Territorialiser la frontière.
Les Francs et le Mont Liban à l’époque des croisades (xiie-xiiie siècle)1

Par Florian Artaud
Publication en ligne le 15 avril 2023

Résumé

Despite the dynamism of the works related to the territoriality in the Latin East, Mount Lebanon remains a forgotten area in studies of this kind. However, due to its geographical, ethnic and confessional specificities, this area is particularly well suited to this type of analysis. The aim of this study is twofold. First, to fill this void by relying on the vitality of studies related to space and territory in the Latin East. Then, to begin a reflection on the strategies used by Frankish power to try to establish and perpetuate its domination over this disputed border region, which was at the heart of the power balance between Franks and Muslims in the 12th and 13th centuries.

Malgré le dynamisme des travaux liés à la territorialité en Orient latin, le Mont Liban reste une région oubliée des études du genre. Il s’agit pourtant d’un espace qui, de par ses caractéristiques géographiques, ethniques et confessionnelles, convient particulièrement bien à ce type d’analyse. L’objectif de cet article est donc double. En premier lieu, combler cette lacune en s’appuyant sur la vitalité des études liées à l’espace et au territoire en Orient latin. Il s’agit ensuite d’amorcer une réflexion sur les stratégies déployées par le pouvoir franc pour tenter d’établir et pérenniser sa domination sur cette région frontalière disputée, au cœur des rapports de force entre Francs et musulmans au xiie-xiiie siècle.

Mots-Clés

Texte intégral

1Depuis quelques années, la frontière est un objet d’étude prisé des médiévistes2. Le Levant latin n’a pas échappé à cette dynamique. Les contributions se sont multipliées, portées par l’engouement récent des chercheurs pour les études liées à l’espace et au territoire. Certaines zones frontières ont ainsi fait l’objet de récents travaux : l’Outre-Jourdain, la Syrie du Nord et plus récemment la Galilée orientale3. Un espace n’a toutefois pas suscité le même engouement : le Mont Liban4. Il s’agit pourtant d’une région particulièrement bien disposée à ce genre d’analyse, une zone frontalière, multiethnique et multiconfessionnelle, au cœur des rapports de force, entre Francs et musulmans aux xiie et xiiie siècles. En effet, le Mont Liban faisait office de frontière naturelle entre les territoires des États latins, établis à l’ouest, le long de la bande côtière syro-palestinienne, et les territoires des principautés musulmanes, à l’est, autour de Homs et Damas (Fig. 1).

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Fig. 1 : le Mont Liban au milieu du xiie siècle @ Florian Artaud (voir l'image au format original)

2Je propose de centrer ma réflexion sur le comté de Tripoli et le royaume de Jérusalem, dont une partie des territoires se confondait avec le Mont Liban. Le comté de Tripoli, l’État latin fondé le plus tardivement, autour de 1102/1103, s’étendait du sud de Gibelet/Byblos jusqu’à la trouée de Homs au nord (Fig. 2). Concernant le royaume de Jérusalem, il est envisagé dans sa partie la plus septentrionale, avec l’étude des territoires autour des seigneuries de Beyrouth et de Tyr.

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Fig. 2 : les États latins du Levant au milieu du xiie siècle @ Florian Artaud (voir l'image au format original)

3Naturellement montagneux et cloisonné, le Mont Liban médiéval se caractérisait également par une très riche diversité ethnique et confessionnelle. Dans ce contexte, il s’agit de s’interroger sur les techniques déployées par le pouvoir franc pour s’adapter à cet environnement et tenter d’établir sa domination sur cet espace frontalier disputé. Ce questionnement nous place au plus près de l’étude du processus de territorialisation de la frontière. J’entends mener, par l’analyse de ce processus, l’étude de la manière dont des acteurs, ici les Francs, ont essayé d’investir et de contrôler une zone frontalière. En un mot, il convient de comprendre comment l’espace, territorialisé, devient territoire5. L’analyse des sources laisse apparaître le caractère protéiforme du processus de territorialisation, qui sera envisagé dans une perspective multiscalaire et en considérant la diversité des acteurs (rois, comtes, seigneurs, etc.).

4Nous analyserons dans un premier temps la perception et les modalités de contrôle de l’espace par les Francs. Le second volet de l’étude sera dédié à l’étude des modes d’administration des zones frontières, avec une attention particulière portée aux pratiques politiques qui s’y sont développées. Enfin, nous aborderons dans un dernier temps les modalités d’investissement et d’appropriation de l’espace par les Francs à travers l’analyse d’un cas emblématique, celui de l’abbaye Saint-Serge de Gibelet.

Espaces contrôlés, espaces neutralisés

Le rôle des châteaux

5Les châteaux, entités symboliques de l’imaginaire médiéval, on le sait, jouaient un rôle central dans les dynamiques de contrôle de l’espace. Les chroniqueurs ne manquent pas de souligner l’importance de certains sites castraux qui permettaient de contrôler des vallées, des routes, parfois même des villes. On retrouve naturellement des logiques similaires dans le Mont Liban. On connaît ainsi l’exemple de plusieurs châteaux, construits dans la montagne, disputés entre Francs et Musulmans, qui servaient de point d’appui pour le contrôle de l’espace.

