Edito

Par Thomas Guglielmo et Marie-Amélie Lamy
Publication en ligne le 10 avril 2024

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Texte intégral

1Les dixièmes Journées Jeunes Chercheurs organisées par l’association Janua ont réuni, les 27 et 28 avril 2023, des jeunes chercheuses et chercheurs en sciences humaines avec pour objectif de présenter une communication autour du thème « la ville : représentation, matérialité, spatialité » dans une perspective pluridisciplinaire et méthodologique favorisant le dialogue et la réflexion. Ce thème, large et riche en possibilités, permet de réunir ensemble toutes les disciplines et toutes les périodes historiques, afin de favoriser l’ouverture d’esprit et l’apprentissage dans un moment de stimulation intellectuelle.

2Dans ce dixième numéro des Annales de Janua, les intervenant·e·s ont proposé des contributions variées, témoignant du fort potentiel heuristique de la ville comme objet d’études des sciences historiques.

3Objet de systèmes de représentation, la ville est un espace construit, vécu et hérité. Elle est le carrefour de nombreux enjeux pour les sociétés, qu’ils soient politiques, sociaux, culturels, sanitaires ou environnementaux. Qu’elle soit un rang auquel aspirent les villages et les bourgs - dans le cas de la Jordanie tardo-antique par exemple - ou le théâtre des travers de l’humain - dans les city comedies websteriennes - la ville se caractérise toujours par les interactions qu’entretiennent avec elle ses habitants. Les lecteurs et les lectrices sont ainsi convié·e·s, à travers une série de pérégrinations urbaines dépaysantes, à la fois spatiales et temporelles, à saisir tout le potentiel offert par cet objet d’études pour affiner notre compréhension des sociétés, passées et présentes.

4Ces Journées Jeunes Chercheurs ont également été l’occasion, pour les intervenants et les intervenantes, d’évoquer les obstacles rencontrés au cours de leurs recherches et de partager leurs réflexions méthodologiques, mettant en relief la diversité des approches possibles dans l’étude du phénomène urbain.

5Flora Muntrez ouvre ainsi ce dixième numéro avec un article nous transportant dans les lointaines cités de la Jordanie tardo-antique. L’autrice étudie les mosaïques représentant des villes pour en donner les différentes fonctions. Riches de sens, ces représentations permettaient tout à la fois de hiérarchiser les relations de pouvoir entre les villes jordaniennes, de témoigner de la vision commune des habitants de cette région d’un espace chrétien uni et, pour les villages et les bourgs, de témoigner de leur aspiration à devenir des villes. Les mosaïques étudiées par Flora Muntrez sont à la fois le support de discours multiples - dont la ville comme statut administratif est l’instrument - et des sources précieuses pour comprendre les conceptions que les contemporains avaient de la ville.

6Après un long voyage dans la Jordanie tardo-antique, Mélissa Bourroux nous propose de faire une halte dans les jardins médiévaux représentés dans les enluminures flamandes et françaises des xive et xve siècles. L’autrice montre que le jardin était alors conçu comme une entité à part entière du tissu urbain. Lieu d’agrément pour les uns - les bellatores - et de travail pour les autres - les laboratores - il cristallise un imaginaire nourri de l’image biblique du jardin d’Éden, et permet de mettre en place un certain nombre de discours, que l’autrice met en exergue.

7Reposés, nous sommes convié·e·s par Héloïse Dupin à une visite du chantier de reconstruction du palais de Poitiers lancé par le duc Jean de Berry à la fin du xive siècle. De l’extraction de la pierre dans les carrières à sa mise en œuvre sur le chantier à proprement parler, nous suivons l’autrice - en veillant à ne pas nous blesser sur un clou égaré au sol - dans son exploration des différentes étapes du chantier et des nécessaires modifications qu’il entraine dans les circulations et, plus généralement, dans l’occupation de l’espace urbain.

8Prenons à présent quelques vacances - studieuses - bien méritées, en compagnie de Flore Lerosier, qui se propose de nous faire découvrir l’utilisation de l’héritage gréco-romain de Naples dans la construction de l’identité de la ville médiévale et moderne. En s’appuyant sur des sources textuelles et iconographiques - cartographiques notamment - l’autrice montre que Naples a su, dans le cadre de l’intérêt suscité par l’Italie et son patrimoine lors de la redécouverte de l’Antiquité à l’Époque moderne, valoriser son patrimoine antique. Le passé de la ville est alors rendu présent afin d’attirer les voyageurs du Grand Tour, auquel nous nous joignons volontiers.

