society https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=3766 Index de society fr 0 Les jeux de hasard chez Casanova, un loisir mondain à l’épreuve des rapports de force https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=3759 Cette étude dresse une typologie des principales motivations, morales et sociales, liées à la pratique du jeu de hasard dans l’Histoire de ma vie de Casanova. Le récit autobiographique du Vénitien, joueur et libertin de renom, met en lumière le glissement de statut du jeu, tel qu’il se donne dans les salons policés de l’aristocratie qu’il fréquente à travers l’Europe.Loisir mondain avant tout, prisé d’une classe oisive soucieuse d’occuper son temps et son esprit, le lecteur observe sa récupération au sein de stratégies complexes que Casanova se plaît à manier, lorsqu’il n’en fait pas les frais. Le jeu fait parfois office d’échappatoire, restaurant chez le joueur l’illusion de contrôle sur le cours incertain des événements, et parfois tient lieu de rite initiatique ou encore de mise à l’épreuve parmi les pratiques de sociabilité courantes au xviiiᵉ siècle. Sans commune mesure, Casanova en explore les usages et fait des jeux de hasard et d’argent l’instrument d’une prostitution qui ne dit pas son nom.Réinvesti par ces logiques tant individuelles que sociales, le jeu n’en est pas moins soumis, en bonne société, à un impératif récréatif. Car le jeu doit ne rester qu’un jeu, condition intangible à laquelle il ne peut déroger sans rompre le contrat social implicite qui régit les interactions ludiques. L’idéal incarné par le beau joueur s’inscrit dans cette perspective : maître de lui-même, il affiche une légèreté d’humeur et de ton malgré les coups du sort que subit sa bourse.Toutefois, l’Histoire de ma vie ne se limite pas à ce modèle idéalisé et met aussi en scène une galerie de joueurs professionnels, les « correcteurs de fortune », pour qui le jeu n’est plus un simple loisir, mais un véritable mode de vie et une source de revenus. Leur omniprésence dans le récit conduit à interroger le rapport ambivalent de Casanova à la tricherie, présentée non comme un écart marginal et moralement condamnable mais comme une pratique banalisée, sinon systématique, qui trouve sa place au sein du paradigme ludique. A contrario, la fureur du jeu, présente de manière épisodique et transgressant ouvertement les bornes du cadre ludique, investit la narration d’une charge symbolique et narrative importante. This study outlines a typology of the principal moral and social motivations associated with gambling, as they emerge from a close reading of Histoire de ma vie by Casanova. In his autobiographical narrative, the Venetian—a renowned gambler and libertine—sheds light on the shifting status of games of chance, particularly as they are practiced within the refined salons of the European aristocracy he frequents.Primarily a fashionable pastime, valued by a leisured class concerned with occupying both time and mind, gambling appears, in the eyes of the reader, to be co-opted into complex strategies that Casanova enjoys manipulating—when he is not himself their victim. At times, gambling serves as an escape, restoring for the player the illusion of control over the unpredictable course of events; at others, it functions as an initiatory rite or a test of character within the prevailing codes of sociability of the eighteenth century. Casanova explores these varied uses without restraint, turning games of chance and money into a vehicle for a form of prostitution that remains unnamed.While shaped by both individual and social logics, gambling is nevertheless subject, in polite society, to a recreational imperative. The game must remain a game—an immutable condition that cannot be breached without violating the implicit social contract governing ludic interactions. The ideal embodied by the consummate player fits within this framework: master of himself, he maintains a lightness of tone and spirit, despite the misfortunes that may befall his purse. However, Histoire de ma vie does not confine itself to this idealized model. It also presents a gallery of professional gamblers, the so-called "correcteurs de fortune", for whom gambling is no longer mere entertainment but a genuine way of life and a source of income. Their ubiquitous presence in the narrative compels a reconsideration of Casanova’s ambivalent relationship to cheating, which is not portrayed as a marginal or morally reprehensible deviation but rather as a normalized—if not systematic—practice within the ludic paradigm. In contrast, the gambling frenzy, which appears episodically and flagrantly transgresses the boundaries of the ludic framework, imbues the narrative with a significant symbolic and dramatic charge. jeu., 03 juil. 2025 13:41:11 +0200 mar., 15 juil. 2025 15:51:58 +0200 https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=3759