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Fig. 3 : localisation des châteaux de La Moinètre et Gibelacar @ Florian Artaud (voir l'image au format original)

6C’est le cas des châteaux de La Moinètre (المنيطرا) et de Gibelacar, le Qalʿat ʿAkkār des musulmans (عكار قلعة) (Fig. 3). Le premier, construit dans le massif du Ğabal al-Muneyṭra, permettait de contrôler la route qui menait de Gibelet/Byblos à Baalbeck, via les cols du Mont Liban (Fig. 4). Le château de Gibelacar, construit dans le massif du ʿAkkār, à 700 m. d’altitude, occupait également une position stratégique. Le site permettait aux Francs de Tripoli de protéger la plaine d’Archas, empêchant ainsi les musulmans de couper les communications entre Tripoli et Tortose (Fig. 5). De même, il rendait possible le contrôle de l’importante route musulmane qui reliait Homs à la plaine de la Békaa et Baalbeck.

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Fig. 4 : site du château de la Moinètre (al-Muneyṭra) © Maxime Goepp, Forteresses d’Orient (http://www.orient-latin.com/fortresses/mneitra) (voir l'image au format original)

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Fig. 5 : château de Gibelacar (Qalʿat ʿAkkār). © Maxime Goepp, Forteresses d’Orient (http://www.orient-latin.com/fortresses/akkar) (voir l'image au format original)

7Avec ces deux exemples, nous touchons l’une des dimensions décisives de ces châteaux : l’idée selon laquelle ils faisaient office de centres de pouvoir et pouvaient servir de points d’appui pour le contrôle de l’espace. Les châteaux ainsi pensés fonctionnaient comme des avant-postes et des relais à partir desquels il était possible d’effectuer des raids en territoire ennemi. On a conservé dans la Chronique de Guillaume de Tyr la trace d’une de ces opérations :

« Pendant ce temps, le comte de Tripoli étant passé à travers la contrée de Byblos [Gibelet], près du château qui est nommé Monethera [La Moinètre], entra subitement dans le territoire d’Heliopolis [Baalbeck] et ordonna de tout incendier sur son passage »6.

8L’auteur rapporte dans sa chronique comment, en 1176, le comte Raymond III de Tripoli serait parti de Gibelet pour ravager le territoire de Baalbeck en passant le Mont Liban à hauteur du château de La Moinètre. On retrouve ici un schéma classique, celui de sites castraux jouant le rôle de pivot entre deux zones de dominations politiques, servant de relais pour le contrôle de la frontière. Celle-ci apparaît ainsi comme un espace fluide de transition, une zone tampon, parsemée de relais, rythmée par les raids et les incursions. Dans un cas différent, au sujet du château de Ḥārim, Andrew Buck a récemment démontré l’importance de ce type de fortifications, situées dans des zones de marges, qui jouaient un rôle de pivot entre deux territoires7. L’intensité avec laquelle les châteaux de La Moinètre et de Gibelacar ont changé de mains au cours de la période suffit à mesurer leur importance, tant pour le pouvoir franc que pour le pouvoir musulman8.

Neutraliser par les accords

9Par-delà le paradigme de l’opposition, le Mont Liban et plus largement l’Orient médiéval offrent d’autres exemples, plus originaux, d’interactions à la frontière. Je veux parler ici des nombreux cas d’accords passés aux xiie et xiiie siècles, entre Francs et musulmans, destinés à neutraliser les zones frontières. Plus que de simples traités de paix entre belligérants, un certain nombre de ces accords, appelés munāafa (مناصفة) en arabe, prévoyaient la mise en place de condominia franco-musulmans, visant à partager les territoires et les revenus des zones frontières disputées9. De nombreux accords de ce type sont connus, essentiellement dans les décennies suivant la première croisade et au xiiie siècle, à l’époque mamelouke10. Ils concernaient le plus souvent d’importantes régions agricoles, comme la Békaa, au pied du Mont Liban, ou encore le Sawād, la Terre de Suète des Francs, à l’est du Jourdain. Si nous n’avons conservé aucun traité original, ces accords nous sont parvenus grâce aux retranscriptions et aux témoignages de certains auteurs. C’est le cas d’Ibn al-Qalānīsī qui, dans son Histoire de Damas, relate un accord de partage conclu entre l’atabeg de Damas Ṭuġtakīn et les Francs :

« Zahîr ad-Dîn [Ṭuġtakīn] et les Francs […] tombèrent d’accord pour conclure un accord au sujet de leurs territoires et établir des relations pacifiques. Voici comment fut réglée l’affaire : les Francs auraient le tiers de la récolte de la Beqâʿ et se verraient livrer les forteresses d’al-Monaïtira et d’Ibn ʿAkkâr, mais s’abstiendraient de tout ravage et de toute déprédation dans ces provinces et ces régions […] »11.

10En 1110, face aux incursions répétées des Francs dans la Békaa et l’extension de leur zone d’influence, Ṭuġtakīn dut conclure une trêve avec Baudouin Ier de Jérusalem. Selon cet accord, les musulmans devaient abandonner un tiers de la récolte de la Békaa aux Francs. De même, ils devaient céder les forteresses qu’ils détenaient sur le versant oriental du Mont Liban, à savoir les châteaux de la Moinètre et de Gibelacar, dont nous avons mesuré l’importance précédemment12. En contrepartie, les Francs s’engageaient à cesser tout raid et toute attaque contre les régions sous contrôle de Damas. Le traité permettait aux Francs de percevoir des bénéfices de territoires qu’ils n’avaient pas les moyens de contrôler dans les faits. C’est particulièrement vrai pour la Békaa qui, en raison de sa situation géographique, face au versant oriental du Mont Liban, était difficilement accessible. D’une manière générale, les accords de partage permettaient aux parties de neutraliser des zones frontières difficilement contrôlables et disputées, sujettes aux raids et aux razzias, en créant des zones tampons.