9Épuisés par le Grand Tour, nous nous fixons un temps à Londres pour nous divertir en assistant à quelques city comedies de John Webster, que Louis André se propose d’étudier. S’intéressant plus précisément aux city comedies Westward Ho! (ca 1604) et Northward Ho! (1605), l’auteur nous propose une étude de l’usage de la ville comme théâtre des intrigues de ces comédies. Le genre même de la city comedy - fin du xvie siècle et début du xviie siècle dans le théâtre élisabéthain - qui situe l’action à Londres, témoigne de l’importance sociale des villes. Louis André montre que pour John Webster, la ville est le lieu d’un mode de vie ambigu, qui oscille entre moralité et immoralité. Elle est le symbole d’une société en mutation et des angoisses que cette mutation génère.

10Nous poursuivons notre route en compagnie d’Álvaro Ruiz Cuevas, qui nous montre comment les possibilités de traitement des données historiques offertes par le système d’information géographique (SIG) permettent d’élargir le champ des questionnements en histoire urbaine. Il nous montre également que le SIG facilite l’accès, et, partant, la diffusion des archives, permettant leur vulgarisation auprès d’un public élargi. Pour cela, l’auteur étudie le cas du Madrid des années 1863-1879, en prenant divers exemples, parmi lesquels l’étude de la densité de la population, celui de la modélisation des temps de déplacements ou encore celui de l’étude de l’épidémie de choléra de 1865.

11Ayant échappé de peu à l’épidémie de choléra madrilène de 1865, nous terminons nos pérégrinations sur la place Saint-Jean à Lyon, pour assister, en compagnie de Nawel Belghith, au spectacle Évolution proposé par l’artiste Yann Nguema et le groupe Ez3kiel lors de la Fête des Lumières, en l’an 2016 de notre ère. Dans son article, l’autrice montre que la scénographie événementielle permet une réappropriation du patrimoine lyonnais par les habitants de la ville. La ville étant devenue, selon le mot de Marc Augé, un « non-lieu » en raison de la déconnection toujours plus marquée des individus d’avec leur environnement social et leur histoire culturelle, c’est, selon l’autrice, par l’expérience sensible, sensorielle et émotionnelle, que la scénographie entend faire renouer les individus avec l’espace urbain.

12Pour finir, nous souhaitons adresser nos plus sincères remerciements à l’ensemble des actrices et des acteurs de ce dixième numéro des Annales de Janua.

13Nous remercions l’association Janua, et tout particulièrement les organisateurs et organisatrices de ces dixièmes journées d’études - Ilona Cordeau, Léa-Bérangère Dechamp, Thomas Guglielmo, Marie-Amélie Lamy, Jeanne Ledan, Sarah Maçonnerie, Alexis Minault, Aliénor Rabeau et Paul Weibel - qui ont veillé à leur bon déroulement. Merci aux auteurs de ce numéro - Louis André, Nawel Belghith, Mélissa Bourroux, Héloïse Dupin, Flore Lerosier, Flora Muntrez et Álvaro Ruiz Cuevas - pour la qualité de leurs contributions originales sur le thème « la ville : représentation, matérialité, spatialité ». Ces derniers et dernières ont notamment bénéficié des remarques avisées du comité de relecture composé de : Mathilde Carrive, Andrzej Chankowski, Pierre-Marie Joris, Marie-Luce Pujalte-Fraysse, Thierry Sauzeau, Alexandre Vincent et Cécile Voyer. Qu’ils et elles en soient ici grandement remercié·e·s.

14Enfin, nos remerciements vont également à la webmaster Vanessa Ernst‑Maillet qui, chaque année, se charge de mettre en ligne l’ensemble des articles. Son dévouement, sa disponibilité et son enthousiasme constants ont contribué à rendre réjouissant ce travail éditorial.

15Ce dixième volume est dédié à Manon Durier (docteure du CESCM, thèse soutenue en 2016) qui est à l'origine de la création des Annales de Janua.

16Au seuil de ce numéro des Annales de Janua, il ne reste aux membres de l’association et de l’équipe éditoriale qu’à vous souhaiter de bonnes visites dans les villes étudiées.

Pour citer ce document

Par Thomas Guglielmo et Marie-Amélie Lamy, «Edito», Annales de Janua [En ligne], n° 10, Les Annales, mis à jour le : 14/10/2024, URL : https://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr:443/annalesdejanua/index.php?id=3559.

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