Live, Histoire romaine, Tome XXX, Livres XL, éd. et trad. Christian Gouillart, Paris, Les Belles Lettres, 1986.
36Tite-Live, Histoire romaine, Tome XXXII, Livre XLIII-XLIV, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1976.
37Virgile, Énéide, Tome III, Livres IX-XII, éd. et trad. Jacques Perret, Paris, Les Belles Lettres, 1980.
38Zonaras, Epitome historiarum, Tome II, éd. et trad. Ludwig August Dindorf, Leipzig, Teubner, 1869.
Études
39Nathalie Barrandon, Les massacres de la République romaine, Paris, Fayard, 2018.
40Dominique Briquel, « La tradition sur l’emprunt d’ares samnites par Rome », dans Guerre et sociétés en Italie. ve-ive siècles av. J.-C., dir. A.-M. Adam et A. Rouveret, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 1988, p. 75-89.
41Jacqueline Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain. II. Les transformations de la Fortune sous la République, Rome, École française de Rome, 1987.
42Angelos Chaniotis, « Approaching emotions in Greek and Roman history and culture », dans Unveiling Emotions II, dir. A. Chaniotis, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2013, p. 9-14.
43Yves-Albert Dauge, Le Barbare, recherches sur la conception romaine de la barbarie et de la civilisation, Bruxelles, Latomus, 1981, p. 379-676.
44John Roger Dunkle, « The Greek Tyrant and Roman Political Invective of the Late Republic », dans TaphA, 98, 1967, p. 151-171.
45Andrew Feldherr, Spectacle and society in Livy’s “History”, Berkeley, University of California Press, 1998.
46Jean-Louis Ferrary, « Ius fetiale et diplomatie », dans Les Relations internationales (Actes du Colloque de Strasbourg, 15-17 juin 1993), dir. E. Frezouls et A. Jacquemin, Paris, De Boccard, 1995, p. 411-432.
47Guillaume Flamerie de Lachapelle, Clementia. Recherches sur la notion de clémence à Rome, du début du ier siècle a.C. à la mort d’Auguste, Bordeaux, Ausonius, 2011.
48Guillaume Flamerie de Lachapelle, « Conclusion », dans Corps au supplice et violence de guerre dans l’Antiquité, dir. A. Allély, Bordeaux, Ausonius, 2014, p. 188-189.
49Raphaëlle Guidée, « L’écriture contemporaine de la violence extrême : à propos d’un malentendu entre littérature et historiographie », dans Fabula / Les colloques, Littérature et histoire en débats, 2013. En ligne http://www.fabula.org/colloques/document2086.php
50[consulté le 21 mars 2019].
51Françoise Héritier, De la violence, Paris, Odile Jacob, 1996.
52Xavier Lapray, « Les violences corporelles dans les batailles rangées. L’exemple romain », dans Corps au supplice et violences de guerre dans l’Antiquité, dir. A. Allély, Bordeaux, Ausonius, 2014, p. 137-150.
53Jean-Pierre Néraudau, « L’exploit de Titus Manlius Torquatus », (Tite-Live, VI, 9, 6-10) (réflexion sur la “iuuentus” archaïque chez Tite-Live »), dans Italie préromaine et la Rome républicaine I, mélanges offerts à Jacques Heurgon, Rome, Publications de l’École française de Rome, 27, 1976, p. 685-694.
54Stephen P. Oakley, « Single Combat in the Roman Republic », dans The Classical Quarterly, 35, 1985, p. 392-410.
55Judith Rohman, « Stratégies narratives dans l’Énéide de Virgile : le statut du personnage dans l’épopée latine », thèse de doctorat, Paris IV Sorbonne, 2013 [thèse non publiée].
56Anthony John Woodman, Rhetoric in Classical Historiography. Four Studies, Londres et Sydney, Areopagitica Press, 1988.
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57Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, par Alfred Ernout et Antoine Meillet, Paris, Klincksieck, 1959.
Documents annexes
Notes
1 Françoise Héritier, De la violence, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 13-19.
2 Voir Raphaëlle Guidee, « L’écriture contemporaine de la violence extrême : à propos d’un malentendu entre littérature et historiographie », dans Fabula / Les colloques, Littérature et histoire en débats, 2013. En ligne http://www.fabula.org/colloques/document2086.php [consulté le 21 mars 2019].
3 Voir, par exemple, sur les émotions, Angelos Chaniotis, « Approaching emotions in Greek and Roman history and culture », dans Unveiling Emotions II, dir. A. Chaniotis, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2013, p. 9-14.
4 Notre étude s’arrêtera uniquement sur les représentations portées par le texte livien et non sur la réalité de ces violences et de leur impact, question qui a fait l’objet d’un article de Xavier Lapray, « Les violences corporelles dans les batailles rangées. L’exemple romain », dans Corps au supplice et violences de guerre dans l’Antiquité, dir. A. Allély, Bordeaux, Ausonius, 2014, p. 137-149, en part. p. 137-144.
5 « Vis », Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, par Alfred Ernout et Antoine Meillet, Paris, Klincksieck, 1959, p. 740.