Adaptation et fluidité des rapports à la frontière

11Le Mont Liban était, compte tenu de ses caractéristiques géographiques, ethniques et confessionnelles un espace difficilement contrôlable, forçant les Francs à faire preuve d’une réelle adaptabilité politique.

Les Maronites et les Francs

12Les chrétiens maronites, majoritaires dans le Mont Liban, constituaient des appuis et des relais essentiels pour les Francs. Quelques sources, latines et chrétiennes orientales, conservent ainsi la mémoire des liens parfois très étroits entretenus par certains seigneurs francs avec les populations maronites du Mont Liban. C’est le cas des seigneurs de Gibelet/Byblos qui semblent avoir joué un rôle central dans les affaires de la communauté au xiie et au xiiie siècle, interférant dans l’élection des patriarches et entretenant des relations de suzeraineté vis-à-vis de certains chefs maronites (muqadam, مقدم) du Mont Liban13. Le poème intitulé Exploits des Chefs, vraisemblablement rédigé plus tardivement, vers le xvie siècle, par l’évêque maronite Jibrāyīl Ibn al-Qilāʿī, nous fait connaître le cas d’un muqadam de Liḥfid, « chevalier du roi [seigneur] de Gibelet », qui avait pour habitude de combattre avec ses hommes, pour son seigneur, dans le Mont Liban et dans la Békaa14. D’autres témoignages, contemporains, attestent les relations étroites entretenues par les seigneurs de Gibelet avec les populations chrétiennes du Mont Liban :

« […] le seigneur de Gibelet vint à Acre et emmena au soutien des Génois deux-cents archers chrétiens, vilains de la montagne de Gibelet, qui périrent tous dans cette guerre »15.

13Un chroniqueur anonyme du xiiie siècle, auteur des Gestes des Chiprois, rapporte ici comment le seigneur de Gibelet, engagé auprès des Génois durant la guerre de Saint-Sabas (1256-1270), aurait bénéficié de l’appui de deux cents archers chrétiens du Mont Liban, probablement des maronites. Ce témoignage est un indice supplémentaire des rapports étroits qui liaient les Francs, spécialement les seigneurs de Gibelet, aux chrétiens du Mont Liban et aux maronites en particulier. La topographie du Mont Liban rendait de fait compliqué l’établissement d’une domination directe. Les Francs semblent avoir préféré à celle-ci, par ailleurs difficile à établir, un contrôle indirect sur les hommes et sur l’espace. Selon ce paradigme, les seigneurs maronites de la montagne faisaient ainsi office de relais pour le contrôle de l’espace. Ce rôle joué par certains chefs maronites dans la protection des territoires francs est confirmé par Ibn al-Ḥarīrī lorsqu’il affirme que « les Mamlouks n’ont pu arracher Tripoli aux croisés qu’après avoir anéanti la résistance de leurs alliés les Maronites »16. Pour les Francs, ce système avait l’avantage de protéger la plaine littorale libanaise, sur laquelle ils étaient installés, en formant des territoires tampons avec les principautés musulmanes.

Les émirs musulmans du Mont Liban

14On retrouve naturellement des logiques et des dynamiques similaires de l’autre côté de la frontière. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter le cas de ces émirats établis sur la frontière avec les Francs par le pouvoir musulman. Plusieurs de ces dynasties implantées dans le Mont Liban sont connues : les Maʿan dans le Chouf ou encore les Šehāb dans la région de Ḥāṣbayā. Le cas le mieux documenté reste celui des Bani Buḥtur. Après la prise de Beyrouth par les Francs en 1110, les souverains de Damas, soucieux de protéger leurs territoires, encouragèrent l’implantation de ce clan, originaire de Syrie du nord, dans la région du Gharb, au sud-est de Beyrouth17. Les Buḥtur reçurent plusieurs iqṭāʿ et l’autorité sur des villages à charge de lutter contre les Francs, d’assister les souverains musulmans et de protéger les marges occidentales de Damas. Si le cas de ces émirs est bien connu, c’est parce que l’un des membres de cette lignée, Ṣāliḥ ibn Yaḥyā, au début du xve siècle, a rédigé une histoire de sa famille. L’intérêt principal de cette œuvre réside dans le fait que l’auteur a fondé la plus grande partie de son récit sur les archives familiales. De nombreux documents, certains perdus, sont résumés voire directement retranscrits par l’auteur (Fig. 6)18.

