Réflexion méthodologique autour d’un processus de conservation numérique : Le manoir Templier de La Coëffrie, Messac (Ille-et-Vilaine) - xiie-xviie siècles

Par Steven Lemaitre
Publication en ligne le 26 septembre 2019

Résumé

Emergence of « Digitals Humanities » provides a new dimension to the utilization of software tools, not only the issue of that news technologies interest, but also the discussion of the use of the new data generated by them, and their impact on the methodological approach of humanities and social science researchers. In that sense, this communication offers a reflexive approach by the demonstration of a three-dimensional and digital conservation process of a breton templar establishment: the manor of La Coëfferie in Messac. This summary will be accompagnied by the relevance of the questions raised by the study day and some details in response.

L’émergence des « Humanités Numériques » apporte une dimension nouvelle dans l’utilisation des outils informatiques. Elle ne concerne pas seulement la question de l’intérêt de nouveaux logiciels, mais aussi la réflexion de l’emploi des données issues de ces nouvelles technologies et l’impact qu’elles ont sur l’approche méthodologique, voir académique des chercheurs en sciences humaines et sociales. C’est dans ce sens que cette communication propose une étude réflexive par la démonstration d’un processus de conservation numérique et tridimensionnel d’un établissement templier breton du bas Moyen Âge : le manoir de La Coëfferie à Messac1. La pertinence des interrogations soulevées pendant la journée d’étude et des éléments de réponse accompagneront cette synthèse.

Mots-Clés

Texte intégral

1Fondé en 1964 sous l’impulsion d’André Malraux, l’inventaire du patrimoine culturel a pour mission de « Recenser, étudier, faire connaître toute œuvre qui, du fait de son caractère artistique, historique ou archéologique, constitue un élément du patrimoine national ». Un demi-siècle plus tard, les services de l’inventaire, actuellement délégués aux régions, perpétuent cette mission qui s’étend au-delà du simple recensement. Les notices d’inventaire accumulées depuis ces cinquante dernières années soulèvent la question du renouvellement des méthodes de conservation du patrimoine et de sa documentation. Dans cette perspective, il est évident que la démocratisation de la technologie numérique de ces quinze dernières années a énormément contribuée à cette nouvelle inspiration, mais la méthode, ou du moins le processus de conservation et l’approche monumentale du patrimoine en ont-ils été bouleversés ?

Exemple d’un processus d’inventaire du patrimoine

2Dans le but de discerner la majeure partie des stigmates de l’histoire monumentale du manoir de la Coëfferie, l’inventaire de terrain se doit in fine de documenter le site2. Dans le processus qui constitue la conservation d’un élément du patrimoine, la documentation produite par un inventaire est primordiale. Quand un patrimoine disparait, sa documentation reste souvent le seul témoin de son existence et donc la seule source d’étude possible. Plusieurs types de documentation, toutes nécessaires au processus de conservation peuvent être discernés : la documentation iconographique, topographique, temporelle/diachronique et médiatique3.

3La documentation iconographique se traduit par une couverture photographique dense devant témoigner du caractère artistique, historique et/ou architectural (fig. 1). Ces photographies peuvent devenir l’unique archive pour une recherche postérieure si un élément de construction venait à disparaitre, au même titre que l’on utilise actuellement les photographies et cartes postales anciennes pour identifier ou observer un édifice détruit. La documentation topographique consiste en la mise au plan par arpentage et mesure des bâtiments (fig. 2), car dans l’hypothèse d’un arasement total du site, les photos ne peuvent rendre compte de son emprise géographique. Le relevé de son emplacement exact dans un système géodésique permet une appréhension spatiale des proportions et des aménagements. Les productions iconographiques et planaires du site doivent alerter de la vétusté des éléments dont l’état sanitaire peut mettre en péril sa sauvegarde. Dans le cadre du manoir de La Coëfferie, l’observation du décor peint de la chapelle a révélé un état de dégradation avancée, dont le sujet et le contexte constituent une figuration singulière pour les ordres religieux militaires en Bretagne4 (fig. 3). Cette observation, si elle est effectuée ponctuellement, constitue une documentation diachronique inscrivant l’état sanitaire du site et sa documentation dans le temps. En aval de l’enquête de terrain, la diffusion médiatique de la documentation produite est le dernier maillon du processus. Dans cet objectif, les services de l’inventaire de la Région Bretagne proposent la consultation des fiches de synthèse des enquêtes in situ menées par les chargés d’étude sur le territoire breton5. La gratuité d’accès favorise la visibilité des notices d’inventaires qui bénéficient alors d’une sensibilisation accrue du grand public.