6 Tite-Live, Histoire romaine, Tome I, Livre I, éd. Jean Bayet et trad. Gaston Baillet, Paris, Les Belles Lettres, 1940, 9, 11.
7 Tite-Live, Histoire romaine, Livre I (éd. et trad. cit. n. 6), 9, 11 : « quelques-unes, plus belles que les autres, étaient réservées aux principaux Pères, et des plébéiens chargés de ce soin les leur amenaient chez eux » (quasdam forma excellentes, primoribus patrum destinatas, ex plebe homines quibus datum negotium erat domos deferebant).
8 Le fratricide originel qui scelle la fondation fait d’ailleurs l’objet d’une transposition : à la tradition qui rapporte un conflit entre les partisans de chacun des frères, Tite-Live en préfère une autre, qu’il qualifie de plus répandue, où le meurtre relève davantage du jeu fraternel qui aurait mal tourné : Tite-Live, Histoire romaine, Livre I (éd. et trad. cit. n. 6), 7, 11.
9 Tite-Live, Histoire romaine, Livre I (éd. et trad. cit. n. 6), 21, 1-2.
10 Sur le iustum bellum, voir entre autre Jean-Louis Ferrary « Ius fetiale et diplomatie », dans Les Relations internationales (Actes du Colloque de Strasbourg, 15-17 juin 1993), dir. E. Frezouls et A. Jacquemin, Paris, De Boccard, 1995, p. 411-432.
11 Tite-Live, Histoire romaine, Tome XXXII, Livre XLIII-XLIV, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1976, XLIII, 1, 2 : « Il contraignit par la force des armes Cérémia à se rendre ; il laissa tous leurs biens à ses habitants, pour que le bruit de sa clémence lui attirât ceux qui habitaient Carnonte, ville fortifiée » (Ceremiam ui atque armis coegit in deditionem ; omniaque iis sua concessit, ut opinione clementiae eos, qui Carnuntem, munitam urbem, incolebant, adliceret).
12 Guillaume Flamerie de Lachapelle, Clementia. Recherches sur la notion de clémence à Rome, du début du ier siècle a.C. à la mort d’Auguste, Bordeaux, Ausonius, 2011, p. 126-127.
13 Ils sont considérés comme une activité parallèle à la guerre, davantage semblable au brigandage : voir Tite-Live, Histoire romaine, Tome XXVIII, Livre XXXVIII, éd. et trad. Richard Adam, Paris, Les Belles Lettres, 1982, 32, 1- 2, pour évoquer la guerre menée contre Sparte par les Achéens, sous le commandement de Philopoemen.
14 Tite-Live, Histoire romaine, Tome XVIII, Livre XXVIII, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1995, 3, 14.
15 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XLIII-XLIV (éd. et trad. cit. n. 11), XLIII, 5, 1-2.
16 L’impotentia, qui caractérise, notamment chez Tite-Live, des figures étrangères est utilisée pour qualifier Scipion, au livre XXXVIII, 56, 11 (voir éd. et trad. cit. n. 13). Sur la figure du tyran, voir John Roger Dunkle, « The Greek Tyrant and Roman Political Invective of the Late Republic », dans TaphA, 98, 1967, p. 151-171.
17 Tite-Live, Histoire romaine, Tome XI, Livre XXI, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1988, 57, 14 ; Id., Histoire romaine, Tome XIV, Livre XXIV, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 2005, 5, 5 ; Id., Histoire romaine, Tome XXI, Livre XXXI, éd. et trad. Alain Hus, Paris, Les Belles Lettres, 1977, 31, 17 pour inhumana superbia ; Id., Histoire romaine, Livre XXII, éd. Georges Vallet, Paris, Erasme, 1966, 50, 6 et 59, 14 ; XXIV, 32, 1 et 45, 12 ; Id., Histoire romaine, Tome XVI, Livre XXVI, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1991, 38, 3 pour auarus ; Id., Histoire romaine, Livre XXVIII (éd. cit. n. 14), 19, 6, pour perfidia. Voir Yves-Albert Dauge, Le Barbare, recherches sur la conception romaine de la barbarie et de la civilisation, Bruxelles, Latomus, 1981, p. 379-676. La cruauté inhumaine, inhumana crudelitas, est ainsi un élément attendu du portrait de l’ennemi emblématique de Rome, Hannibal, en XXI, 4,9.
18 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXI (éd. et trad. cit. n. 17), 14, 2.
19 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXIV (éd. et trad. cit. n. 17), p. 91, note 2.
20 Guillaume Flamerie de Lachapelle (op. cit., n. 12), p. 172.
21 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXIV (éd. et trad. cit. n. 17), 39, 3-7 : C’est ainsi qu’Henna, à la suite d’un acte soit criminel, soit nécessaire, fut conservée (Ita Henna aut malo aut necessario facinore retenta).
22 Tite-Live, Histoire romaine, Livre I (éd. et trad. cit. n. 6), 29, 2, pour le récit de la destruction d’Albe.
23 Tite-Live, Histoire romaine, Tome XXX, Livres XL, éd. et trad. Christian Gouillart, Paris, Les Belles Lettres, 1986, 39, 9.