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Fig. 6 : Taʾrīẖ Bayrūt (تأريخ بيروت), Ṣāliḥ ibn Yaḥyā ibn Buḥtur (صالح بن يحيي بن بحتر) © Paris, BnF, Ms. Arabe 1670, Folio 36r et 36v (voir l'image au format original)

15Pourtant, si l’installation de ces émirs dans le Mont Liban avait vocation à protéger les territoires musulmans face aux Francs, cela n’a pas empêché les Buḥtur d’entretenir des relations avec les seigneurs francs, notamment ceux de Sidon et de Beyrouth. Ainsi, à côté des nombreux documents issus des chancelleries musulmanes, parmi lesquels des lettres et des décrets, Ṣāliḥ ibn Yaḥyā nous fait connaître l’existence de deux chartes octroyées par des seigneurs francs aux émirs Buḥtur au xiiie siècle. La première de Julien, seigneur de Sidon, émise en faveur de l’émir Jamāl al-Dīn, est datée de 1255. La deuxième, une charte de donation de 1280, accordée par Onfroy de Montfort, seigneur de Beyrouth, à l’émir Zayn al-Dīn est résumée par Ṣāliḥ ibn Yaḥyā (Fig. 6) :

« Le contenu de ce décret : une charte de donation d’une pièce de terre [شكارة] d’al-Amrousiya, cédée par Onfroy [litt. fils] de Montfort le Franc, seigneur de Beyrouth. […] En contrepartie du don, il [Zayn al-Dīn] doit l’aider à défendre son territoire et ne pas garder de fuyard du pays de Beyrouth. […] Plus largement, il ne doit rendre possible à quiconque de nuire au pays de Beyrouth. Et je veux dire cela, car la montagne était entre les mains des musulmans et la côte entre les mains des Francs. Le décret est daté de 1592 de l’ère d’Alexandre [1280 du calendrier grégorien]. Le scribe a écrit son nom : Georges fils de Jacob, scribe du château »19.

16Selon l’accord, l’émir devait assister le seigneur franc, empêcher tout désordre commis par les habitants de son territoire contre celui de Beyrouth et renvoyer tous les fugitifs des territoires francs qui venaient se réfugier dans la montagne. Ces contacts avec les Francs ont valu aux émirs des accusations de traîtrise. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a conduit Ṣāliḥ ibn Yaḥyā à rédiger l’histoire de sa famille, dans laquelle il s’efforce de les rejeter. Le cas des Bani Buḥtur offre un exemple saisissant de la richesse et de la fluidité des zones frontières en Orient latin. La frontière opère comme une interface dynamique, une zone de contacts et, dans certains cas, de confrontations. Surtout, c’est un espace qui se caractérise par la souplesse et l’adaptabilité des modes d’administration qui s’y sont développés.

Investir et s’approprier : le cas de l’abbaye Saint-Serge de Gibelet

17S’il faisait parfois l’objet d’un investissement indirect, l’espace de la frontière pouvait, dans d’autres circonstances, être directement investi par les pouvoirs comme l’illustre le cas de l’abbaye Saint-Serge de Gibelet. Ce monastère cistercien, fondé au xiiie siècle dans la montagne libanaise, se distingue par son installation, encouragée par le pouvoir franc, qui constitue l’une des rares tentatives documentées d’implantation latine pérenne dans le Mont Liban20.

La fondation

18L’histoire de cette institution nous est connue grâce à un manuscrit, un vidimus, conservé aux archives départementales de Saône-et-Loire, dans lequel est conservée la copie d’une partie des chartes de l’abbaye (Fig. 7)21.

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Fig. 7 : vidimus de l’abbaye Saint-Serge de Gibelet/Byblos (1279) © Inventaire de l’abbaye Notre-Dame de la Ferté-sur-Grosne, Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon (71), H27/65 (voir l'image au format original)

19Le lieu de conservation du manuscrit s’explique par les origines de l’institution qui était une maison fille de l’abbaye de La Ferté. Les premières traces de la communauté apparaissent avant sa fondation, en 1231, lorsque dans une lettre adressée à l’abbé de La Ferté, l’évêque de Gibelet, prénommé Vassal, fait état du souhait qu’il nourrit depuis longtemps d’implanter une communauté cistercienne dans son diocèse :

« […] Vassal, par la grâce de Dieu, évêque de Byblos, aux hommes pieux de l’abbé et de la communauté de La Ferté (que je salue et gratifie d’affection). Nous faisons connaître à votre sainteté que vos frères élus qui sont venus en Syrie, qui s’appellent Andreas et frère Égide, ont eu une conversation avec nous au sujet de l’édification d’une abbaye de votre ordre, que depuis longtemps nous avons choisie de construire dans notre diocèse [...] »22.

20Dans cette missive, l’évêque rend compte de la visite qu’il a reçue de deux frères cisterciens, chargés d’examiner un site qu’il propose de donner. Dans une charte datée de 1233 l’évêque, qui a vraisemblablement reçu un retour positif, cède le site et ses dépendances aux cisterciens de La Ferté, charge à eux d’y installer une communauté23. En 1238, le patrimoine de l’abbaye est augmenté à l’initiative de Guy Ier, seigneur de Gibelet, qui abandonne à la communauté plusieurs terrains et des casaux24. Si la localisation exacte de l’abbaye demeure inconnue, on sait grâce aux sources qu’elle se situait sur le versant occidental du Mont Liban, sur les hauteurs de Gibelet. Cette implantation cistercienne est relativement cohérente. Elle s’inscrit dans l’esprit et la tradition pionnière de l’ordre, souvent utilisé par les pouvoirs locaux pour développer et coloniser les espaces de marges. L’organisation et la structure centralisée de l’ordre cistercien en faisait un acteur plébiscité par les pouvoirs locaux, soucieux d’investir les zones frontières, en Orient comme en Occident25. La fondation de la communauté intervient dans un moment de recomposition du réseau cistercien en Orient latin, dans la première moitié du xiiie siècle.