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Fig. 1 : Couverture photographique © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 2 : Plan au sol du Temple de La Coefferie © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 3 : Fresque badigeonnée du XIIIe siècle, Intrados de l'entrée occidentale de la Chapelle © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

Intégrer la tridimensionnalité ?

4La diffusion du savoir à travers les outils de communication formelle intègre cette démarche dans une définition des Humanités Numériques. Cependant, cette documentation médiatique semble être la seule conjonction numérique et académique du processus. En effet, la documentation issue du travail in situ reste une « documentation de surface », soit la production d’un ensemble de données en deux dimensions. Les outils numériques utilisés constituent principalement une amélioration technologique, si la photographie numérique remplace l’argentique, la documentation produite reste une photographie. Force est de constater que l’ensemble de cette documentation - néanmoins complète - n’apporte pas un angle de vue original dans le processus d’enquête d’un patrimoine bâti et de sa conservation. Les édifices étudiés existant dans un repère orthonormé (XYZ), la « documentation de surface » occasionne la perte d’un facteur important : le relief. Grâce à la photogrammétrie numérique, il est possible d’utiliser la production photographique pour relever en trois dimensions une ou plusieurs composantes d’un bâtiment. Les connaissances que requièrent les logiciels photogrammétriques sont assez simples et permettent d’appréhender différemment le processus de documentation et de conservation d’un édifice. Ainsi, l’approche tridimensionnelle d’un patrimoine bâti ouvre des perspectives d’observation, de documentation et de conservation beaucoup plus importantes car la production d’une documentation en trois dimensions permet non seulement d’inventorier presque intégralement un patrimoine pour un faible coût, mais elle facilite fortement sa diffusion numérique. Par contre, l’intégration d’un processus tridimensionnel nécessite une approche tridimensionnelle du patrimoine6, soit une mise à jour de la réflexion qui régit les choix stratégiques de la conservation d’un patrimoine7.

L’essor de la photogrammétrie numérique

5Si l’invention de la photogrammétrie date du milieu du xixe siècle, sa mise en œuvre manuelle dans un processus d’archivage du patrimoine reste trop coûteuse et ne permet pas une utilisation systématique8. C’est au début des années 2000, avec l’évolution des outils numériques, que la photogrammétrie connait un essor considérable9. Elle s’immisce peu à peu dans la chaine opératoire de l’archéologie sédimentaire et timidement aux études du bâti. Dans l’affluence actuelle des articles traitant de cette technique, la photogrammétrie numérique est généralement perçue comme une approche novatrice, en quête de (re)connaissance et dont la formation doit être généralisée10. En effet, si les articles scientifiques abondent, les ouvrages traitant récemment de la photogrammétrie numérique et de son application dans les sciences humaines sont encore peu nombreux, ce qui est aussi le cas pour les recherches universitaires (thèses et mémoires de Master) même si une nette évolution au cours des cinq dernières années peut être constatée11. Le procédé photogrammétrique de la correspondance d’images par corrélation dense permet, à partir d’une séquence d’images, l’acquisition d’un modèle en trois dimensions sous la forme d’un nuage de points. Ce qui signifie qu’il est possible à partir d’un balayage photographique, d’une façade par exemple, d’obtenir un modèle 3D de cette façade pouvant être manipulé, étudié, diffusé et conservé numériquement. Et si l’on reprend les étapes de documentation des inventaires mentionnées en amont, la production iconographique qu’apporte la photogrammétrie redéfinie nettement l’approche documentaire du patrimoine.