24 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXXVIII, (éd. et trad. cit. n. 13), 21, 9 : « et la blancheur du corps était plus souillée par le sang noir » (et candor corporum magis sanguine atro maculabatur).
25 Pour Sagonte, voir Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXI, (éd. et trad. cit. n. 17) 21, 6-15 ; pour Iliturgi, Id., Histoire romaine, Livre XXXVIII, (éd. et trad. cit. n. 13), 19- 20 ; et pour Astapa, Ibid., 22-23.
26 Et cela indépendamment de la différence de statut distinguant les alliés des étrangers considérés comme « barbares » : Xavier Lapray souligne qu’à Rome, « l’appréciation éthique de la violence dépendait davantage du statut juridique de ses auteurs ou de ses victimes que des modalités d’application de la souffrance et de la mort ». Voir Xavier Lapray (op. cit., n. 3), p. 144.
27 Ibid, p. 144.
28 Anthony John Woodman, Rhetoric in Classical Historiography. Four Studies, Londres et Sydney, Areopagitica Press, 1988 ; Andrew Feldherr, Spectacle and society in Livy’s “History”, Berkeley, University of California Press, 1998.
29 Tite-Live, Histoire romaine, Tome XVII, Livre XXVII, éd. et trad. Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres, 1998, 48, 9-17.
30 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXXI (éd. et trad. cit. n. 17), 34, 4-5.
31 Ibid., 34, 7-8.
32 Nous retrouvons ici la thématique topique de l’aptitude romaine à s’approprier les capacités techniques des autres peuples afin de s’imposer comme le meilleur des peuples. Voir Dominique Briquel, « La tradition sur l’emprunt d’armes samnites par Rome », dans Guerre et sociétés en Italie. ve-ive siècles av. J.-C., dir. A.-M. Adam et A. Rouveret, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 1988, p. 75-89.
33 Jean-Pierre Néraudau, « L’exploit de Titus Manlius Torquatus », (Tite-Live, VI, 9, 6-10) (réflexion sur la “iuuentus” archaïque chez Tite-Live »), dans Italie préromaine et la Rome républicaine I, mélanges offerts à Jacques Heurgon, Rome, Publications de l’École française de Rome, 27, 1976, p. 685-694 ; Stephen P. Oakley, « Single Combat in the Roman Republic », dans Classical Quarterly, 35, 1985, p. 392-410.
34 Andrew Feldherr (op. cit., n. 28).
35 Tite-Live, Histoire romaine, Tome VII, Livre VII, éd. Jean Bayet et trad. Raymond Bloch, Paris, Les Belles Lettres, 1969, 10, 6-10.
36 Tite-Live, Histoire romaine, Livre VII (éd. et trad. cit. n. 35), 10, 2-4 et 14.
37 Tite-Live, Histoire romaine, Tome IV, Livre IV, éd. Jean Bayet et trad. Gaston Baillet, Paris, Les Belles Lettres, 1946, 33, 11.
38 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXXVIII (éd. et trad. cit. n. 13), 23, 6.
39 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XLIII-XLIV (éd. et trad. cit. n. 11), XLIV, 42, 3-7.
40 Voir Jacqueline Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain. II. Les transformations de la Fortune sous la République, Rome, École française de Rome, 1987.
41 Paul Jal indique qu’Orose et Zonaras reprennent ce passage : respectivement Orose, Histoires, Tome II, Livres IV-VI, éd. et trad. Marie-Pierre Arnaud-Lindet, Paris, Les Belles Lettres, 1991, IV, 18, 12 et Zonaras, Epitome historiarum, Tome II, éd. et trad. Ludwig August Dindorf, Leipzig, Teubner, 1869, IX, 9. Voir Paul Jal, Histoire romaine, Livre XXVII, 49, 1-5, p. 91, note a (éd. cit. n. 29).
42 Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXXVIII, (éd. et trad. cit. n. 13), 21, 8-9.
43 Voir Guillaume Flamerie de Lachapelle, « Conclusion », dans Corps au supplice et violences de guerre dans l’Antiquité (op. cit., n. 4), p. 188-189.
44 Virgile, Énéide, Tome III, Livres IX-XII, éd. et trad. Jacques Perret, Paris, Les Belles Lettres, 1980, XII, 938-952. Voir à ce propos, Judith Rohman, « Stratégies narratives dans l’Énéide de Virgile : le statut du personnage dans l’épopée latine », thèse de doctorat, Université Paris IV Sorbonne, 2013 [thèse non publiée].
45 Voir Cicéron, Discours, Tome I, Pour Roscius d’Amérie, éd. Jules Humbert et trad. Henri de La Ville De Mirmont, Paris, Les Belles Lettres, 1921, 154.
46 Nathalie Barrandon, Les massacres de la République romaine, Paris, Fayard, 2018, p. 342, suggère que les massacres des guerres civiles font connaître aux Romains la violence que vivent leurs ennemis dans le cadre des guerres extérieures.