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Éditorial
Par Alessia Chapel, Sarah Casano-Skaghammar et Marine Remblière
Publication en ligne le 12 avril 2019
1En 2018, la Journée Jeunes Chercheurs organisée par l’Association Janua s’est intéressée à la violence guerrière. Elle se proposait d’explorer le sujet en s’appuyant sur un large panel de sources, notamment les textes, les images, ou les armes, légués par les périodes antiques et médiévales. Comme chaque année, l’interdisciplinarité et la variété des domaines d’intérêt des intervenants ont assuré la richesse des échanges. Ce septième numéro des Annales de Janua propose de retrouver les différentes contributions ayant animé le débat.
2La férocité et la violence guerrière des Romains, décrites et analysées par Polybe comme étant la clé de leurs succès, mais aussi de leurs échecs, sont énoncées dans de nombreuses sources textuelles qui méritent un approfondissement. C’est en renouvelant la méthodologie de leur approche que Sophie Hulot propose de s’y atteler, en essayant d’appréhender cette violence sur une période qui va de la deuxième guerre punique jusqu’à la Guerre des Juifs. Pour ce faire, elle propose une étude du vocabulaire antique claire et précise, s’appuyant sur une documentation riche, et qui permet de suivre une démonstration raisonnée. Plus précisément, après une présentation générale du lexique, l’auteure choisit d’analyser les verbes latins signifiant « tuer ». En recourant à l’analyse factorielle des correspondances (AFC), elle arrive à en montrer les limites et souligne l’importance cruciale de l’étude du contexte.
3La réflexion sur la représentation de la violence guerrière chez les auteurs romains s’enrichit avec l’étude de Marine Miquel qui interroge l’Ab Vrbe condita de Tite-Live. L’objectif de l’auteure est l’analyse de la description de la violence dans l’historiographie et la rhétorique romaine. Après une étude terminologique de nombreux termes employés dans l’œuvre, l’auteure propose une analyse des scènes de combats emblématiques afin d’en déceler les enjeux idéologiques en lien avec la conquête romaine.
4La violence guerrière ne s’exprimant pas seulement dans les discours, le corps du guerrier était au centre de l’intérêt de Régis Guet dont les recherches portent sur l’impact des chars à faux, armes délaissées par l’historiographie, aux époques achéménide et hellénistique, du vie au ier siècle avant notre ère. Dans son étude, l’auteur s’interroge sur la place de cette arme dans les sources et sur la considération qu’elle inspirait aux Anciens sur les champs de bataille. Son impact sur les corps était indéniable. C’est donc par une redéfinition des pratiques et des normes guerrières grecques que l’étude débute, pour évoquer ensuite les corps blessés et les différents symptômes physiologiques recensés dans les écrits anciens. Pour finir, l’auteur s’attarde sur l’intérêt stratégique de cette violence et à ses limites.
5Les corps apparaissent également comme des révélateurs des violences guerrières dans l’article de Marine Remblière qui propose d’étudier les corps blessés à partir de l’Iliade et des traités hippocratiques. Un recensement des armes et des parties du corps touchées est effectué pour s’attacher ensuite à la question de l’évacuation de ce corps, décrit comme immobile par l’aède, du champ de bataille. La mise en parallèle des techniques de soin entre le poème et les traités médicaux viennent clore l’étude.
6Nous terminons par l’intervention de Paul Michoudet-Fontsere, qui n’a pas donné lieu à un article. Dans sa communication, l’auteur étudiait les blessures au combat dans les armées hellénistiques en s’appuyant sur une riche documentation.
7Suite à quelques changements dans le programme, les médiévistes ont été moins nombreux lors de la Journée Jeunes Chercheurs. Toutefois, grâce à leur approche originale et aux sources employées, ils nous ont offert un clair aperçu de la violence médiévale et de ses outils.
8Morgane Bon examine la violence des guerres de Bourgogne en s’appuyant sur l’iconographie et, plus précisément, sur les enluminures issues de la chronique bernoise de Diebold Schilling l’Ancien. En étudiant l’illustration de la violence dans les batailles et les sièges représentés, l’auteure analyse également les blessures, leur localisation ainsi que les armes employées. Elle conclut son enquête en affirmant que ces enluminures véhiculent une violence morale, voire psychologique, à travers la figuration de la souffrance, de la peur et même de la fuite.
9Quant à la deuxième contribution, elle s’inscrit dans un courant d’étude archéologique qui tend à se développer aujourd’hui, à savoir « l’étude directe de l’armement médiéval, à travers ses objets archéologiques ». Fidèle à son annonce, Valentin Louineau propose un article portant sur les épées médiévales datant du xie au xve siècle. L’auteur nous montre ainsi que l’évolution morphologique de ces armes est liée aux progrès métallurgiques de ces siècles, mais également aux développements de nouvelles méthodes de combat et à une évolution de l’armement défensif. Il en découle une réflexion sur l’objet en tant que témoin d’une réalité des conflits et de leurs violences. Les marques corporelles causées par ces épées sont signifiées notamment par la citation de plusieurs études ostéologiques. Enfin, le caractère sacré de cet objet est mis en exergue par le recensement de décorations sur ces armes allant de l’inscription à l’ornementation. L’auteur note une évolution de la pratique qu’il met en lien avec l’artisanat dont sont issues les épées et propose des interprétations à certains décors.
10Également inspiré par les armes blanches, Étienne Leclere – qui n’a pas souhaité être publié – avait pour sa part consacré son exposé à un objet unique : la tête de masse en alliage cuivreux (n°135) de la collection du Musée de la guerre au Moyen Âge de Castelnaud-la-Chapelle.
11Nous remercions chaleureusement tous les acteurs qui ont garanti la réussite et la qualité de ce projet. Tout d’abord les membres du bureau de l’Association Janua – Juliette Thibault, Cécile Maruéjouls, Élise Vernerey et Louis-Nobi Georgel-Marandet – qui ont rédigé l’appel à communication et suivi de près l’organisation et le bon déroulement de cette journée d’étude ; ainsi que les laboratoires CESCM et HeRMA qui, de par leur soutien logistique et financier, ont assuré, encore une fois, la réalisation et la réussite de cette rencontre annuelle.
12Nous tenons également à remercier vivement les membres du comité scientifique qui ont permis aux auteurs de bénéficier de leurs précieux conseils : Delphine Ackermann, Martin Aurell, Mathilde Carrive, Nadine Dieudonné-Glad, Pierre-Marie Joris, Yves Lafond, Nicolas Prouteau, Alexandre Vincent et Cécile Voyer.
13Aussi, nous adressons nos remerciements aux membres du comité de relecture pour leur temps, leur engagement et leurs retours minutieux : Sami Benkherfallah, Isabelle Fortuné, Sarah Gain-Béduneau, Cécile Maruéjouls, Alexandre Noguera et Élise Vernerey.
14Ce numéro de la revue n’aurait pas vu le jour sans l’engagement des auteurs eux-mêmes : Sophie Hulot, Marine Miquel, Régis Guét, Marine Remblière, Morgane Bon et Valentin Louineau.
15Finalement, nous souhaitons remercier tout particulièrement ceux qui ont travaillé avec nous dans l’ombre, notamment Vanessa Ernst-Maillet, secrétaire d’édition qui s’est, encore une fois, occupée de la mise en ligne ; Sylvain Sonnet et le service I-Médias qui ne manquent jamais de nous aider dans la dernière étape d’édition et qui ont également mis à jour notre site en début d’année.