Étude photogrammétrique du manoir de La Coëfferie

6Dans la seconde moitié du xiie siècle, l’Ordre du Temple établi une domus au lieu-dit de La Coëfferie dans la paroisse de Messac. Une partie de la chapelle située au joignant sud-est de l’enceinte du manoir reste le seul témoin de l’établissement templier pour la période romane12. Au premier quart du xive siècle, les templiers sont déchus à la suite d’un long procès13, leurs possessions sont concédées à l’Ordre de l’Hôpital de Saint de Jérusalem par volonté pontificale14. Ainsi, le domaine de La Coëfferie est aliéné à la commanderie hospitalière de Carentoir dès l’année 139115. Une chapelle privée formant une annexe méridionale à la nef est ajoutée, distribuée par une large arcade en ogive brisée. Une partie de l’enceinte, du manoir et des annexes semblent eux aussi avoir été construit primitivement au dernier quart du xive siècle. Deux siècles plus tard, le manoir est pillé par les guerres de la Ligue, la chapelle romane est partiellement détruite et les quartiers civils sont ravagés. Dans les années 1620, le commandeur Gilles du Buisson fait état de plusieurs améliorations au sein de sa commanderie : le manoir du Temple de La Coëfferie et sa chapelle sont restaurés, les substructures les plus anciennes servant de fondations, l’ordonnance topographique du site n’en est que très peu modifiée16. En 1791, le domaine de La Coëfferie est vendu comme Bien National17. Pendant deux siècles, il reste à la possession d’une seule et même famille qui le cède à son tour aux propriétaires actuels en 1991.

7Lors d’un premier inventaire sur le site de La Coëfferie, plusieurs mouvements de façade ont été observés : déversement des parements extérieurs des gouttereaux de la nef de la chapelle et fruit à l’angle sud-est du mur de l’enceinte. Etant donné la complexité à transposer les déformations observées, le choix de la photogrammétrie s’est imposé sur trois unités de construction : le mur extérieur de l’enceinte et les parements extérieurs des gouttereaux de la chapelle. Pour le balayage photographique du mur de l’enceinte, seulement 35 photographies ont été nécessaires à la constitution du nuage de point via le logiciel libre Visualsfm (fig. 4) 18. La densité du nuage de point suffit à distinguer les moellons du mur d’enceinte (fig. 5), mais les ombres déportées des arbres gênent la lecture du bâti (fig. 6). Le nuage de point étant constitué de données tributaires de plusieurs variables, la texture peut être occultée laissant apparaitre uniquement le relief (fig. 7). Le nuage de point est ensuite converti en modèle 3D par maillage dans le logiciel Meshlab19. La manipulation du modèle 3D permet l’observation du mur d’enceinte sous différents angles (fig. 8) et il est possible d’en extraire une orthophotographie géoréférencée (fig. 9)20. Dans l’hypothèse d’un relevé pierre à pierre du mur, il est préférable d’utiliser une orthoimage plutôt qu’une photographie redressée ou panoramique car l’image obtenue minimise fortement l’erreur de parallaxe due à la déformation des objectifs et à la somme des différents angles de vue des 35 photographies. Après interpolation du nuage de point21, il est possible de générer un Modèle Numérique de Terrain (MNT)22, soit un fichier contenant les données d’altitude, et dans le cas du mur extérieur de l’enceinte, son relief (fig. 10). Le traitement du fichier MNT du mur dans le logiciel QuantumGIS offre l’observation d’un relief difficile à transcrire par un relevé pierre à pierre manuel. Les différences de profondeur sont mises en évidence par un dégradé de couleur, le bleu représentant la surface la plus éloignée et le rouge la plus proche (fig. 11). L’angle inférieur à l’est du mur, qui fait jonction avec le pignon de la chapelle, présente une concentration orangée qui peut se traduire par l’affaissement des assises creusant l’enceinte. L’observation sanitaire du mur peut être précisée par l’ajout d’un profil de coupe longitudinal que l’on produit directement à partir du fichier MNT (fig. 12). Dans cette approche tridimensionnelle, un mur peut être considéré comme une surface en relief, au même titre qu’une unité stratigraphique. Mais dans ce cas, la surface est parallèle à l’observateur et non perpendiculaire, et comme toutes surfaces, son relief peut être souligné par l’application de courbes isométriques. Les courbes de niveau mettent en valeur les unités de construction, ce qui permet d’obtenir un relevé de bâti qui intègre la valeur altimétrique du microrelief d’une façade.