Marquer l’espace, exploiter le sol

21Au-delà de la seule fondation du monastère, le vidimus de Saint-Serge de Gibelet offre le témoignage de nombreuses autres pratiques qui participaient pleinement au processus de territorialisation de la frontière. Je pense ici à l’exploitation et au bornage du territoire, deux pratiques qui mettent en jeu des questions évidentes d’appropriation de l’espace, particulièrement bien documentées dans le vidimus. De nombreuses cultures sont mentionnées dans les chartes de l’abbaye (oléiculture, viticulture, céréaliculture ou encore culture de la canne à sucre). La mise en valeur du terroir est une façon de faire territoire. L’appropriation de l’espace se veut alors économique. Cette dimension est d’autant plus prégnante lorsque l’on connaît le lien particulier qui unissait les cisterciens à la terre et leur rôle dans la colonisation des zones de marges. L’appropriation de l’espace peut également se doubler d’une dimension juridique et symbolique, dans le cas de la pratique du bornage. Le vidimus est un acte riche et précis qui fournit d’excellents renseignements sur la perception et la délimitation des territoires locaux dans le Levant latin. De nombreuses bornes sont mentionnées, il s’agit le plus souvent de pierres gravées de croix (« habet signum crucis in una petra ») ou de croix taillées dans la pierre (« usque ad cruces »), sans qu’il soit toujours possible de bien les distinguer26. Le bornage est mentionné dans les chartes dans deux cas précis, lors de la résolution de conflits fonciers et dans le contexte d’un don ou d’une confirmation, comme c’est le cas pour l’abbaye Saint-Serge de Gibelet. Le bornage est une opération éminemment politique puisqu’elle participe à la manifestation du pouvoir et à l’affirmation de sa domination dans l’espace. Le pouvoir, en s’inscrivant sur l’espace – au sens propre comme au sens figuré –, atteste sa domination et la rend visible. En cela, on peut comparer cette opération à celle qui consiste à hisser un drapeau ou une bannière sur un bâtiment pour mieux se l’approprier. À ce sujet, Raymond d’Aguilers souligne dans son récit de la première croisade qu’il suffisait aux croisés de dresser leur bannière sur un bien pour se l’approprier27. Avec les bornes, l’inscription du pouvoir dans l’espace n’est pas seulement physique, elle est aussi symbolique. Songeons à l’utilisation de croix, bien attestées dans le vidimus, qui devaient véhiculer une symbolique plus puissante encore en Orient eu égard à la situation multiconfessionnelle. Dans le vidimus, le scribe, lorsqu’il évoque les croix gravées sur les bornes, utilise le terme de signum (« signum crucis in una petra »). Le même terme est utilisé lorsqu’il s’agit d’exprimer la souscription des témoins au bas des actes. Littéralement donc, le pouvoir authentifie la borne et signe l’espace pour mieux se l’approprier, pour mieux le territorialiser.

Conclusion

22Loin de l’idée d’une frontière rigide et hermétique, l’examen des sources a permis d’identifier les traits saillants du Mont Liban aux xiie et xiiie siècles, tout à la fois zone de contacts, espace de transition dynamique et disputé, parfois neutralisé et plus rarement contrôlé, entre deux zones de dominations politiques. On l’a vu, en raison de ses caractéristiques, le Mont Liban était un espace difficilement contrôlable, ce qui a poussé les pouvoirs à développer des formes originales d’administration des hommes et de l’espace. Ainsi, il faut se départir d’une vision trop figée de la frontière. Loin d’être l’expression d’une ligne de défense, les châteaux étaient davantage perçus et pensés comme des pivots et des points d’appui, des relais à partir desquels il était possible de lancer des raids et des razzias en territoire ennemi. Dans d’autres cas encore, la frontière pouvait être neutralisée par les belligérants dans le cadre de traités et d’accords. D’une manière générale, les sources attestent la fluidité des structures de pouvoir et l’adaptabilité politique des acteurs dans les zones frontières. Des deux côtés, les pouvoirs semblent avoir privilégié une confrontation directe, la création de zones tampons. La frontière apparaît ainsi comme un espace interstitiel, une zone de transition entre deux pôles de domination politique. Les liens entretenus par les Francs avec certains chefs chrétiens et émirs musulmans du Mont Liban s’inscrivent dans la lignée de ce modèle et traduisent la volonté des acteurs d’instaurer des zones tampons. Dans d’autres circonstances, l’investissement du pouvoir sur la frontière se voulait plus concret comme le prouve le cas de l’abbaye Saint-Serge de Gibelet. La territorialisation va alors de pair avec une dynamique d’appropriation de l’espace par le pouvoir. Celle-ci est autant pratique que symbolique et revêt des dimensions très variées : économique, juridique ou encore politique.

Sources

23Anonyme, Les Gestes des Chiprois : recueil de chroniques françaises écrites en Orient aux xiiie et xive siècles, éd. Gaston Raynaud, Genève, Imprimerie Jules-Guillaume Flick (Publications de la Société de l’Orient latin. Série historique, n. 5), 1887.

24Guillaume de Tyr, Chronique, éd. Robert B. C. Huygens, Turnhout, Brepols (Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, n. 63), 1986, 2 vols.

25Ibn al-Qalānīsī, Ḏayl ta’rīḫ Dimašq, trad. partielle Roger Le Tourneau, Damas, Institut français de Damas (Institut français de Damas, n. 52), 1952.

26Raymond d’Aguilers, Le « Liber » de Raymond d’Aguilers, éd. John Hugh et Laurita Hill, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner (Documents relatifs à l’histoire des croisades, n. 9), 1969.