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Fig. 4 : correspondance d'image par corrélation dense © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 5 : détail du nuage de point © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 6 : vue générale du nuage de point © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 7 : nuage de point sans texture © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 8 : manipulation en objet 3D © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 9 : orthophotographie © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 10 : Modèle Numérique de Terrain © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 11 : Mise en valeur du relief en couleur © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 12 : Courbes de niveau et profil de coupe © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

8Si la documentation iconographique doit renseigner l’état sanitaire du site, son approche photogrammétrique peut amener le chercheur de terrain à établir un diagnostic préliminaire plus précis. Deux déversements sont perceptibles de part et d’autre de la chapelle, au niveau des murs gouttereaux. S’il est possible de le signaler avec une photographie, il n’est pas évident d’en préciser la gravité visuellement. Un balayage photographique a été effectué sur les deux gouttereaux, ainsi que le même post-traitement énoncé précédemment pour le mur d’enceinte23. Il est possible de comparer les résultats obtenus pour le gouttereau septentrional (fig. 13) en confrontant une photographie (en haut à gauche) aux trois autres relevés issus du post-traitement numérique. Sur le relevé en bas à gauche, le traitement colorimétrique met en évidence l’écartement en pivot du gouttereau, ce dernier pénétrant le mur en ses fondations et s’écartant au fur et à mesure que l’on remonte vers le coyau. Pour faciliter la lecture des relevés, il est possible de préciser les unités de constructions par des contours et de marquer les boulins24. Le gouttereau méridional souffre d’un déversement encore plus important accentué par le percement d’une large baie permettant aux anciens propriétaires le retrait des engins agricoles (fig. 14). La conversion des données photogrammétriques en modèle 3D propose le choix de l’angle d’observation à partir d’un seul fichier (fig. 15). L’écartement du mur étant assez prononcé, deux orthophotographies présentant des angles différents peuvent être générées et confrontées l’une à l’autre. Sur la (fig. 16), l’alignement topographique des deux prises de vues met en évidence le point d’appui entre la panne sablière près du coyau et le parement extérieur du gouttereau25. Si les chaines d’angles et une partie des gouttereaux ont été consolidées au xviie siècle, le poids de la nouvelle couverture semble être à l’origine des écartements observés sur les parements romans dont les pierres ne présentent plus les caractéristiques de résistance adaptées. Afin d’en rendre compte, il est possible d’isoler le déversement du mur en jaune (fig. 17) par traitement colorimétrique, les éléments en bleus étant les plus proches topographiquement et ceux en rouge les plus éloignés. Une orthoimage étant la représentation iconographique d’un relief exempt de toute déformation optique et topographique, la documentation produite permet un diagnostic précis et une prise de mesure numérique post-terrain d’une faible marge d’erreur. Ainsi, la mesure de l’angle de l’arrachement du gouttereau peut être prise directement sur le fichier (fig. 18) et sa publication complétée visuellement pour en faciliter la lecture. Pour rappel, cette documentation est issue uniquement du balayage photographique et de son post-traitement photogrammétrique rendant possible la conversion vers d’autres fichiers produisant chacun une donnée scientifique.

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Fig. 13 : Chronologie des étapes d’observation du gouttereau septentrional © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 14 : Chapelle du Domaine de la Coeffrie, l'angle sud-ouest © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 15 : Observation en 3D de l'écartement supérieur du gouttereau méridional © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 16 : Orthophotographie du pignon occidental et méridional du gouttereau © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 17 : MNT et courbes de niveau du gouttereau méridional et du pignon occidental © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

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Fig. 18 : Calcul d'angle d'écartement et profil de coupe du gouttereau méridional © Steven Lemaitre (voir l’image au format original)

Une redéfinition de l’approche monumentale du bâti ?