27Ṣāliḥ ibn Yaḥyā, Taʾrīẖ Bayrūt : wa-huwa aẖbār al-salaf min ḏurriyat Buḥtur ibn ʿAlī Amīr al-Ġarb bi-Bayrūt, éd. Francis Hours et Kamal Salibi, Beyrouth, Dār al-Mašriq (Histoire et sociologie du Proche-Orient, n. 35), 1969.

28Vidimus de l’abbaye Saint-Serge de Gibelet/Byblos, 1279, Inventaire de l’abbaye Notre-Dame de la Ferté-sur-Grosne, Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon (71), H27/65.

Bibliographie

29Florian Artaud, « Saint-Serge de Gibelet/Byblos : une abbaye cistercienne dans le Mont Liban à l’époque des croisades (xiiie siècle) », à paraître 2023.

30Entre Islam et Chrétienté : la territorialisation des frontières (xie-xvie siècle), dir. S. Boisselier et I. C. Ferreira Fernandes, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Histoire), 2015.

31Frontières spatiales, frontières sociales au Moyen Âge. Actes du LI congrès de la SHMESP, Perpignan, 21-22 mai 2020, dir. S. Boissellier et al., Paris, Éditions de la Sorbonne (Histoire ancienne et médiévale, n. 177), 2021.

32Andrew Buck, « The Castle and Lordship of Ḥārim and the Frankish-Muslim Frontier of Northern Syria in the Twelth Century », Al-Masāq, 28/2, 2016, p. 113-131.

33Andrew Buck, The Principality of Antioch and its Frontiers in the Twelfth Century, Woodbridge, The Boydell Press, 2017.

34Jochen Burgtorf, « Experiments in Coexistence? The Religious Military Orders and Condominia in Northern Syria (1260-1291) », dans Ordres militaires et territorialité au Moyen Âge : entre Orient et Occident, dir. M-A Chevalier, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 2020, p. 31-48.

35Boutros Daou, Histoire religieuse, culturelle et politique des Maronites, Beyrouth, Éditions le Livre Préféré, 1985.

36Simon Dorso, Entre Jérusalem et Damas : territorialité et peuplement en Galilée orientale à l’époque des croisades (xiie-xiiie siècle), thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2, 2021, 2 vols. [thèse non publiée], 908 pages.

37Yvonne Friedmann, « Peacemaking: Perceptions and practices in the medieval Latin East », The Crusades and the Near East: Cultural Histories, dir. C. Kostick, Londres, Routledge, 2011, p. 229-257.

38Kevin Lewis, The counts of Tripoli and Lebanon in the Twelfth Century: sons of Saint-Gilles, Londres, Routledge (Rules of Latin East, n. 1), 2017.

39Pierre Moukarzel, « La qualité bien rare de Ṣâliḥ Ibn Yaḥyâ parmi les historiens orientaux au Moyen Âge : écrire l’histoire des émirs Buḥtur en utilisant les archives familiales », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (REMM), 127, 2010, p. 239-257.

40Jean-Michel Mouton, Damas et sa principauté sous les Saljoukides et les Bourides (468-549/1076-1154), Le Caire, Institut français d’archéologie orientale (Textes arabes et études islamiques, n. 33), 1994.

41Jean Richard, « “Cum omni raisagio montanee” : à propos de la cession du Crac aux hospitaliers », dans Itinéraires d’Orient : hommages à Claude Cahen, dir. R. Curiel et R. Gyselen, Louvain, Groupe d’études pour la civilisation du Moyen-Orient (Res Orientales, n. 6), 1994, p. 187-194.

42Kamal Salibi, « The Maronites of Lebanon under Frankish and Mamluk rule (1099-1516) », Arabica, 4:3, 1957, p. 288-303.

43Micaela Sinibaldi, Settlement in Crusader Transjordan (1100-1189): a historical and archeological study, thèse de doctorat, Cardiff University, 2016, 1 vol. [thèse non publiée].

44Bogdan C. Smarandache, Conceptualizing Frankish-Muslim Partition Truces in the Coastal Plain and Greater Syria (502-684 AH/1108-9-1285 AD), Berlin, E-B Verlag (Ulrich Haarmann Memorial Lecture, n. 16), 2019.

45Nickiphoros Tsougarakis, The Latin religious orders in medieval Greece, 1204-1500, Turnhout, Brepols (Medieval Church Studies, n. 18), 2012.

46Territoires, territorialité, territorialisation : controverses et perspectives, dir. M. Vanier, Rennes, Presses Universitaires de Rennes (Espace et territoires), 2009.

Notes

1 Cet article, qui est le fruit d’une réflexion menée en master et poursuivie en thèse, n’aurait pu voir le jour sans l’aide et le conseil de collègues et enseignants. J’aimerais tout particulièrement remercier Fahd Touma pour son aide dans la traduction de plusieurs extraits en langue arabe.

2 Les congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur (SHMESP) sont toujours très instructifs des tendances de l’historiographie. Le 51ème congrès, qui s’est tenu en mai 2020, s’est inscrit au cœur de ces problématiques. Voir : Frontières spatiales, frontières sociales au Moyen Âge. Actes du LIe congrès de la SHMESP, Perpignan, 21-22 mai 2020, dir. S. Boissellier et al., Paris, Éditions de la Sorbonne (Histoire ancienne et médiévale, n. 177), 2021.

3 Micaela Sinibaldi, Settlement in Crusader Transjordan (1100-1189): a historical and archeological study, thèse de doctorat, Cardiff University, 2016, 1 vol. [thèse non publiée], 327 pages ; Andrew Buck, The Principality of Antioch and its Frontiers in the Twelfth Century, Woodbridge, The Boydell Press, 2017 ; Simon Dorso, Entre Jérusalem et Damas : territorialité et peuplement en Galilée orientale à l’époque des croisades (xiie-xiiie siècle), thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2, 2021, 2 vols. [thèse non publiée], 908 pages.

4 Il faut toutefois mentionner les récents travaux sur le comté de Tripoli de Kevin Lewis qui ont permis d’apporter un éclairage nouveau sur cet espace. Voir : Kevin Lewis, The counts of Tripoli and Lebanon in the Twelfth Century: sons of Saint-Gilles, Londres, Routledge (Rules of Latin East, n. 1), 2017.

5 Pour une réflexion méthodologique : Territoires, territorialité, territorialisation : controverses et perspectives, dir. M. Vanier, Rennes, Presses Universitaires de Rennes (Espace et territoires), 2009 ; Entre Islam et Chrétienté : la territorialisation des frontières (xie-xvie siècle), dir. S. Boissellier et I. C. Ferreira Fernandes, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Histoire), 2015.

6 Guillaume de Tyr, Chronique, éd. Robert B. C. Huygens, Turnhout, Brepols (Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, n. 63), 1986, p. 975-976 (21, 10, 30) : « Interea comes Tripolitanus ex condicto per agrum Bibliensem, iuxta castrum quod Monethera dicitur, subito in fines Eliopolitanos ingressus, in eadem valle cum suis cuncta incendiis cremare nuntiatur ».

7 Andrew Buck, « The Castle and Lordship of Ḥārim and the Frankish-Muslim Frontier of Northern Syria in the Twelth Century », Al-Masāq, 28/2, 2016, p. 113-131.

8 Les sources témoignent de nombreux changement de domination, au moins trois pour les châteaux de la Moinètre et Gibelacar au xiie siècle.

9 La Munāafa est une forme de copropriété, équivalente au condominium européen, utilisé dans le monde arabo-musulman. Si son origine est probablement pré-islamique, la pratique se généralise aux xiie et xiiie siècles dans le cadre des relations diplomatiques entre Musulmans et non musulmans. Pour une définition et une réflexion sur cet outil : Michael Köhler, « Munāṣafa », dans Encyclopédie de l’Islam, Paris, Maisonneuve et Larose, 1993, p. 564-565 ; Bogdan C. Smarandache, Conceptualizing Frankish-Muslim Partition Truces in the Coastal Plain and Greater Syria (502-684 AH/1108-9-1285 AD), Berlin, E-B Verlag (Ulrich Haarmann Memorial Lecture, n. 16), 2019 ; Jochen Burgtorf, « Experiments in Coexistence? The Religious Military Orders and Condominia in Northern Syria (1260-1291) », Ordres militaires et territorialité au Moyen Âge : entre Orient et Occident, dir. M-A Chevalier, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 2020, p. 31-48.

10 Au total, Yvonne Friedmann a recensé 120 traités de paix ou de partage mentionnés dans les sources. Yvonne Friedmann, « Peacemaking: Perceptions and practices in the medieval Latin East », dans The Crusades and the Near East: Cultural Histories, dir. C. Kostick, Londres, Routledge, 2011, p. 229-257, en part. p. 229.

11 Ibn al-Qalānīsī, Ḏayl ta’rīḫ Dimašq, trad. partielle Roger Le Tourneau, Damas, Institut français de Damas (Institut français de Damas, n. 52), 1952, p. 89.

12 Jean-Michel Mouton, Damas et sa principauté sous les Saljoukides et les Bourides (468-549/1076-1154), Le Caire, Institut français d’archéologie orientale (Textes arabes et études islamiques, n. 33), 1994, p. 52.

13 Florian Artaud, La seigneurie de Gibelet / Byblos (xiie-xiiie siècle). Organisation et dynamiques d’un territoire du comté de Tripoli, mémoire de master mondes médiévaux, Université Paul-Valéry Montpellier 3, 2019, vol. 1 [mémoire non publié], en part. p. 138-159.

14 Cité par Kamal Salibi, « The Maronites of Lebanon under Frankish and Mamluk rule (1099-1516) », Arabica, 4:3, 1957, p. 288-303, en part. p. 292. Voir également : Jean Richard, « “Cum omni raisagio montanee” : à propos de la cession du Crac aux hospitaliers », dans Itinéraires d’Orient : hommages à Claude Cahen, dir. R. Curiel et R. Gyselen, Louvain, Groupe d’études pour la civilisation du Moyen-Orient (Res Orientales, n. 6), 1994, p. 187-194, en part. p. 191-192.

15 Anonyme, Les Gestes des Chiprois : recueil de chroniques françaises écrites en Orient aux xiiie et xive siècles, éd. Gaston Raynaud, Genève, Imprimerie Jules-Guillaume Flick (Publications de la Société de l’Orient latin. Série historique, n. 5) 1887, p. 151 : « vint le seignor de Giblet à Acre, & amena en l'aye de Jenevés .cc. archiers crestiens, vylains de la montagne de Giblet, quy furent puis tous mors en selle guerre ».