9L’étude numérique du manoir de La Coëfferie démontre que l’utilisation de nouveaux outils suppose une modification de la technique, tout du moins de l’approche méthodologique du bâti. La photogrammétrie numérique, même si elle est encore à ses balbutiements, redéfinie les processus d’étude du patrimoine. Elle oblige l’intégration de la tridimensionnalité en amont du travail préparatoire et modifie le regard que l’on porte sur les élévations. Elle implique un détachement de la perception topographique usuelle, considérant tout élément évoluant dans un repère tridimensionnel comme un relief. Ces notions acquises, le gain de temps in situ est non négligeable, pour la Coëfferie une seule matinée a suffi pour les trois balayages photographiques, puis deux jours de post-traitement et mise en page. Les données sont issues d’une modélisation spatiale du bâtiment ce qui restreint la marge d’erreur, par rapport à un relevé pierre à pierre qui en est une interprétation manuelle. La redéfinition du processus n’induit pas forcément l’abandon de certaines techniques, c’est un apport complémentaire desservant la documentation scientifique du site.

Production numérique : Quid de la conservation des données ?

10L’ensemble de la documentation produite étant numérique, elle peut être diffusée aisément. L’ensemble des fichiers numériques générés pour l’étude du manoir de La Coëfferie pèse moins de 4Go. Il est possible d’archiver et de partager aisément les données issues de l’étude in situ et du travail de post-traitement. Cependant, les échanges qui ont animés la journée d’étude soulevèrent la question fondamentale de la pérennité des données numériques. Les formats évoluant presque à chaque décennie, sera-t-il possible de lire ces données dans une vingtaine d’années ? Les serveurs n’étant pas sans faille, quel garde-fou pouvons-nous espérer pour la sécurité des fichiers ? Certes, la technologie évolue, mais les méthodes de conservation les plus anciennes sont toujours appliquées. L’informatique étant un langage comme un autre, la conversion des données est possible, elle doit seulement être considérée de manière systématique, même si la rétrocompatibilité des données est de plus en plus disponible sur les derniers systèmes d’exploitation. Qu’en est-il de la conservation des données ? Là encore, un regard vers le passé inspire déjà les acteurs de la conservation des données numériques : la copie. À l’image des moines-copistes, la réplique permet la multiplication des supports de conservation et augmente ainsi la probabilité d’une sauvegarde pérenne des données numériques. Cependant, elle doit être inhérente à la production des sciences humaines et sociales et implique une diffusion numérique constante.

Bibliographie

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Notes

1 Commune du département d’Ille-et-Vilaine.

2 Michel Melot, Hélène Verdier, Principes, méthode et conduite de l’inventaire général du patrimoine culturel, Paris, Éditions du patrimoine, 2001, 194 p..

3 Seule la documentation issue d’un examen in situ entre dans le cadre du processus de documentation présenté, les sources de « seconde main » (manuscrites et bibliographiques) sont écartées.

4 Le gâble du pignon du chevet a la particularité de figurer un Christ au Tétramorphe s’apparentant aux fresques mates à fond clair très présentes au Centre Ouest pour la période romane mais unique dans une chapelle Templière en Bretagne.

5 La lecture des notices de synthèse est en accès libre à cette adresse : http://patrimoine.bzh/

6 Si cette notion est simple à comprendre, son application ne l’est pas forcément. Il faut se détacher des aprioris topographiques et ne pas considérer les niveaux de sol comme l’horizontalité et les élévations comme la verticalité. Par exemple, les post-traitements observés sont souvent différents entre une unité de construction et une unité stratigraphique.

7 En amont, la question des niveaux d’adaptation des moyens actuels d’acquisitions de données 3D peut être posée, Livio De Luca, Relevé et multi-représentations du patrimoine architectural : définition d’une approche hybride de reconstruction 3D d’édifices, Aix en Provence, École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers, Thèse de doctorat, 2006, p. 133.

8 À partir d’appareillage optique.

9 Laurent Borel, Yves Egels, Emmanuel Laroze, « Photogrammétrie appliquée à l’étude architecturale et archéologique, exemples de quelques chantiers récents en Egypte », dans Archeologia e Calcolatori, Supplemento 5, 2014, p. 138.

10 C’est aussi dans ce sens que convergent les conclusions de l’excellent colloque de la SFPT et de la Cipa « Photogrammétrie au service des archéologues et des architectes » organisé à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, les 9 et 10/09/2010. Raphaële Heno, « Archéologie et photogrammétrie : les nouveaux potentiels », dans Géomètre, n° 2075, novembre 2010, p. 29.

11 La diffusion du développement de l’algorithme SIFT (Scale-Invariant feature transform) peut être considérée par le chercheur David Lowe en 2004 comme une avancée majeure dans la détection d’éléments similaires dans les images numériques. Ce qui explique la mise à l’écart des articles et ouvrages antérieurs à cette date. David Lowe, « Distinctive image features from scale-invariant keypoints », dans International Journal of Computer Vision, vol. 60, n° 2,‎ 2004, pp. 91-110.

12 Les pignons est et ouest, contrebutés à l’extérieur par deux contreforts et les maçonneries en déversement des gouttereaux nord et sud.

13 Alain Demurger, Les Templiers, une chevalerie chrétienne au Moyen Âge, Paris, Seuil, 2005, p. 441.

14 Alain Demurger, Les Templiers, Op. cit., p. 467.

15 Poitiers, Archives Départementales de la Vienne, 3 H 300.

16 Vannes, Archives Départementales du Morbihan, 58 H 1.

17 Rennes, Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 Qa 440.

18 Pour plus d’information, les étapes de base sont détaillées sur le site du développeur : www.http://ccwu.me/vsfm/

19 Filters/Point Set/Surface Reconstruction : Poisson.

20 Une orthophotographie, ou orthoimage, est une image rectifiée géométriquement (surface en pente, déformation objectif).

21 C’est une opération mathématique permettant la jonction des points d’un nuage de points, par triangulation dans ce cas.

22 L’interpolation du nuage de point et la génération du MNT sont effectuées via le logiciel CloudCompare.

23 28 photographies ont été nécessaires pour le gouttereau nord et 34 pour le gouttereau sud.

24 La maçonnerie qui se déverse correspond à la période romane, elle est composée de moellons de grès armoricain liés par un mortier rougeâtre. La majeure partie du parement extérieur correspond à la reprise du mur dans les années 1620 donnant suite aux destructions des ligueurs, il est composé d’un appareil mixte lié d’un très mince mortier jaune pâle. Le contrefort nord-est a été reconstruit à la fin du xxe siècle car il menaçait de s’effondrer.

25 Le commandeur Gilles du Buisson fait réparer les gouttereaux, les chaînages d’angles (repérables aux longues pierres de schiste foncé), remonte une nouvelle charpente (inscription de 1627 suivi de son patronyme sur le deuxième entrait de la nef) et couvre entièrement d’ardoise l’édifice. Des traces de mortier jaune pâle au jointement du parement roman et moderne semble indiquer un aplomb commun au moment des travaux du commandeur.

Pour citer ce document

Par Steven Lemaitre, «Réflexion méthodologique autour d’un processus de conservation numérique : Le manoir Templier de La Coëffrie, Messac (Ille-et-Vilaine) - xiie-xviie siècles», Annales de Janua [En ligne], Les Annales, n° 4, Moyen Âge, mis à jour le : 26/09/2019, URL : https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=1165.

Quelques mots à propos de :  Steven Lemaitre

Statut : doctorant à l'Université de Rennes II - Laboratoire : EA 1279 - Directeur de thèse : Bruno Boërner. - Sujet de thèse : Culture matérielle des Ordres religieux-militaires en Bretagne - Thématique de recherche : histoire de l’art - Contact : lemaitre.steven@gmail.com