16 Cité dans Boutros Daou, Histoire religieuse, culturelle et politique des Maronites, Beyrouth, Éditions le Livre Préféré, 1985, p. 508.

17 Pierre Moukarzel, « La qualité bien rare de Ṣâliḥ Ibn Yaḥyâ parmi les historiens orientaux au Moyen Âge : écrire l’histoire des émirs Buḥtur en utilisant les archives familiales », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (REMM), 127, 2010, p. 239-257, en part. p. 241.

18 Pour un panorama général de l’œuvre de Ṣāliḥ ibn Yaḥyā : Pierre Moukarzel (art. cit. n. 18), en part. p. 239-248.

19 Ṣāliḥ ibn Yaḥyā, Taʾrīẖ Bayrūt : wa-huwa aẖbār al-salaf min ḏurriyat Buḥtur ibn ʿAlī Amīr al-Ġarb bi-Bayrūt, éd. Francis Hours et Kamal Salibi, Beyrouth, Dār al-Mašriq (Histoire et sociologie du Proche-Orient, n. 35), 1969, p. 73-74 : من مضمون كتاب بوهبة شكارة العمروسية من هنفري بن دمونقرب الفرنجي صاحب بيروت وهو انه قد وهب شكارة بذارها غرارة ينصبها كرم بشرط لا يبيعها ولا يوهبها ومتى فعل ذلك رجع في وهبته ومن شروطه مساعدته لصحوبيته وان لا يخلي في بلاده هارب من بلد بيروت الا ويرده صلحًا او بغيره وان لا يمكنّه من الإقامة ازيد عن ثمانية أيام ولا يمكن احد من بلاده يفسد في بلد بيروت اعني الساحل لان بلد بيروت كان في تلك الوقت جباله للمسلمين والساحل الفرنج تاريخ هذا الكتاب سنة الف وخمسماية اثني وتسعين للاسكندر والكاتب كتب اسمه جرج بن يعقوب كاتب القلعة.

20 Sur l’histoire de l’abbaye : Florian Artaud, « Saint-Serge de Gibelet/Byblos : une abbaye cistercienne dans le Mont Liban à l’époque des croisades (xiiie siècle) », dans L’Arménie et les Arméniens, entre Byzance et le Levant. Mélanges offerts à Gérard Dédéyan, dir. M-A Chevalier et I. Auge, à paraître 2023.

21 Vidimus de l’abbaye Saint-Serge de Gibelet/Byblos, 1279, Inventaire de l’abbaye Notre-Dame de la Ferté-sur-Grosne, Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon (71), H27/65. Pour la première édition du document : Ernest Petit, « Chartes de l'abbaye cistercienne de Saint-Serge de Giblet en Syrie », Mémoires de la Société Nationale des Antiquaires de France, 48, 1887, p. 20-30.

22 Ernest Petit, « Chartes de l'abbaye cistercienne de Saint-Serge de Giblet en Syrie » (éd. cit. n. 22), p. 23-24 : « Vassalus, dei gratia bibliensis episcopus, viris religiosis [...] abbati et conventui de Firmitate, salutem et dilectionis affectum. Sanctitati vestre notificamus quod dilecti fratres vestri, nomine Andreas et frater Egidius, visitationis causa in Siriam venientes, nobiscum colloquium amicabile habuerunt super edificatione cujusdam abbatie ordinis vestri, quam nos jamdiu cepimus construere in nostra dyocesi »

23 Ernest Petit, « Chartes de l'abbaye cistercienne de Saint-Serge de Giblet en Syrie » (éd. cit. n. 22), p. 25-26.

24 Ernest Petit, « Chartes de l'abbaye cistercienne de Saint-Serge de Giblet en Syrie » (éd. cit. n. 22), p. 26-29.

25 Nickiphoros Tsougarakis, The Latin religious orders in medieval Greece, 1204-1500, Turnhout, Brepols (Medieval Church Studies, n. 18), 2012, p. 16.

26 Ernest Petit, « Chartes de l'abbaye cistercienne de Saint-Serge de Giblet en Syrie » (éd. cit. n. 22), p. 26.

27 Raymond d’Aguilers, Le « Liber » de Raymond d’Aguilers, éd. John Hugh et Laurita Hill, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner (Documents relatifs à l’histoire des croisades, n. 9), 1969, p. 137 : « Erat enim consuetudo inter nos, ut si aliquis ad castellum vel villam prior venisset, et posuisset signum cum custodia, a nullo alio postea contingebatur ».

Pour citer ce document

Par Florian Artaud, «Territorialiser la frontière.
Les Francs et le Mont Liban à l’époque des croisades (xiie-xiiie siècle)1», Annales de Janua [En ligne], n° 9, Les Annales, mis à jour le : 13/11/2023, URL : https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=3120.

Quelques mots à propos de :  Florian Artaud

Statut : Doctorant contractuel (2020-2023) (ED58 – UM3) – Laboratoire : Centre d’études médiévales de Montpellier (CEMM – EA4583) – Directrices de recherche : Isabelle Augé, Marie-Anna ChevalierSujet de thèse : « La territorialité des établissements monastiques latins du Levant (xiie-xiiie siècle) : organisation, réseau et dynamique » - Thématiques de recherche : histoire de l’Orient chrétien, histoire des croisades, histoire de l’Orient latin, peuplement, pouvoir et territorialité en Orient ...

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